PAYAN (Joseph-François)



PAYAN (Joseph-François{220}), dit PAYAN-DUMOULIN, homme politique, né à Saint-Paul-Trois-Châteaux, le 19 février 1759, appartenait à une famille de cette ville, remontant au notaire Charles Payan, qui figure, en qualité de témoin, dans l'acte par lequel des protestants dauphinois chargèrent quelques-uns d'entre eux de les représenter dans l'assemblée de Mantes (le 29 juillet 1593). Fils de François de Payan, écuyer, vibailli et subdélégué dudit Saint-Paul, puis conseiller au parlement de Dauphiné (1772-1790), et de Marthe d'Isoard, il acquit, en 1787, une charge de conseiller-maître en la Chambre des comptes de cette province, à laquelle il fut nommé le 15 novembre, dont il fut mis en possession le 12 décembre suivant et qu'il occupa jusqu'à la suppression des cours souveraines, en 1790. Devenu alors maire de sa ville natale, tandis que son père devenait président de l'administration du département et qu'un de ses frères, qui aura plus loin sa notice, allait propager les idées révolutionnaires dans le Comtat-Venaissin, il fut, dès le premier jour, un partisan résolu de la Révolution, et loin de se montrer plus modéré que son frère, ainsi que le dit Rochas, il le dépassa au contraire, tout d'abord, par la violence de son attitude ; car, ayant été élu membre de l'Administration départementale, le 10 septembre 1791 ; secrétaire de l'assemblée qui choisit les députés de la Drôme à la Convention, le 2 septembre 1792 ; et procureur général syndic du département, vingt-sept jours plus tard, on le voit dénoncer le Journal de Perlet, comme " animé du plus perfide modérantisme ", déclarer, le 19 décembre, que Louis XVI doit " périr sous le glaive de la loi ", et féliciter, un mois et demi après, la Convention de ce que " ce monstre politique ne souille plus la terre de la liberté et de la philosophie ", ce qui ne tarda pas à effrayer même les violents.
Dès le 27 mai 1793, on demandait, en effet, au sein de l'administration départementale de la Drôme, que la Convention " mette fin à l'état d'anarchie qui se propage et fait naître de grandes inquiétudes ", et s'il put obtenir, à force d'instances, qu'on retranchât d'une adresse, qui fut alors votée malgré lui, certaines phrases pouvant être considérées comme une déclaration de guerre à la Montagne, son influence n'alla pas au delà. Il se trouva même bientôt en opposition avec la plupart des membres de l'administration départementale et de la municipalité de Valence, ainsi qu'on peut s'en convaincre en le voyant, le 13 juin suivant, adjurer ses collègues de se rallier " à la Montagne et aux Parisiens sauveurs de la liberté " et dénoncer, en même temps, le maire et des officiers municipaux ; tandis que, cinq jours plus tard (18 juin), le conseil départemental décidait, en dépit de ses objurgations, " qu'il serait fait une adresse à tous les citoyens du département, pour connaître leur vœu sur les événements de Paris, ainsi que les mesures à prendre pour sauver la liberté et conserver l'unité et l'indivisibilité de la République. "
Mais appuyé sur l'administration du district de Valence, qui était terroriste, tandis que celles de la ville et du département étaient modérées, notre Drômois loin de se laisser déconcerter, tint d'autant plus facilement tête à ses adversaires que le représentant Boisset, qui fut envoyé peu de temps après dans le département pour y organiser la levée en masse et " purifier " les autorités, lui prêta main forte. D'accord avec lui, 71 sociétés populaires, tant de la Drôme que d'autres départements s'étant réunies à Valence, le 7 septembre 1793, dans l'église des Cordeliers, sous sa présidence, proposèrent les mesures les plus violentes ; puis on remplaça par des hommes de son choix quantité de fonctionnaires élus ; {221}ensuite, on procéda à de nombreuses arrestations et, la Société républicaine de Valence ayant été elle-même épurée, il s'en fit élire président le 20 février 1794.
