ODDE (Ennemond)



ODDE (Ennemond{199}), seigneur de Triors, capitaine protestant dont la famille, originaire de Lus-la-Croix-Haute, fut anoblie en 1323 par Guillaume de Montauban, était fils puîné de Jean, seigneur de la Bastide-en-Velay, à qui Charles de Clermont-Chatte vendit la terre de Triors, près Romans, le 2 octobre 1515. Orphelin de très bonne heure, sous la tutelle de François Odde, son oncle, chanoine de Saint-Barnard, de Romans, il embrassa d'abord le métier des armes ; mais, ayant ensuite hérité de son frère aîné la terre de Triors, il s'y retira et l'habitait avec sa femme, Clauda Bonnet de la Salle, et ses dix enfants, quand éclatèrent les guerres dites de religion. Or, comme il était alors " voisin et singulier amy de la communauté de Romans ", les habitants de cette ville jetèrent les yeux sur lui pour commander chez eux, lorsqu'ils se virent abandonnés à eux-mêmes, en présence des huguenots qui se posaient en maîtres. Le 1er mai 1562, ils le prièrent donc " de prendre la charge de la tuition de leur ville et ordonner tel règlement de police qu'il conviendrait pour le repos et la tranquillité du public " ; et il accepta " sous le bon plaisir du roy, du Parlement et de M. des Adrets. " Seulement, à peine eut-il été installé qu'il se prononça ouvertement en faveur de ceux qu'il avait mission de contenir et, dès le 4 mai, signifia aux consuls d'avoir à retirer les joyaux et reliquaires des églises ; quatorze jours après, il voulait que l'on mît à la charge de la ville les dépenses faites par les huguenots pour implanter le calvinisme à Romans et, cinq jours plus tard, il appuyait les demandes du consistoire tendant à obtenir qu'une contribution fût mise sur les habitants pour le payement des ministres ; que les églises de Saint-Barnard et des Cordeliers, d'où l'on avait expulsé le clergé catholique, fussent pourvues de tous les objets nécessaires pour le culte protestant, et que l'on rayât de la liste des pauvres assistés un certain nombre de catholiques pour les remplacer par ceux qui voudraient embrasser la Réforme ; puis, que le conseil de ville fût tenu d'admettre dans son sein " certain nombre de ceux de la religion nouvelle, tels que le consistoire nommera, et sans lesquels on ne puisse rien faire, déterminer, ny conclure ", et qu'un " de leur église, tel qu'il leur plaira, " pût " estre adjoint au secrestaire du conseil de ville ", pour surveiller ce qui se faisait. Encouragés par l'appui qu'il leur prêtait, les protestants en arrivèrent même à exiger que les revenus des confréries, c'est-à-dire des fondations faites au profit des pauvres, fussent affectés à l'entretien du ministre Lacombe, Triors ayant enjoint, quelques jours auparavant, aux consuls de remettre à un envoyé du baron des {200}Adrets les joyaux et reliquaires de Saint-Barnard dont ils étaient détenteurs.
Indépendamment de cela, les Romanais virent alors pleuvoir sur eux les impositions et réquisitions au profit de l'armée huguenote, à laquelle ils durent en outre fournir, plus d'une fois, de gros contingents d'hommes ; et, enfin, pour nous résumer, " les despenses, soultes et fraiz " supportés par les Romanais, " y estant commandés et contrainctz par le sieur des Adrets et autres ayant charge de luy ", c'est-à-dire par le seigneur de Triors, montèrent à 150,000 livres, en neuf mois, suivant une estimation des consuls. Quant à l'explication de la conduite de ce dernier, elle se trouve facilement : voyant " que chacun s'empressait à qui mieux mieux de tirer la plus longue bûche qu'il pouvait du pillage des églises ", il voulut, lui aussi, tirer profit du désordre, et ce qui le prouve, c'est qu'après avoir exigé le 16 juin, des Romanais, une maison pour s'y établir avec sa famille et qu'ils payassent trois gardes qu'il s'était donnés, il leur réclama, une fois parti, 600 livres pour dépenses extraordinaires et 100 livres par mois pour gages, plus la " table et pierre du grand hostel de l'église St-Barnard ", qui lui avait été, disait-il, donnée par le baron des Adrets. On transigea à 60 livres par mois ; mais le seigneur de Triors resta tellement en suspicion, et non sans cause, à Romans, que, le gouvernement de cette ville lui ayant été donné derechef un mois après qu'il l'avait perdu (juillet 1563), les consuls lui réclamèrent alors les clés de la ville, ainsi qu'ils en avaient le droit ; et, comme il demandait cette fois encore une maison pour se loger, on le mit tout simplement à l'auberge des Trois-Rois.
Aussi ne resta-t-il guère en cette ville et n'ayant plus de ménagements à garder, emporta-t-il cette fois-ci la table du maître-autel de l'église St-Barnard, pour en faire la pierre tumulaire qui se voit encore dans l'église de Triors avec une inscription qui s'applique évidemment à une sépulture de famille plutôt qu'à celle d'une seule personne, bien que la date qui la termine soit celle de la mort de notre capitaine :
apres.avoir.paye.le.tribvt.de.natvre.
novs.avons.este.mis.en.ceste.sepvltvre.
d'ov.novs.croyons.sortir.povr.revivre.en.nos.corps
qvand.diev.viendra.ivger.les.vivants.et.les.morts.
car.nostre.ferme.foy.a.toviovrs.este.telle.
qve.d'esperer.av.ciel.vne.vie.eternelle.
1581 +,
spes.alteræ.vitæ.]
Puis, comme cela ne suffisait naturellement pas à son ambition, il se mit alors en campagne pour le compte du parti protestant et la tenait si hardiment, en 1576, que les consuls de Valence décidèrent, le 8 avril de cette année-là d'enlever les armes des habitants suspects et de prendre toutes les mesures possibles de défense, jusqu'à faire placer des pierres sur les murailles avec l'aide des femmes, " attendu que les hommes ont les armes en main ", parce que " M. de Triours, s'estoit jacté que dans peu de jours la ville seroit à l'huguenault. "
Trois ans après, Ennemond Odde faisait son testament (15 avril 1579), et, comme nous l'avons dit plus haut ; c'est en 1581 qu'il mourut.
#Dr Chevalier, Annales, 23, 39, et Armorial, 167. - J. Chevalier, Mém. du P. Archange de Clermont, 47-63. - Arch. de la Drôme, F, 3667, 3741... - Roman, Doc. inéd., 89. - Bull. d'arch., xxii, 139. - Arch. de Valence, BB, 9. - Item. de Romans. BB, 4, 5 et 8.




Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901

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