BLAÏN ou BLAŸN (Louis de)



BLAÏN ou BLAŸN (Louis de)) seigneur du Poët-Célard, de Mornans, de Barry et autres lieux, capitaine protestant connu sous le nom de du Poët et l'un de ceux qui jouèrent un rôle important, en Dauphiné, pendant les guerres dites de religion, est également un de ceux, à propos de qui on a commis le plus d'erreurs. D'abord, il n'était pas fils de Pierre de Marcel et de Marguerite Blaïn, mais bien de Blanche de Caritat et de Raymond Blayn, un des gentilshommes qui déclarèrent devant Bérolle, notaire à Montélimar, le 8 avril 1562, vouloir " vivre selon la pure doctrine refformée et l'Evangile. " Et, s'il est vrai qu'il eut pour trisaïeul un André de Marcel, mari de Marguerite Blaïn, fille et héritière de Charles, seigneur du Poët-Célard, il résulte également de quantité d'actes authentiques, que les descendants de cet André ne portèrent pas d'autre nom que celui de Blayn. On voit, en effet, que Jean Blayn, seigneur du Poët-Célard et de Saint-Médard-sur-Piégros, qui vivait encore en 1520, ayant épousé, quarante ans auparavant, Jeannette du Puy, fille du seigneur de Rochesur-Grâne, fut père de Gabriel, seigneur du Poët-Célard ; d'Antoine, docteur ès lois, seigneur de Saint-Médard ; de Louis, protonotaire apostolique, curé de Rives ; d'Antonie, femme d'Etienne Vincent de Causans, et d'Alix, femme de Robert de Sachanats, seigneur de Lonnay ; que Gabriel, seigneur du Poët-Célard, épousa : 1º Marguerite de Priam, qui le rendit père d'Almote, femme de Dalmas du Puy, et 2º Blanche du Puy, qui était veuve en 1530 et fut mère de Raymond Blayn, père de du Poët ; enfin, que Jean Blayn, fils et héritier d'Antione, seigneur de Saint-Médard, fiança, le 17 juin 1529, Jeanne Rabot, fille de Bertrand et d'Agnès Peccat, dotée de 4,000 livres, mais que la dite Agnès préféra ensuite se faire religieuse. Quant à la peine que s'est donnée Pithon-Curt pour faire remonter les Marcel au xive siècle, en les substituant aux Blayn, de qui ils n'héritèrent qu'au xviie siècle, elle s'explique d'autant moins, qu'il est établi que Pierre Blayn, licencié ès lois, possédait une partie de la seigneurie de Saint-Médard dès 1347, et fit hommage au comte de Valentionis, pour biens sis à Crest, le 4 janvier 1358.
Cela dit, constatons que du Poët, qui mourut conseiller d'Etat, capitaine de 50 hommes d'armes, lieutenant général au gouvernement de Saluces et possesseur de nombreuses terres, la Bâtie-Rolland entre autres, c'est-àdire grand seigneur, était si mince gentilhomme, au commencement des guerres de religion, qu'il épousa la fille d'un simple marchand de Bourdeaux, plus tard établi à Crest, Guillaume Allian. D'Aubignè prétend qu'il débuta dans la carrière des armes, à {109}Lyon, en 1563, sous les ordres de Soubise, et Rochas le fait aller en Saintonge, avec Montbrun, en 1569 ; mais il n'est cependant pas question de lui avant la Saint-Barthélemy (24 août 1572), et ce n'est même qu'après la mort de Montbrun et le remplacement de celui-ci par Lesdiguières, qu'il fut un des premiers à reconnaître comme chef des protestants dauphinois, et dont il fut aussitôt un des principaux lieutenants, qu'on peut le suivre. Comptant déjà parmi les chefs du parti en 1575, - ainsi que le prouve