BATERNAY (Imbert de)



BATERNAY (Imbert de)), seigneur du Bouchage, conseiller et chambellan des rois Louis XI, Charles VIII, Louis XII et François Ier, et l'un des meilleurs amis de Philippe de Commines, appartenait à une famille noble du Dauphiné connue dès le milieu du xiiie siècle et dont les armoiries étaient : écartelé d'or et d'azur. Deuxième fils d'Artaud, seigneur de Bathernay et de Charmes, et de Catherine de Gaste, il naquit vraisemblablement au château de Bathernay, près Saint-Donat, vers 1438, et n'avait guère que dix-sept ans quand le dauphin, qui fut ensuite le roi Louis XI, l'ayant rencontré par hasard à la chasse, frappé de ses rares aptitudes, se l'attacha en qualité de valet de chambre. Six ans après, Baternay, dont la fidélité et le dévoûment ne s'étaient pas démentis pendant la disgrâce du Dauphin, obtenait de celui-ci, devenu roi, la capitainerie des châteaux de Blaye et de Dax, en Guyenne, et, deux ans plus tard, le même prince faisait faire à son favori un mariage qui fut un des événements du temps. Gabriel de Roussillon, seigneur du Bouchage, de Brangues, de Morestel, de Charpey, d'Ornacieux, et d'autres terres, maréchal du Dauphiné, qui avait été jeté en prison aussitôt après la mort du roi Charles VII, à cause de son attachement à ce prince, y étant mort au mois de décembre 1461, et Falques de Montchenu, son neveu, devant hériter de ses biens, le souverain peu scrupuleux ne crut pouvoir mieux faire que de confisquer cet héritage et de le donner à Baternay, qui devint ainsi M. du Bouchage, et, non content de cela, lui fit ensuite épouser la fille aînée de Falques, Georgette de Montchenu, le 25 avril 1463. Seulement la chose ne se fit pas sans difficultés, paraît-il, car le seigneur de Montchenu s'opposant à ce mariage, " parce qu'il se tenoit de plus grant maison et lignée que Monsieur du Boschaige " (Baternay), on le mit en prison ; après quoi, son futur gendre étant arrivé en Dauphiné à la tête d'une compagnie d'archers de la garde du roi, enleva sa fiancée de force, {78}pour la mener à l'autel. Rendu à la liberté, Falques de Montchenu protesta si violemment et si opiniâtrement contre ce mariage, qu'il s'ensuivit onze années de procès et de luttes entre son gendre et lui, onze années au cours desquelles le malheureux père, à qui l'on arracha plusieurs fois son consentement par la violence et qui le désavouait ensuite, endura plus d'une fois la prison et un long exil ; car, ce n'est que le 5 avril 1476, qu'il finit par approuver le mariage de Georgette de Montchenu avec Baternay, et encore lui en resta-t-il une telle amertume que mourant, deux ans plus tard, il enjoignit par testament à son fils Geoffroy de consacrer sa vie à la revendication des biens qui revenaient à sa maison.
Imbert de Baternay n'en conserva pas moins le riche héritage de Gabriel de Roussillon, et l'on peut ajouter que ce ne fut là, pour lui, qu'un commencement de fortune ; car, devenu capitaine du Mont-Saint-Michel en 1465, et membre du Conseil du roi le 1er juin 1468, il fut alors mêlé à tous les secrets de la politique royale et l'un des serviteurs les plus dévoués d'un prince qui, si parcimonieux qu'il fût par nature, savait reconnaître les services rendus. Il fut surtout l'homme de confiance de Louis XI, qui le chargea, par exemple, d'arracher des aveux au cardinal La Balue, puis, d'empêcher le duc de Guyenne, son frère, d'épouser une fille du duc de Bourgogne et, enfin, de surveiller sa conduite ; ce dont il le récompensa, en 1470, en lui donnant 5,000 livres tournois de revenu, en terres et châteaux confisqués sur les Armagnacs. Quelque temps après, Baternay était encore chargé de s'enquérir de la trahison de ce même duc de Guyenne, qui mourut bientôt, heureusement pour le roi son frère ; puis successivement de recevoir du duc de Bretagne, dont il avait préalablement acheté les conseillers, une solennelle promesse de garder la trêve conclue avec le roi de France (26 octobre 1472) ; de rétablir l'ordre à Bourges, dont les bourgeois s'étaient insurgés contre l'autorité royale (avril 1474) ; de pacifier le Roussillon (mars 1475) ; de déjouer les trahisons du connétable de Saint-Pol et de se le faire livrer par le duc de Bourgogne (septembre 1475) ; enfin, d'aider le cardinal de La Rovère, ambassadeur du roi de France, dans ses négociations avec Maximilien d'Autriche, touchant la succession de Charles le Téméraire (1480). Et comme chaque nouveau service valait à Baternay quelque récompense, il arriva qu'à la mort de Louis XI, l'ancien valet de chambre du roi se trouvait être un des plus puissants seigneurs du royaume ; tellement que les plus grands personnages de son temps le sollicitaient, comme étant le plus capable de défendre leurs intérêts à la cour du roi de France.