En un mot, la terreur régnait à Valence quand J.-F. Payan, que l'on appelait alors Payan-Dumoulin, fut appelé à Paris pour y être directeur de l'Instruction publique, ce qui donna lieu, le 2 avril, à une manifestation de ses partisans, qui l'appelaient " le sauveur de la France dans le Midi ". Mais à Paris, où il se trouva alors dépassé et de beaucoup par son frère, il fit, dit-on, le possible pour favoriser les sciences et les lettres et, qui plus est, obtint du Comité de salut public qu'on relâchât plusieurs hommes de lettres et artistes injustement détenus ; ce qui ne l'empêcha pas d'être mis hors la loi, comme son frère, au 9 thermidor, les auteurs de ce coup d'Etat lui reprochant d'avoir " passé plusieurs jours à faire des circulaires imprégnées de contre-révolution, et à empoisonner les départements des opérations de Robespierre, à qui il croyait que le succès ne pouvait manquer. " Seulement, tandis qu'on arrêtait les autres, il s'esquiva à la faveur du trouble de cette mémorable journée, gagna la campagne, où il tenta de se noyer dans un moment de désespoir, puis Valence, où il avait un petit appartement, place de la Liberté, et où il n'échappa aux agents chargés de l'arrêter qu'en se déguisant en femme ; après quoi il gagna Grignan et finalement la Suisse, où il resta jusqu'à l'amnistie du 4 brumaire an IV (15 octobre 1795).
Retiré alors en France, Payan-Dumoulin obtint bientôt un emploi dans les Contributions directes, notamment celui de directeur dans le département de la Loire, qu'il perdit à la Restauration ; ce n'est cependant qu'en 1816, qu'il revint dans son département natal et s'établit à Liseaux sur la commune d'Alixan, dont il fut maire de 1830 à 1848, date à laquelle il se démit de cette charge à cause de son grand âge, faisant des " vœux pour la gloire et la prospérité de la république ", qu'il avait eu " le bonheur de voir inaugurer pour la seconde fois, dans sa longue carrière. " C'est là qu'il mourut le 20 mai 1852, laissant deux fils et deux filles de son mariage avec Sophie Melleret, qu'il avait épousée en 1809.
Littérateur et même poète à ses heures, Payan-Dumoulin est l'auteur de différents articles parus dans Le Mercure, le Courrier de l'Europe et d'autres publications périodiques, et l'on a encore de lui : I*. Délibération de la ville de St-Paul-Trois-Châteaux et compte rendu à l'Assemblée nationale des alarmes qui ont affligé la ville et le canton. S.l., 8 août 1789, in-8º de 10 pp. - II. La Commission d'instruction publique aux artistes. S.l.n.d., in-8º de 10 pp. - III. Précis historique sur Agricole Viala. S.l.n.d. ; in-8º de 6 pages dont la commission d'Instruction publique ordonna l'impression et l'envoi " aux armées, aux départements, districts, municipalités et sociétés populaires de la République, " le 13 messidor an II. Ce dernier écrit est le récit de la mort d'un enfant d'Avignon, que l'on disait avoir été tué pendant qu'il cherchait à détruire, sur la Durance, un bac qui devait en faciliter le passage aux Marseillais soulevés, ce qui lui valut d'être glorifié par Robespierre à la tribune de la Convention et célébré en vers par Andrieux et d'autres ; tandis que les Avignonnais établirent plus tard (ventôse an III) dans une pétition, que " l'action par laquelle on a voulu rendre célèbre ce jeune étourdi est fondée sur la fable la plus ridicule. "
PORTRAIT. - I. Lith. in-fol. Presqu'en pied, de 3/4 à G., assis ; 0,250/0,146. Jules Varnier, del. à Valence, 1838. - II. Autre, in-8º. Valence, Saint-Etienne, 1839.
#Biogr. Dauph., ii, 227. - Rochas, Mém. bourg., i, 232, 274, 281, 318 ; ii, 8, 74, 148, 156. - Réimpr., Moniteur. - Courr. Drôme, du 16 mars 1848. - Biogr. Jay et Jouy. - Etc.




Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901

Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne

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