OLLIVIER (Louis-Antoine-Jules)



OLLIVIER (Louis-Antoine-Jules)), fils puîné du précédent et de Marie-Thérèse-Julie Drevon, né à Valence, le 5 ventôse an XII, manifesta, dès sa jeunesse, une telle passion pour les livres que son père, qui le destinait à la magistrature, disait de lui, pendant qu'il terminait à Paris des études commencées à Grenoble : " Il fréquente plus les bibliothèques publiques que l'Ecole de droit, et il n'y a pas de commis libraire qui ne le connaisse, tandis que lui, le malheureux ! ne connaît pas même le nom de ses professeurs. " Cette façon d'agir ne l'empêcha pas de subir victorieusement les épreuves pour la licence et de répondre ensuite au vœu paternel en devenant, le 30 septembre 1829, juge au tribunal de Largentière (Ardèche), d'où il fut transféré, vingt-trois mois après, à celui de sa ville natale. Or, à défaut de bibliothèques publiques qu'il pût fréquenter, Valence avait des archives municipales qu'il connaissait déjà et dans lesquelles il se replongea avec une telle ardeur que, l'année même de son retour dans cette ville, il publia ses Essais historiques sur Valence, travail qui se ressent beaucoup trop de la rapidité avec laquelle il fut exécuté et dont les conclusions sont d'autant plus discutables qu'elles sont le résultat d'opinions préconçues au lieu d'être celui d'un examen impartial des faits, tels qu'ils sont établis par les documents, mais qui n'en a pas moins le mérite d'être le premier volume consacré à l'histoire du chef-lieu de notre département.
Deux petites brochures suivirent ; puis quantité d'articles insérés dans différentes publications périodiques, telles que La France littéraire de Ch. Malo, le Bulletin du bibliophile, le Bulletin de la Société de l'Histoire de France, celui de la Société de statistique de la Drôme, dont il fut un des fondateurs et le secrétaire, l'Annuaire du département de la Drôme et, enfin, l'Album du Dauphiné, qui ne contient pas moins de vingt articles de lui.
Ajoutons que Jules Ollivier, devenu correspondant du ministère de l'Instruction publique en 1835, lui adressa, dès le 9 février de l'année suivante, sur les principaux manuscrits historiques de la bibliothèque de Grenoble, un rapport accompagné d'études sur le Mémorial d'Eustache Piémond et sur les Cartulaires de Saint-Hugues, qui est un de ses bons travaux, bien que Rochas n'en parle pas. Deux ans plus tard, il donnait un plan d'une bibliothèque historique du Dauphiné, qui est peut-être son œuvre la plus mûrie, ayant commencé dans l'intervalle, de concert avec Colomb de Batines, la publication d'un recueil d'articles séparés sur la biographie et la bibliographie du Dau{207}phiné, dans lequel il se proposait de donner le résultat de ses observations et de ses recherches sur des sujets qui lui étaient devenus familiers, et dont il voulut ensuite faire deux publications distinctes, mais qui finit avec le premier volume. Quoi qu'il en soit, l'œuvre la plus importante de notre jeune magistrat, celle qui lui fait une place à part parmi les écrivains dauphinois, est sans contredit la fondation de la Revue du Dauphiné, publication mensuelle dans laquelle il eut pour collaborateurs des hommes tels que le président Bérenger (de la Drôme), Albert du Boys, Berriat-Saint-Prix, Reinaud, et Menabrea. Cette revue fit renaître le goût des études historiques dans notre province, et il y écrivit naturellement plus que personne non seulement sous son nom, mais encore sous le voile de différents pseudonymes, tels qu'Anatole Piston et Etienne Gourju.
Commencée avec l'année 1837, cette publication n'avait donc que dix-huit mois d'existence quand son directeur fut nommé juge à Grenoble, événement qui combla tous ses vœux, parce qu'il devait trouver là des instruments de travail qui lui manquaient à Valence, notamment " une des bibliothèques de province les mieux fournies en grands ouvrages d'érudition, une de celles dont la composition a été faite avec le plus d'intelligence, où l'on peut réellement travailler. " Et de fait, les tomes IV et V de la Revue, correspondant au dernier semestre de 1838 et au premier de 1839, témoignent que, dans les premiers temps de son séjour à Grenoble, Jules Ollivier travailla peut-être avec plus d'ardeur encore qu'à Valence, ce qui est beaucoup dire ; mais, en dépit du concours que lui prêta Colomb de Batines pour la direction de cette publication, le tome VI fut le dernier, le nombre des abonnés ayant beaucoup diminué, les collaborations n'étant plus suffisantes et lui même, qui était l'âme de la Revue, ayant alors d'autres préoccupations que celle des études historiques ou littéraires et des travaux d'érudition.