Fidèle en ceci aux instructions du roi son père, qui donnait la qualification d'ami à Baternay, Charles VIII utilisa à son tour les services et les conseils de " M. du Bouchage ", qui fut d'abord chargé de faire une démarche de conciliation auprès du duc d'Orléans et des chefs de son parti, démarche dont l'insuccès mit en lumière les intentions de ceux qui n'aspiraient qu'à troubler le royaume. C'est encore Baternay qui décida les bourgeois d'Orléans à conserver leur ville au roi, alors qu'elle était menacée par le futur Louis XII (août 1485) ; il fut ensuite mêlé à de fort délicates négociations avec les ducs de Bretagne et de Savoie puis nommé gouverneur du dauphin Charles-Orland (27 août 1494). Chargé d'une nouvelle mission auprès du roi des Romains (février 1495), il fut envoyé plus tard en ambassade auprès du roi de Castille, qui niait avoir pris certains engagements vis-à-vis de la France (1497), et quand le duc d'Orléans, dont il avait plus d'une fois contrecarré les projets, fut devenu le roi Louis XII, il compta encore parmi les conseillers les plus écoutés de ce prince ; situation qu'il conserva auprès du roi François Ier, jusqu'à sa propre mort arrivée à Montrésor (Indre-et-Loire), le 12 mai 1523.
{79}Indépendamment de quantité de terres en Guyenne, en Picardie, en Tourraine et dans le Berry, et sans parler de l'héritage de Gabriel de Roussillon, Baternay possédait alors en Dauphiné la baronnie d'Anthon et les seigneuries de Charmes, Margès, Saint-Donat, Peyrins, Beaumont-Monteux, Faramans, etc., etc. Il fut inhumé dans l'église de Montrésor où il avait fondé, peu de temps avant sa mort, une collégiale et où son tombeau, qui est un fort beau morceau de sculpture, démoli en 1791 et réédifié en 1875, se voit encore. De Georgette de Montchenu, il avait eu trois enfants, qui tous moururent avant lui, mais dont deux laissèrent postérité ; car Jeanne sa fille, ayant épousé, le 4 mars 1489, Jean de Poitiers, seigneur de Saint-Vallier, fut mère de la fameuse Diane de Poitiers, duchesse de Valentinois, et François, son fils, baron d'Anthon, chevalier de l'Ordre du roi et son chambellan, mort à Corbie le 19 novembre 1513, eut deux fils et une fille.
" Par les ressources de son intelligence, comme par son dédain pour la morale vulgaire, du Bouchage touchait par bien des points à Commines avec lequel il resta très lié ", dit M. de Gallier ; et l'on peut se rendre compte de ce qu'était en politique la morale de son maître, par ce passage d'une lettre que Louis XI lui écrivait en même temps qu'à son collègue Soliers, en 1480, pendant les négociations avec Maximilien d'Autriche : " Sanglantes bestes que vous estes, n'adjoutez foy qu'à ce que vous verrez : ils vous mentent bien, mentez bien aussy. "
Terminons en rappelant que cet homme, dont la vie fut un continuel vaet-vient et qui mourut à 82 ans, était atteint de la pierre et que, si l'on en croit la Chronique scandaleuse, les médecins, pour mieux le soigner, tentèrent en 1474 une expérience in anima vili. Un archer condamné à mort ayant le même mal, ils remontrèrent " qu'il serait fort requis de veoir les lieux où lesdites maladies sont concréées dedans les corps humains, laquelle chose ne pouvoit mieux estre sceue que inciser le corps d'un homme vivant ", et leur requête ayant été bien accueillie, " l'ouverture et incision fut faicte au corps dudit archer et dedans icelluy quis et regardé le lieu des dites maladies, et après qu'ils eurent esté veues, fut cousu et ses entrailles remises dedans ; et fut, par l'ordonnance du roy, fait très bien penser et tellement que dedans quinze jours après il fut bien guéry et eut remission de ses cas sans despens, et si luy fut donné avec ce argent. "
BIO-BIBLIOGRAPHIE. - Ymbert de Batarnay, seigneur de Bouchage, conseiller des rois Louis XI. Charles VIII, Louis XII et François Ier (1438-1523), par Bernard de Mandrot. Paris, 1886, un vol. in-8º avec héliogr.
#De Gallier, Essai hist. sur Clérieu, 211-225. - Chorier, Hist. gén., ii, 460. - H. de Coste, Eloge des Dauphins, 51. - Duclos, Hist. de Louis XI. - Le Laboureur, Add. aux Mém. de Castelnau. - Commines, Mém. éd. Lenglet, ii, 212. - Etc., etc.




Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901

Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne

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