l'apposition de sa signature au bas des lettres par lesquelles Gordes et le parlement de Grenoble furent menacés de représailles, si Montbrun, qu'on venait de faire prisonnier, était traité autrement qu'en prisonnier de guerre, - l'importance qu'il eut bientôt après se mesure à ce fait, qu'il est un des cinq signataires des instructions que reçurent Cugie, Comps et autres 11 août 1579, lorsqu'ils se rendirent auprès de la reinemère, pour négocier avec elle, au nom des protestants dauphinois. Cette circonstance rend d'autant moins excusable sa participation à la tentative que fit Cugie, le 29 août 1580, pour se ressaisir du gouvernement de la ville de Die, dont les habitants l'avaient chassé, quatre mois auparavant, à cause de ses violences, tentative dans laquelle quelques obscurs complices de Cugie ayant été tués, le président de la Cour de justice protestante, alors établie à Die, condamna leurs cadavres à être traînés jusqu'à la fosse qui devait les recevoir et sur laquelle on mit un écriteau portant : " Traîtres à leur patrie et religion. "
Cinq ans plus tard, du Poët aidait Gouvernet à prendre cette même ville de Die (20 août 1585), puis Lesdiguières à s'emparer de Montélimar, le 25 du même mois. Chargé ensuite du gouvernement de cette dernière ville, il ne laissa pas, pour cela, de guerroyer toujours un peu partout en Dauphiné. Aussi les catholiques profitèrent-ils d'une de ses absences, pour surprendre Montélimar, dans la nuit du 15 au 16 août 1587, la garnison qu'y avait laissée du Poët n'ayant pu que se réfugier dans l'un des châteaux-forts de cette ville. Mais, apprenant cela le lendemain, à Vif, non loin de Grenoble, du Poët accourut avec des renforts et, grâce à la division qui s'était introduite chez les catholiques, fit de ces derniers un véritable carnage, dans lequel périrent au moins 1,200 à 1,500 hommes, parmi lesquels était le comte de Suze, un des grands hommes de guerre du temps (V. La Baume (François de)) ; cette action lui valut les félicitations du roi de Navarre. Redevenu ainsi maître de Montélimar, notre capitaine en fit une place de guerre ayant, en 1589, une garnison de 450 hommes entretenus par les 44 communes du ressort. Dans l'intervalle, il s'emparait d'Etoile au mois de mai 1588, accompagnait, quelques jours après, Lesdiguières au Pont-Saint-Esprit, pour s'y entretenir avec Damville, et devenait enfin, de plus en plus, une des personnalités importantes de son parti. Il en fut ainsi surtout quand la mort d'Henri III eut fusionné le parti huguenot avec le parti royaliste ; car, on voit alors du Poët faire, au mois de novembre 1589, le siège de Condrieu, pour faciliter une entreprise sur Vienne ; contribuer, un an plus tard, à la prise de Grenoble sur la Ligue ; puis, faisant sous Lesdiguières la campagne de Savoie, participer à la prise des Echelles, le 4 mars 1591 ; être à l'avant-garde de l'armée, le 15 avril suivant, jour du combat d'Esparron ; en commander, au mois de novembre 1592, l'aile gauche devant Briqueras, place dont il reçut le commandement, auquel s'ajouta bientôt la charge de lieutenant général au marquisat de Saluces (30 janvier 1593), et, finalement négocier la trêve du 31 août 1593, avec les envoyés du duc de Savoie.