A ce moment-là, Jules Ollivier, dont le frère aîné était du nombre des magistrats qui démissionnèrent en 1830 pour protester contre le renversement du trône de Charles X, avait, en effet, de telles accointances avec certaines personnalités du parti bonapartiste, qu'à la suite de la publication d'une lettre inédite de la reine Hortense, précédée de quelques mots sympathiques dans la Revue du Dauphiné, on l'accusa de s'être entendu avec le comte de Crouy-Chanel pour faire de cette publication un organe du parti, et, qui plus est, de participation aux prétendus complots de ce comte ; si bien qu'à la suite de perquisitions qui furent faites chez lui, à La Tronche, le 4 février 1840, et d'un interrogatoire subi à Paris, il fut suspendu de ses fonctions pendant six mois, par mesure disciplinaire, les faits relevés contre lui ne permettant pas de le poursuivre criminellement et le garde des sceaux, qui avait d'abord manifesté l'intention de l'envoyer dans les colonies, ayant fini par se rendre aux instances des députés de la Drôme, notamment à celles de Delacroix, qui se fit d'autant plus un devoir d'intervenir en faveur du magistrat menacé, qu'il était depuis longtemps en correspondance avec ce dernier, dont le concours lui avait été précieux pour la confection de sa Statistique du département de la Drôme. Des journaux du temps prétendirent, il est vrai, que le gouvernement de Louis-Philippe ne voulait, en réalité, que mettre la main sur les papiers de Didier, confiés par celui-ci à son beaufrère Ollivier et laissés par ce dernier à son fils ; mais, indépendamment de ce qu'il est maintenant établi que le fameux conspirateur de 1816 ne confia de papiers politiques à personne et même n'en laissa probablement pas d'autres que ce qui fut saisi sur lui, on sait par les papiers de Dela{208}croix que les tracasseries éprouvées par Jules Ollivier, en 1840, eurent pour unique cause ses relations étroites avec des amis de Louis-Napoléon Bonaparte.
Or, délivré de ces tracasseries, l'ancien directeur de la Revue du Dauphiné se replongea dans les études qui furent la joie de sa vie, ayant alors en vue une Biographie du Dauphiné, pour l'élaboration de laquelle il voulait faire appel à tous les hommes compétents, après en avoir fait poser les premiers jalons par son ami, Colomb de Batines, dans son Catalogue des Dauphinois dignes de mémoire. Malheureusement la mort, qui le guettait depuis longtemps, le frappa le 20 avril 1841, avant qu'il eût fait autre chose que rassembler quelques premiers matériaux pour ce grand travail ; mais il laissait, avec quelques travaux inédits, une si énorme quantité de documents ou de copies de documents faites par lui dans les dépôts publics, qu'on s'étonne qu'il ait pu faire tant de choses en si peu d'années, alors surtout qu'il résulte des rapports d'Augustin Thierry au ministre de l'Instruction publique, que cet infatigable travailleur lui fournit une copie, accompagnée d'éclaircissements et de notes, de toutes les chartes municipales du Dauphiné qui devaient prendre place dans le Recueil des monuments de l'histoire du Tiers Etat.
Sa bibliothèque intitulée : Archives historiques du Dauphiné comprenant, outre des volumes et des plaquettes rares, sa correspondance littéraire, une copie des Cartulaires de Saint-Hugues, quelques cartons ou cahiers de notes et surtout une collection précieuse de pièces, de documents et de notes, parmi lesquels se trouvent ses propres manuscrits, et formant, à elle seule, 18 vol. in-4º, fut acquise en 1842, par la ville de Grenoble, au prix de 3,000 fr., un tiers de cette somme ayant été voté par le conseil général de l'Isère, contrairement à l'avis du préfet.
BIBLIOGRAPHIE. - I. Essais historiques sur la ville de Valence, avec des notes et des pièces justificatives. Valence, Borel ; Paris, Didot, 1831, in-8º de xvij + 340 pp. Ouvrage réimprimé de nos jours (Chenevier et Pessieux, imprimeurs à Valence, m dccc lxxxv, in-8º de xvi + 334 pp.), avec des additions de M.A. Lacroix, archiviste de la Drôme, qui en augmentent considérablement la valeur.
II. Notice sur un monument funéraire connu sous le nom de pendentif de Valence. Valence, Borel, 1833, in-8º de 13 pp. Ce travail se retrouve, avec quelques changements, dans le Bulletin de la Société de statistique de la Drôme.
III. De la fondation de la ville de Valence. S.l.n.d., mais Valence, Borel, 1835, in-8º de 11 pp.
IV. Essai sur l'origine des dialectes vulgaires du Dauphiné. Valence, Borel ; Paris, Techener et J. Renouard, m dccc xxxvi, in-8º de 38 + 15 pp. Ce travail, publié d'abord dans la France litt. de Ch. Malo, se retrouve, avec des additions et des changements, dans la Revue du Dauphiné et dans les Mélanges biogr. et bibliogr. Un tirage à part de cette dernière reproduction a été fait, en outre, sous le titre d'Essai sur l'origine... suivi d'une bibliographie des patois de cette province, par Paul Colomb de Batines. Valence, Borel, 1838, in-4º de vi + 95 pp.
