SAILLANS (Gaspard de)



SAILLANS (Gaspard de)), écrivain, né à Valence en 1513, appartenait à une famille de cette ville, dont Guichenon donne la généalogie dans son Histoire de Bresse. Seulement, tandis que cette généalogie commence avec le père de notre écrivain, Jean de Saillans, seigneur de Saint-Jullien, que " ses vertus et bonnes qualités " firent anoblir en 1512, nous voyons ce Jean, qui était " granetier du Pont-Saint-Esprit " et mari de Jeanne de Johannis, qualifié noble dès 1511, date à laquelle il fit une reconnaissance, conjointement avec noble Christophe de Saillans, son frère, vicaire général de l'évêque, prévôt du chapitre et official du diocèse de Valence ; et l'on trouve, du reste, en 1508, noble Louis de Saillans, que nous croyons être un troisième frère. Quant à l'ancienneté de la famille, elle est tout autre que ne le dit Guichenon, {329}attendu qu'un Humbert de Saillans fonda, antérieurement à 1332, une messe quotidienne dans l'église du prieuré du Bourg-lès-Valence, et qu'on rencontre ensuite quantité d'autres Saillans à Valence, notamment Pierre, précenteur du chapitre, et Jean, son frère, en 1394 ; Garin, mari d'Anne de Crest, en 1447 ; et Jean, mari de Louise de Combes, en 1452. Mais, revenons à Gaspard de Saillans, dont le frère Jacques était docteur ès lois : il fut pendant trente ans trésorier des salpêtres du roi, ce qu'il était encore en 1560, date à laquelle, Valence commençant à être en proie aux dissensions religieuses, les catholiques de cette ville le choisirent pour chef. Ce fut, à ce que rapporte Chorier, de l'avis du comte de Clermont, lieutenant général au gouvernement de Dauphiné ; et cet historien ajoute que Gaspard de Saillans ayant été élu " capitaine général " fit faire une revuë générale " des habitants, dont il pouvoit s'asseurer et qu'il s'en trouva douze cents, tous bien armez. " C'était le 17 avril 1560.
Treize jours après, le même Gaspard de Saillans était appelé à faire partie du conseil de ville pour les affaires extraordinaires, et c'est à ce titre qu'il fit décider, le 30 décembre suivant, que les édits du roi " sur le faict de la religion ", autrement dit l'interdiction du culte réformé à Valence, auraient leur plein et entier effet, dût-on employer la force pour cela. Cette attitude est d'autant plus digne de remarque, qu'un des fils de " M. le Trésorier ", comme on l'appelait, comptait parmi les plus chauds partisans de la Réforme à Valence (voir Bertrand de Loque), et qu'il en était de même de son beau-frère, le professeur Ennemond Bonnefoy (voir ce nom). Or, une des conséquences finales de cette interdiction fut la prise de Valence par les huguenots commandés par des Adrets, au mois d'avril 1562, et c'est chez Gaspard de Saillans que se trouvait La Motte-Gondrin, lorsqu'il fut assassiné le 27 de ce mois. Quant à lui, jeté alors en prison, il n'en sortit, au bout de quelque temps, que pour trouver ses biens saccagés et pillés. " Aucuns de l'infecte religion nouvelle ne m'ont laissé, dit-il, ne riphe ny raphe de ce que j'avois en trois miennes maisons, l'une à Lyon, l'aultre à Valence et l'autre à Beaumont, près là ; et n'y ont laissé chose qu'ils ayent pu emporter, oultre les fractions de toutes portes et vitres d'icelles. "
Indépendamment de cela, sa femme mourut de la frayeur que lui causèrent semblables violences. Mais ce n'est pas, quand même, à ce momentlà que Gaspard de Saillans s'éloigna définitivement du berceau de sa famille ; car, il habitait encore Valence le 2 décembre 1563, date à laquelle on le chargea de représenter cette ville dans les Etats du Dauphiné, et tout porte, du reste, à croire que ce n'est qu'après son troisième mariage (7 juillet 1564) qu'il alla habiter Lyon où, souvent contraint " de garder la chambre, pour cause d'une humeur ou goutte ", il ne trouva rien de mieux à faire que d'écrire, " pour ne finir sa caducque vie soubs silence, en abolition de mémoire de lui, au moins sans monstrer quelque œuvre faict par labeur de son petit esprit, afin de laisser en quelque endroit son nom vivre après une vie corporelle. " Et de fait, c'est au seul de ses écrits dont on n'a connu jusqu'ici autre chose que le titre, que Gaspard de Saillans doit de ne pas être complètement oublié, bien qu'il n'y ait là, semble-t-il, que de quoi le couvrir de ridicule, ce Premier livre étant le récit de ses amours, de son mariage avec une jeune femme, et de sa lune de miel, à lui, vieux mari goutteux.