Or, remarque à faire, il perdit si peu de vue Montélimar, au milieu de tout cela, que, le 17 juillet 1592, il y faisait enregistrer, en la maison con{110}sulaire, ses provisions de gouverneur de cette ville et de son ressort ; mettait, peu de temps après, les consuls en demeure de faire procéder à la reconstruction de la porte de Fust et de réparer leurs remparts ; y faisait venir un imprimeur qu'on logea gratuitement et tâchait, mais en vain, d'obtenir du roi le rétablissement de son ancien monnayage. Et c'est probablement au retour de cette première campagne de Savoie, que notre capitaine, devenu, ou peu s'en faut, maître absolu dans son gouvernement, se donna le luxe d'une garde d'honneur de 50 hommes à cheval, portant casaque et chausses de velours bleu. Retourné en Savoie, avec Lesdiguières, au mois de juin 1597, du Poët y commandait l'avant-garde de l'armée, tout en étant mestre de camp de la cavalerie légère, lorsqu'il fut brusquement renvoyé en Dauphiné, au mois d'octobre, Lesdiguières ayant appris que le comte de La Roche, gouverneur de Romans, se proposait de livrer cette place au duc de Savoie ; et notre capitaine ne sortit probablement plus de sa province. Car, quoi qu'en disent Videl et, après lui, d'autres historiens, ce n'est pas en 1601, mais exactement le 9 avril 1599, que du Poët eut à Crest, avec Gouvernet, un duel dans lequel il reçut des blessures qui entraînèrent sa mort, deux jours après. Les véritables causes de ce duel ne sont peutêtre pas connues, mais sa date nous est fournie par les lettres de grâce que Gouvernet obtint, le 8 juin suivant. On raconte, en outre, que, fort chagrin de la mort de du Poët, Gouvernet acheta le champ dans lequel il s'était battu avec lui, pour le donner aux Capucins, qui furent alors chargés de prier pour sa victime, et qu'il voulut, avec cela, être le tuteur du fils de du Poët, qu'il fit élever et maria plus tard avec sa fille Justine de la Tour. Mais du Poët ne laissa pas d'enfant, et c'est son neveu et héritier, Louis de Marcel-Blaïn, qui épousa en 1609, c'est-à-dire l'année même de la fondation du couvent des Capucins de Crest, Justine de la Tour, le roi lui-même étant alors intervenu pour réconcilier les deux familles.
Quant à la veuve de du Poët, Jeanne Allian, fille de Guillaume, marchand à Bourdeaux, et de Claudie Chapaix, de Crest, qui épousa en secondes noces Louis de Bologne, seigneur de Sarson, donné quelquefois, à tort, comme le premier mari de Mme du Poët, elle mourut en 1612, et ce n'est conséquemment pas elle, mais sa nièce par alliance, Justine de la Tour, qui est la dame du Poët dont la conversion au catholicisme fit tant de bruit en 1619. Indépendamment d'autres controverses, en effet, cette conversion donna lieu aux deux publications que voici : 1º Lettre escrite à Madame Du Poët contre les sollicitations des Jésuites et autres qui la pressent de se révolter de la foy chrétienne, in-8º de 4 + 25 pages, (s.n.d.l.), signé : Martinet, et daté de Die, ce... novembre 1619 ; 2º Le Mercure reformé apportant consolation à Messieurs et Révérends Pères les Ministres du Dyois et Valentinois desolez, hélas ! pour la perte de Mme Du Poët et de cent autres reduicts à l'Eglise catholique, l'an 1619..., par Jacob d'Horel (le P. Isnard), ministre de la parole de Dieu. A la Rochelle (Tournon), par Guill. du Coing, in-12, s.d. (1620), de 359 pages. Et c'est vraisemblablement vers ce temps-là qu'ont été fabriquées deux prétendues lettres de Calvin en date de 1557 et de 1561, que d'Artigny a publiées dans ses Nouv. Mém. (iii, 313) et dans lesquelles du Poët est qualifié " grand chambellan de Navarre et gouverneur de Montélimar ", alors qu'il ne le devint qu'en 1584 et 1585, - ce qui en démontre suffisamment la fausseté pour que nous n'insistions pas.
#Biog. Dauph., ii, 114. - Fr. prot., vii, 216. - Arch. Drôme, E, 2141. - Guy Allard, Généal. de Rabol. - Mém. Fr. Gay, 177. - De Coston, Hist. Montélimar, ii, 242, 459, 509, etc. - Corr. Lesd., i, 1, 2, 24, 48, etc. ; iii, 268. - D'Aubigné. - De Thou. - Mém. d'E. Piémond. - Etc.




Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901

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