ASTIER (Gabriel)



ASTIER (Gabriel)), illuminé protestant qui fut le principal instigateur du soulèvement de ses coreligionnaires du Vivarais, en 1689, était de Clieu en Dauphiné, autrement dit de Cliousclat, village non loin de la rive gauche du Rhône, et non de Cléon-d'Andran, comme on l'a quelquefois dit. Simple cultivateur que les hasards de la vie des champs et probablement aussi les persécutions avaient mis en contact avec ce mystérieux du Serre ou de Ferre (V. ce nom) qui fut, dit-on, le {40}premier éducateur des petits prophètes, il avait, suivant les uns, vingt-cinq ans, vingt-trois seulement, suivant d'autres, lorsqu'il commença à grouper autour de lui un certain nombre de ses parents et de ses voisins, à qui il annonçait la prochaine délivrance d'Israël, c'est-à-dire la chute du gouvernement de Louis XIV. C'était vers la fin de 1687. Poursuivi à cause de cela, par ordre de l'intendant du Dauphiné, Astier s'enfuit à Baix, village en face de Cliousclat, sur la rive droite du Rhône, dont la seigneurie appartenait à une fervente huguenote, Anne Ducros, veuve d'Isaac de Chabrières, qui s'empressa de lui donner asile. Mieux encore, elle facilita si bien ses prédications, qu'au bout de peu de temps, le hameau voisin de Bressac, qu'habitait un frère d'Astier, fut un lieu de rendez-vous pour les protestants de la contrée et, par cela même, un foyer d'agitation et de résistance, ce qui valut à cette dame d'être arrêtée. Quant à notre prédicant, il gagna alors le pays des Boutières, puis les montagnes de Saint-Cierge, où de véritables foules l'accueillirent comme un envoyé de Dieu. " Dès l'aurore du jour fixé pour les assemblées, dit Peyrat, hommes, femmes, enfants, vieillards, adolescents, jeunes mères se réunissaient sur les plus hauts sommets. Bien souvent ces populations errantes ne rentraient pas de plusieurs jours dans leurs maisons et ne se nourrissaient, comme le prophète, que de quelques pommes et de quelques noix... Ses harangues roulaient d'ordinaire sur la nécessité d'obéir à Dieu plutôt qu'au roi et de reconquérir la foi par les armes. Il leur disait que Dieu soutiendrait ses enfants contre l'ennemi et les préserverait du sabre et des balles. Il assurait encore que le prince d'Orange, qui se faisait couronner en ce moment à Londres, viendrait les délivrer à la tête de cent mille combattants, conduits par l'ange exterminateur. " Et ces paroles avaient d'autant plus d'effet sur l'imagination de ces hommes de mœurs simples, que de prétendues apparitions eurent lieu, dans ce temps-là, sur différents points du pays. Les esprits en étaient d'autant plus surexcités, que l'on racontait un peu partout, qu'à un jour fixé, telle ou telle église catholique s'abîmerait d'elle-même, pour faire place au temple " miraculeusement rebâti et blanc comme neige ", et nul des 15 ou 20,000 protestants soulevés à sa voix ne douta de la réalisation de ces prédictions, après le 15 février 1690, date à laquelle quelques soldats commandés par un capitaine Tirbon, ayant voulu dissoudre, par la force, une assemblée de religionnaires, furent détruits par ceuxci près de St-Sauveur-de-Montaigu. A partir de ce moment-là, les troupes durent livrer de véritables combats à la foule fanatisée et, comme bien l'on pense, les résultats ne furent plus à l'avantage de cette dernière. Seulement, battue sur un point, elle se reformait sur un autre et il en fut ainsi jusqu'à ce que le colonel de Folleville, commandant militaire du Vivarais, ayant surpris une assemblée de religionnaires présidée par Astier, sur les hauteurs du Cheylard, et les assistants ayant alors fait pleuvoir une grêle de pierres et de balles sur les soldats, ceux-ci ripostèrent de telle sorte que les malheureux adeptes d'Astier durent s'enfuir, laissant 300 morts et une cinquantaine de blessés sur le champ de bataille. Ensuite de quoi, les troupes royales ne marchèrent plus que de victoire en victoire.
Echappé à ce désastre, Gabriel Astier se tint si bien caché, pendant près d'un an, qu'on le croyait mort ou sorti du royaume, lorsqu'un soldat du régiment de Sault, que l'on passait en revue à Montpellier, sur l'esplanade du Peyrou, le 2 mars 1690, le reconnut parmi les spectateurs, d'autres disent parmi ses camarades, notre prophète s'étant enrôlé, probablement sous un nom supposé, pour échapper aux poursuites. En tout cas, dénoncé par ce soldat, qui était du Vivarais, Astier fut {41}arrêté, " enfermé dans la citadelle, jugé par Basville et, le 2 avril suivant, rompu vif à Baix, où il avait commencé l'insurrection ", dit Peyrat, qui ajoute : " Nul des chefs qui la continuèrent dans les Cévennes, n'eut à un si haut degré que le prophète de Clieu cette vive et entraînante éloquence qui fait bouillonner tumultueusement les multitudes populaires. "
#Lacroix, L'Arrond de Mont., iii, 187. - N. Peyrat, Hist. des past. du désert, i, 207. - Brueys, Hist. du fan. i, 106, 147, 174. - Catrou, Hist. du fan. dans la relig. prot., 95. - Dourille (de Crest), Hist. des guerres civiles du Vivarais, 383. - Etc.




Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901

Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne

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