Ayant testé le 29 juillet 1565, en faveur d'un enfant dont sa femme était alors enceinte, Gaspard de Saillans mourut neuf ans après. Il avait été marié une première fois avec Catherine de la Colombière ; la seconde, avec Romaine de Chareton, veuve d'un hom{330}me de loi, et la troisième, avec Louise de Bourges, " la belle Loyse ", comme ill'appelle, fille de Claude, seigneur de Myons et de Villeurbanne, général des finances en Piémont, qui fit reconstruire à Lyon une partie de la rue Bonneveau, appelée ensuite, à cause de cela, rue des Générales.
Quant à ses écrits, sur lesquels on n'a donné jusqu'ici que des renseignements erronés ou incomplets, ils comprennent : I. Premier livre de Gaspar de Saillans, gentilhomme citoyen de Valence en Dauphiné, le contenu duquel et des deux autres qui s'en suivront se trouvera cy derrière. A Lyon, par Iaques de la Planche, 1569, petit in-8º de 63 pp. chiffrées + 13 pp. non num. pour la table. C'est dans ce volume, divisé en trois parties, que G. de Saillans raconte d'abord comment il fit la connaissance de Louise de Bourges, sa troisième femme ; puis, ses fiançailles ; enfin, ses noces, la grossesse qui s'ensuivit, etc. On n'en connaît que trois ou quatre exemplaires. - II. Le deuxièsme livre qui est triomphant, composé par Gaspar de Saillans, gentilhomme citoyen de Valence en Dauphiné. A Lyon, par Jean d'Ogerolles, m. d. lxxiii. Cet ouvrage porte sur le titre les armoiries des Saillans entourées de la devise :
[La paix de Dieu en toute saison,
Veuille loger en ceste maison.]
et se compose de 223 pp., à la quatrième desquelles est le portrait de l'au teur, plus 1 feuillet non chiffré. De même que le précédent, il est divisé en trois parties, dont la 1er traite de " l'heur, félicité et grandeur des Romains " ; la 2e, de " l'infélicité qu'ils eurent après le changement de leurs Roys ", et la 3e, de " trois autres conspirations et séditions qui sont advenues en païs de Bohême et Taberie, sur les frontières d'Allemagne, et en nostre France, qui ont esté semblables ou pires que celles des Romains " ; tandis que nous savons, par l'exposé placé en tête de son Premier livre, qu'il se proposait tout d'abord d'y traiter " de la loy et des cérémonies des gentils et payens envers leurs faulx dieux ; de la prospérité et infélicité des Romains ; de nostre foy catholique, apostolique et romaine et de la différence du mariage spirituel au mondain ; enfin, de plusieurs enseignements faits et donnez par maints auteurs, pères hermites très dévots demeurans par les desers d'Egypte, Palestine et autres contrées " : ce qui est assez différent. On ne connaît pas d'autre exemplaire de ce Deuxièsme livre que celui de la bibliothèque Méjanes, à Aix. Quant au troisième, dont il est également question en tête du premier, comme devant contenir " trois parties : la première desquelles parlera de la louange du mariage corporel ; la seconde, de la discrétion qu'il faut avoir lorsqu'il est question de s'y mettre ; et la troisième desduira comment l'on se doit gouverner en tel estat ", il y a d'autant plus de raisons de croire qu'il resta à l'état de projet, que Gaspard de Saillans mourut un an après la publication de son Deuxièsme livre ; et, pour ce qui est du livre des Marguerites, qu'il aurait publié en 1572, suivant Guy Allard, M. le président Baudrier le nie, bien que le marquis de Méjanes ait écrit sur la garde du Deuxièsme livre : " Le même auteur a fait imprimer en 1572 un livret qu'il intitule les Marguerites, où il traite de plusieurs pierres prétieuses ; il n'est pas commun. " Terminons en disant que le portrait qui se trouve à la 2e page du Deuxièsme livre ne donne guère que le trait du buste légèrement tourné à D., dans un ovale autour duquel on lit : gaspar de saillans : diev l'a ainsi permis, et, au-dessous : " C'est le portrait de la teste de Noble Gaspar de Saillans autheur de ses premier deuxiesme et troisiesme liures, Estant en son aage de soixante ans, auquel temps il a composé iceux liures, plus par hazard {331}que non pas autrement, car sa vaccatio(n) ordinaire n'estoit a lire et estudier es lettres, co(m)me il s'en est humblement excusé pur sesdits liures. "
#Biogr. Dauph., ii, 377. - Arch. Drôme, E, 2466 et 2484. - Id. de Valence, BB, 6 et 8. - Guichenon, Hist. de Bresse, 3e partie, 341. - Notes de MM. Aude, le président Baudrier et Vichez. - Etc.




Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901

Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne

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