SERVAN (Joseph)



SERVAN (Joseph)), sieur de Boisset, frère du précédent, né a Romans, le 14 février 1741, s'engagea, en 1760, dans le régiment de Guyenneinfanterie, avec lequel il fit campagne, d'abord contre les Anglais, en Bretagne et à l'île de Ré, puis en Corse, et y devint promptement officier sous le nom de " chevalier de Servan. " Successivement enseigne (30 mars 1762), sous-lieutenant (16 février 1763), et sous-aide major (25 novembre 1765), il était, depuis le 11 juin 1770, capitaine au régiment Dauphin, lorsqu'il fut nommé, le 8 octobre 1779, major des grenadiers de l'Ile-de-France. Le livre qu'il publia l'année suivante " sur la manière la plus avantageuse de pourvoir à la défense du royaume ", ayant attiré l'attention sur lui, il reçut, peu de temps après (1782), la croix de chevalier de Saint-Louis et fut fait ensuite sous-gouverneur des pages, ce qui ne l'empêcha pas d'accueillir favorablement la Révolution et même de publier aussitôt, conjointement avec Lacuée de Cessac, un projet de constitution pour l'armée, qui lui valut un rapide avancement ; car, nommé major du fort Saint-Jean, à Marseille, le 22 octobre 1790, il fut fait lieutenant-colonel, le 6 novembre 1791 ; colonel du 104e d'infanterie, le 7 mars 1792 ; enfin, maréchal de camp, deux mois après (8 mai 1792).
Le lendemain, le roi l'appelait au ministère de la Guerre, sur la proposition de Roland ; mais ayant fait décréter, le 7 juin, par l'Assemblée nationale, que 20,000 gardes nationaux, venant des départements, se réuniraient à Paris, le 14 juillet, pour " ôter tout espoir aux ennemis de la chose publique qui trament des complots à l'intérieur ", il se brouilla par cela même avec le roi, qui lui enjoignit de remettre son portefeuil{346}le ; ce qu'il fit le 13 juin, au grand regret de l'Assemblée législative, qui décida aussitôt, aux applaudissements de la foule qui remplissait les tribunes, que M. Servan emportait " l'estime et les regrets de la nation. " Et ni la publication de lettres des généraux de Lamorlière et de Broglie, commandant et chef d'état-major de l'armée du Rhin, le mettant en demeure de justifier des accusations légèrement portées contre eux, ni les scandaleux débats auxquels donnèrent lieu certains marchés faits avec un sieur Worms, qui reconnut bien avoir donné 22,000 livres au premier commis de Servan pour obtenir ces marchés, ne purent entamer la confiance que l'on avait en lui. Aussi, l'un des premiers soins des législateurs, lorsqu'ils se furent emparés du pouvoir, le 10 août suivant, fut de rappeler Servan au ministère de la Guerre, où il ne fit encore que passer ; car, en dépit des gages qu'il donna alors à la Révolution, en remplaçant Luckner par Kellermann, puis en déposant sur le bureau de l'Assemblée, en même temps que sa croix de Saint-Louis, un registre de ses dépenses et 500,000 fr. de fonds secrets découverts dans son ministère, et, bien que bénéficiant des succès remportés par nos armées aux mois d'août et de sept. 1792, il s'aperçut bien vite que les Jacobins le tenaient pour suspect. Effrayé, d'ailleurs, de la tournure que prenaient les événements, il donna sa démission le 25 septembre, en s'appuyant, pour cela, sur sa mauvaise santé, qui ne lui permettait plus d'" occuper cette place, pour le salut de sa patrie et son honneur. " Cette démission ne fut cependant pas acceptée sur-le-champ (car ce n'est que le 3 octobre qu'il fut remplacé par Pache), et ses amis les Girondins demandèrent même que la Convention insistât pour lui faire garder son portefeuille ; seulement, on s'y refusa et, le grade de lieutenant général lui ayant été conféré le jour même où il donna sa démission, le Comité de Salut public trouva que cet homme malade pourrait " rendre de plus grands services à la tête des armées ", - ce qui est d'autant plus significatif qu'on le mit ensuite en demeure de remettre " sous trois jours les pièces pouvant servir à l'examen de son administration ", et que, nommé commandant de l'armée des Pyrénées, on ne craignit pas de prétendre, sept semaines après, qu'il avait été de connivence dans certains marchés frauduleux conclus du temps qu'il était ministre. Robespierre finit même par reprocher publiquement aux Brissotins d'avoir contribué à la désorganisation de l'armée, en appelant Servan au ministère de la Guerre (3 avril 1793). De là une situation d'autant plus difficile pour ce dernier, qu'après avoir déclaré fort légèrement qu'il avait plus d'hommes qu'il ne lui en fallait pour battre les Espagnols, il dut reconnaître qu'il lui en faudrait le double et que son armée était dans le plus complet délabrement. On fit même courir le bruit qu'il avait déserté ; et, tandis que les représentants Fayart et Gaston convenaient qu'il manquait de tout, d'autres l'accusèrent d'incurie. Le 6 mai, il fut enfin décidé que l'armée des Pyrénées serait partagée en deux, et que Servan commanderait celle de Bayonne, parce qu'il " est bien intentionné et bienvenu à l'armée ", disaient les représentants ; mais trois jours après, Dartigoeyte déclarait, au contraire, qu'il avait perdu la confiance de l'armée, et le malheureux Servan, destitué, puis rétabli dans son commandement, sur les instances des représentants qui étaient auprès de lui, et traité d'" inepte " par Chabot, le 4 juillet, dut se démettre de son commandement, après s'être débattu pendant quelques mois au milieu d'inextricables difficultés.
