LA SALLE (Antoine de)



LA SALLE (Antoine de)), dit le capitaine LA PRADE, chef de partisans qui fut un moment la terreur de notre contrée, dans les premiers temps du règne d'Henri III, était, croyons-nous, des environs de Romans et de la même famille que Clauda de la Salle, femme d'Ennemond Odde, seigneur de Triors. Soldat de guerre civile, ayant pris les armes pour le compte du parti huguenot, il avait depuis quelque temps groupé autour de lui un certain nombre d'hommes, qui le reconnaissaient pour chef, et commençait même à compter parmi les lieutenants de Lesdiguières, lorsqu'il se mit à guerroyer pour son compte, tout en ne cessant pas de se réclamer " de ceux de la Religion. " C'était à la fin de 1577. Des négociations entamées en vue de la paix pouvant aboutir, il jugea bon de se prémunir contre cette éventualité, en s'emparant du château de Châteaudouble et le fortifiant ; après quoi il se mit à fourrager avec ses hommes jusques aux portes de Valence, de Romans, de Crest et de Montélimar, s'attachant surtout à rançonner les voyageurs qui passaient à la portée de sa main et retenant prisonniers ceux qui ne pouvaient payer, sur l'heure, une suffisante rançon, ainsi que cela arriva, par exemple, le 12 mars 1578, au Romanais Jean Guigou, qui était un agent commercial du duc de Savoie en Dauphiné.
Fort de son impunité au milieu du désarroi général, il alla jusqu'à prendre le château de Soyans et, ce qui est bien pis, jusqu'à tramer contre le château Pipet, citadelle de Vienne, une entreprise qu'il eût peut-être menée à bonne fin sans l'avertissement que Glandage donna aux consuls de cette ville, deux jours avant l'arrestation de Jean Guigou. En un mot, il épouvanta tellement les habitants du Valentinois et du Bas-Viennois par toutes sortes de violences que, pendant quinze mois au moins, les transactions commerciales furent à peu près arrêtées dans cette contrée, nul n'osant s'aventurer en dehors des villes et autres lieux fortifiés. Or, le lieutenant de roi Maugiron s'étant naturellement plaint à Lesdiguières de ces violences, dès son arrivée en Dauphiné, le futur connétable, plus embarrassé qu'il ne voulait le paraître, fit d'abord la sourde oreille ; puis, Maugiron ayant insisté, écrivit à son " frère et bon amy Monsieur de La Prade ", pour le rappeler au devoir, et ce dernier n'en ayant pas moins continué ses déprédations, promit, le 14 mai 1578, que " où La Prade ferait encore difficulté, d'y aller en personne et employer tous ses moyens. " Seulement, comme ce n'était encore là que des promesses dont La Prade connaissait la valeur, celui-ci n'hésita pas pour cela à arrêter, quelques jours plus tard, deux envoyés suisses revenant du Midi. Indignés d'une semblable violation du droit des gens, les Cantons helvétiques protestèrent énergiquement auprès du roi de Navarre, chef suprême du parti huguenot en France, qui enjoignit à Lesdiguières, le 11 août suivant, de faire " eslargir lesdicts suysses et le sieur Jean Guigou, de Romans, sans payer aucune chose ". Seulement, La Prade, à qui cette mise en demeure fut naturellement communiquée sans nul délai par son " meilleur et assuré amy " Lesdiguières, n'en tint pas plus compte que des précédentes, et les chefs de son parti l'ayant alors désavoué, pour dégager leur responsabilité, il s'en inquiéta si peu, qu'ayant pris Soyans en Vivarais dans les premiers jours de janvier 1579, il se proposait d'enlever la Garde Adhémar par surprise, quand les populations exaspérées firent un coup d'éclat. Depuis longtemps travaillés par des sociétés secrètes ou ligues, les habitants de Romans avaient chassé les bourgeois de l'hôtel de ville, le 10 février 1579, {70}pour mettre à leur place le drapier Jean Serve, dit le Paulmier (Voir ce nom). Celui-ci n'eut pas plus tôt été élevé sur le pavois, qu'il convoqua les populations environnantes pour faire le siège de Châteaudouble et en chasser La Prade. Rien ne pouvait mieux répondre au sentiment populaire ; aussi plus de 4.000 hommes venus en grande partie de la Valloire et du Bas-Viennois, se trouvèrent-ils à Romans, le 1er mars, jour fixé pour le rendez-vous, et de là marchèrent sur Châteaudouble, où ils ne tardèrent pas à être rejoints par des habitants du Valentinois. Mais, si nombreuse que fût cette armée et bien qu'elle comptât " beaucoup de bons hommes conduits et commandés par bons chefs et capitaines ", suivant Eustache Piémond, que pouvait-elle, sans artillerie, contre la forteresse qui abritait La Prade ? Absolument rien et d'autant plus rien qu'il ne pouvait être question de prendre les assiégés par la famine, attendu que les assiégeants, croyant qu'il leur suffirait de se présenter pour emporter la place, étaient généralement arrivés " portant seulement leurs bissaes plein de vivres ", dit un témoin oculaire. Aussi la débandade commençait-elle à se mettre parmi ces derniers, quand Maugiron, justement préoccupé des conséquences que pouvait avoir cette levée de boucliers, arriva à son tour devant Châteaudouble, le 14 mars, menant avec lui deux pièces d'artillerie et quelques soldats. Aux premiers coups de canon, les assiégés demandèrent à capituler et on les laissa partir avec armes et bagages, quoique Chorier, de qui, on le sait, ce n'est d'ailleurs pas la seule erreur à ce sujet, prétende que La Prade " fut contraint de se rendre à discrétion, toute autre composition lui aïant esté refusée, que son procès lui fut fait et que sa mort ignominieuse ne trouva personne qui osa le plaindre. " Enfin, le château vidé, on le démolit ; et, bien qu'elle ne témoignât, en réalité, que de l'insuffisance de l'armée populaire, cette prise de Châteaudouble n'en fut pas moins célébrée partout, jusque dans les chansons, comme une victoire de cette armée. Quant à La Prade, chassé de son repaire, après avoir feint d'aller en Vivarais, il se rendit avec une demi-douzaine de ses soldats dans le marquisat de Saluces, où le maréchal de Bellegarde, allié des protestants dauphinois, lui donna tout d'abord le gouvernement de Dronero, puis le fit poignarder, on ne sait pour quel méfait. " Voilà la fin de tels voleurs ", dit en parlant de cela, Eustache Piémond, et l'on ne peut que répéter le mot après lui. Terminons en rappelant que des lettres de sauvegarde, accordées aux habitants de Chabeuil, le 1er mars 1579, sont scellées d'un cachet portant pour armes : de... à une maison ou salle flanquée d'une tour carrée de... accompagnée de 3 étoiles de... une en pointe et deux en chef.
#Mém. d'E. Piémond, édit. Brun-Durand, 59, 62, 66, 68, 84. - Lettres de Cath. de Médicis, vi, 245 ; - Arch. Drôme, E, 3670. - J. Roman, Corr. Lesdiguières, i, 13-15, 581. - Chorier, Hist. gén., ii, 684. - Bull. d'arch., xi, 38 ; xxvi, iii. - Lacroix, L'Arr. de Mont., vii, 261.




Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901

Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne

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