V. Revue du Dauphiné publiée sous la direction de M. Ollivier Jules. Valence, Borel, 1837-1839 ; 6 vol. de 352, 392, 388, 388, 343 et 384 pp., dans lesquels il y a, en outre de l'introduction, quantité d'articles du directeur.
VI. Recherches historiques sur le passage de quelques rois de France à Valence. Valence, Borel ; Paris, Techener, 1837, in-4º de xlviii pp. C'est un tirage à part de la Revue du Dauphiné, augmenté de la réimpression d'une très rare plaquette intitulée : Description des deuises qui estoient en la ville de Valence, à l'entrée du très chrestien roy Charles IX, rédigées par escrit en l'honeur de sa maiesté. Par Iehan de la Maison Neufve de Berri. Imprimé en Avignon, par Pierre Roux, in-8º de 16 pp.
VII. Mémoire sur les anciens peuples qui habitaient le territoire du département de la Drôme pendant l'occupation de la Gaule par les Romains. Valence, Borel, m dccc xxxvii, petit in-8º de 15 pp. Tirage à part d'un article inséré dans l'Annuaire de la Drôme pour 1837.
VIII. Glyptique. Sceaux inédits des évêques de Valence et de Die et de quelques dignitaires ecclésiastiques de ces deux églises. S.l.n.d. Tirage à part d'un article de la Revue du Dauphiné.
IX. Mélanges biographiques et bibliographiques relatifs à l'histoire litteraire du Dauphiné, par MM. P. Colomb de Batines et Ollivier Jules. Tome I (le seul paru). Valence, Borel ; Paris, Techener, m dccc {209}xxxviii ; in-8º de xx + 476 pp., dans lequel il y a, indépendamment de l'introduction, six articles de Jules Ollivier.
X. Notice historique et bibliographique sur les cartulaires de Saint-Hugues, évêque de Grenoble, manuscrits inédits de la fin du xie siècle et commencement du xiie. Valence, Borel, m dccc xxxviii, in-8º de 62 pp. C'est le tirage à part d'un article des Mélanges biogr. et bibliogr., dont le premier jet parut dans le Bulletin de la Soc. de l'Hist. de Fr., et qui, remanié et corrigé, fut ensuite joint au rapport de l'auteur sur les principaux manuscrits historiques de la bibliothèque de Grenoble imprimé, avec des ánnotations de Champollion-Figeac, dans les Documents historiques inédits tirés des collections manuscrites de la Bibliothèque nationale, I, 238-297.
XI. Correspondance littéraire de Valbonnays, premier président de la chambre des comptes de Dauphiné,... publiée d'après les manuscrits de la Bibliothèque du roi, avec une notice historique sur Valbonnays et des notes. Valence, Borel ; Paris, Crozet, 1839, in-8º de cii pp. Tirage à part des Mélanges biogr. et bibliogr.
XII. Nécrologie. S.l.n.d., in-8º de 8 pages. Tirage à part d'une notice sur F.-A.-J. Ollivier, insérée dans la Revue du Dauphiné.
XIII. Annuaire statistique de la cour royale de Grenoble et du département de l'Isère, pour l'année 1839. Grenoble, Baratier, 1839, in-12 de 310 pp.
Quant aux travaux restés manuscrits de Jules Ollivier, ils comprennent : 1º Bibliographie des cheveux et de la barbe de l'homme, des perruques, des coiffures, des chapeaux, des ornements de lits, des habits, vêtement et des chaussures ; 2º Bibliographie du duel ; 3º Bibliographie des poèmes écrits sur Charles Martel et bibliographie des Paroles d'un croyant ; 4º Notes historiques sur le Dauphiné : 5º Bibliographie historique et critique de la ville de Valence ; 6º Notice sur Nicolas Chorier ; 7º Noms des auteurs qui ont écrit sur l'histoire du Dauphiné ; 8º Rapport fait à la Société des sciences et arts, le 5 janvier 1839, sur un projet de M. Imbert-Desgranges, relatif à un atlas historique du Dauphiné ; 9º Note des documents historiques les plus importants sur la ville de Gap, qui se trouvent soit aux archives de l'Hôtel de Ville, soit à celles de la Préfecture, ou qui sont cités par divers auteurs ; 10º Notes sur les états du Dauphiné, tirées des archives de la Chambre des comptes de Grenoble ; 11º Etat des villes du Dauphiné pendant les guerres civiles : 12º Archéologie du département de la Drôme : 13º Notes archéologiques sur Die et le Diois ; 14º Note sur la Société des sciences et des arts de Grenoble.
#Biogr. Dauph., ii, 198. - Et. civ. - Biogr. hom. du jour, vi. - Le National, du 12 février 1840. - Le Comité des trav. hist., ii, 78. - Délib. cons. gén. de l'Isère, sess. 1842, p. 446. - Catal. de manuscrits de la bibl. de Grenoble. - Etc.




Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901

Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne

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