Ayant obtenu finalement l'autorisation de se retirer dans une propriété qu'il avait sur les bords du Rhin, notre général s'y rendit ; mais à peine arrivé, on l'arrêta, comme complice des Gi{347}rondins, puis on l'emmena à Lyon, où il fut traduit devant une commission militaire, qui se borna heureusement à l'envoyer à Paris. Or là, il ne resta pas moins de quinze mois, au bout desquels (24 janv. 1794) la Convention ordonna sa mise en liberté provisoire, sur le rapport de Fréron ; mais ce n'est que le 11 septembre de l'année suivante qu'il fut définitivement mis hors de cause et réintégré dans son grade, les Comités de Salut public et des finances ayant déclaré qu'il était à l'abri de reproches comme ministre et comme général.
Neuf mois après, Servan était renvoyé à l'armée des Pyrénées, en qualité d'inspecteur général, et il fut chargé, peu de temps après, d'entamer des négociations de paix avec l'Espagne. Ne fut-il pas à la hauteur de son rôle en ces circonstances, ou bien n'avait-il pas encore désarmé certaines rancunes ? En tout cas, on le voit mettre en traitement de réforme, le 14 août 1797 ; et, s'il fut quand même nommé inspecteur des bataillons auxiliaires, deux ans plus tard (2 août 1799), puis chargé de commander successivement les 20e et 10e divisions militaires, on le remit en traitement de réforme le 20 mai 1801. Rappelé à l'activité le 9 mars 1803, et nommé alors inspecteur en chef aux revues, la dédicace d'une de ses principales publications " A.S.M. l'Empereur et Roi ", lui valut d'être décoré de la Légion d'honneur, le 24 mars 1804, et nommé officier de cet ordre, neuf mois après. Il était à la retraite depuis un an et sept jours, lorsqu'il mourut à Paris, le 10 mai 1808, laissant la réputation d'un homme intègre, mais d'un caractère tout à la fois trop enthousiaste et trop faible pour avoir été bon administrateur et bon général.
ICONOGRAPHIE. - I. Joseph Servan, ministre, le 9 may 1792, sous Louis XVI. Buste de prof. à G., dans méd. rond, la planche ayant 0,189 sur 0,144 mill. - II. Joseph Servan maréchal de camp et armées de France, ministre de la guerre, le 10 août 1792. Ingenio et virtute salus populi. Buste de profil, à D., dans méd. rond de 0,064. Pasquier pinxt et sculp. - III. Joseph Servan, exministre de la guerre, le 10 août 1792. Général de division. Buste de profil, à G., dans méd. ov. de 0,115/0,093. F. Bonneville del. et scul. - IV. Sans lég. Buste de profil, à G., dans ov. de 0,142/088. - V. Joseph Servan. Grav. sur cuivre in-8º. Buste de profil, à D., dans ov. de 0,093/0,079, encadré. L. A. Claessens, sculp. - VI. Grav. sur bois in-4º Buste de profil, à D., dans un ovale entouré d'attributs, de 0,110/0,086. Pannemaker sc. - VII. Autre port., in-4º. Buste de profil, à D., Yan del., dans Hist. de la Révol., par A. