ARNAUD DE LESTANG (Gabriel-Marie-Laurent)



ARNAUD DE LESTANG (Gabriel-Marie-Laurent)), un des instigateurs et le chef du mouvement contre-révolutionnaire qui éclata dans le midi de notre département et dans le département de Vaucluse, dans les derniers temps de la Convention, naquit à Saint-Paul-Trois-Châteaux, le 16 octobre 1764, d'Henri-Laurent Arnaud de Lestang, lieutenant-colonel d'artillerie anobli à la suite du siège d'Ypres (1744), et de Marie-Antoinette d'Allemand. Il avait donc trente-un ans lorsqu'il leva le drapeau de la révolte, au mois d'août 1795, marquant son entrée en campagne par l'enlèvement, non loin de Montdragon, d'un convoi de poudre destiné à l'armée d'Italie. Quelques jours après, sur la nouvelle qu'un nommé Faure-Pibrac, ennemi des terroristes, avait été assassiné aux portes de Montélimar, il se rendit aussitôt dans cette ville et y parla en maître à la municipalité hésitante (23 septembre 1795). Les dispositions de l'esprit public étaient alors telles dans la contrée, que les municipalités elles-mêmes distribuaient des munitions et des vivres aux soldats de l'insurrection, et que le représentant du peuple Boursault ayant lancé un mandat d'amener contre de Lestang, les habitants de Saint-Paul-Trois-Châteaux fermèrent leurs portes à un détachement de trois cents hommes chargé d'exécuter ce mandat. Seul, le commandant de ce détachement finit par obtenir la permission d'entrer dans la ville ; mais loin de pouvoir ensuite se faire livrer le chef insurgé, il lui fallut, au contraire, faire relâcher deux soldats de l'insurrection, dont sa troupe s'était emparée. Aussi, le représentant Goupilleau, qui fut envoyé en mission extraordinaire dans les départements de la Drôme, de Vaucluse et du Gard dans ce temps-là, écrivait-il de Valence, le 30 vendémiaire (22 octobre) : " Il faut vite prendre des mesures générales, nous procurer des forces et ne pas perdre un instant pour réduire cette poignée de royalistes et de fanatiques dont l'audace pourrait s'accroître par l'impunité. " Or, on peut juger du désarroi dans lequel était alors le Gouvernement par ce fait, qu'au bout de sept mois, on ne trouva rien de mieux à faire que d'enjoindre aux compagnies de canonniers et de chasseurs de la garde nationale de Valence de se rendre sur-le-champ à Montélimar pour y être aux ordres du général Pellapra ; les autres gardes nationaux étant exhortés à suivre cet exemple, sous promesse qu'on " les armerait de fusils avec bayonnettes " et qu'on donnerait des souliers à ceux qui n'en avaient pas. Puis, comme le départ de ces compagnies donna lieu à une manifestation contraire des femmes de Valence, on écrivit, trois jours après, au général Pellapra de les renvoyer dans leurs foyers ; et cela alors que les partisans d'Arnaud de Lestang abattaient partout les arbres de liberté aux cris de : Vive le roi ! et que dans certaines villes, telles que Crest, des attroupements menaçants avaient lieu, sous l'œil bienveillant des municipalités. En un mot, l'insurrection, maîtresse du midi de notre département et de partie de ceux de Vaucluse et du Gard, menaçait de s'étendre encore, quand le représentant Fréron, envoyé sur les lieux avec des pouvoirs illimités, trouva moyen de s'emparer d'Arnaud de Lestang qui, traduit devant un conseil de guerre, séant à Avignon, fut condamné {37}à mort, le 23 prairial an IV (9 juin 1796), et exécuté le lendemain ; ce qui mit fin à l'insurrection.
Maintenant, que voulait, en réalité, ce jeune audacieux, qui s'était refusé à suivre deux de ses frères dans l'émigration ? Restaurer le trône ? On peut le croire, mais il est à remarquer cependant que Job Aymé, qui fut, au dire de Fréron, le Pierre l'Ermite d'une croisade dont Arnaud de Lestang fut le Godefroy de Bouillon, n'était pas à proprement parler un royaliste, et que, si l'insurrection dont ce dernier fut le chef s'était rattachée, comme on l'a dit, à quelque vaste complot ayant pour but de livrer notre frontière de l'Est au futur Louis XVIII, de Lestang n'aurait pas manqué de profiter de ses succès pour donner la main aux royalistes de Lyon et de la Franche-Comté, tandis qu'il ne s'attacha guère qu'à consolider sa situation dans la contrée qu'il habitait. D'où l'on peut conclure que l'objectif d'Arnaud de Lestang, aussi bien que celui de Job Aymé, son complice, était surtout d'affranchir définitivement le pays du joug de ceux que la révolution de Thermidor avait renversés et dont les survivants cherchaient à ressaisir le pouvoir. Fréron, lui-même, n'écrivait-il pas alors : " La crainte de l'ancienne Terreur est le puissant levier par lequel les chefs de l'entreprise ont mis en mouvement la masse égarée. " Quant à ce que Fréron et d'autres montagnards disent des crimes sans nombre de " l'égorgeur Lestang et de ses satellites ", c'est d'autant plus sujet à conteste que pour se donner les airs d'un triomphateur ayant sauvé la Patrie, Fréron ne craignit pas d'inventer de toutes pièces des faits d'une très grande importance. Ainsi raconte-t-il qu'Arnaud de Lestang, ayant " résolu d'égorger tous les prisonniers dans les prisons d'Orange et d'Avignon, " marcha sur cette dernière ville et, s'en étant emparé, demanda la tête du représentant Boursault, qui dut s'enfuir après un combat, dans lequel périrent plusieurs républicains. Tandis qu'Ollivier-Gérente, autre conventionnel qui se trouvait en ce moment-là sur les lieux, dit en termes formels qu'" il est faux qu'Avignon ait jamais été au pouvoir de de Lestang ; faux qu'il y ait même paru en cette circonstance ; faux qu'il ait demandé la tête de Boursault, et que ce que Fréron dit à ce sujet, n'est qu'une fiction créée pour étayer un système dénué de fondement. " Une remarque à faire, du reste, c'est que le jugement prononcé contre Arnaud de Lestang et dont l'affichage fut ordonné, ne charge celui-ci d'aucun assassinat, mais seulement d'avoir parcouru différentes communes à la tête de rassemblements armés, sans aucune autorisation ; d'avoir fait abattre des arbres de liberté et d'avoir voulu pénétrer dans les maisons d'arrêt, pour en enlever et faire égorger les prisonniers.
Arnaud de Lestang prit part à la défense de Lyon, contre l'armée de la Convention, en 1793, et, ayant été arrêté à la suite de la prise de cette ville, il était en prison, le 8 décembre ; mais il fut relâché le 13 février 1794, d'après ce qu'il raconte dans une lettre appartenant à M. le commandant de Payan.
#Etat civil. - Lacroix, L'Arr. de Montélimar, vii, 435. - Mém. de Fréron, 70, 311, 318, 319, 382. - M.-B. Odouard. Observations. - Ad. Rochas, Mém. d'un bourg. de Valence, ii, 272, 302, 303. - Etc.




Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901

Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne

ARNAUD (Durand).htm <-- Retour à l'index --> ARNOLD, évêque et abbé de Romans.htm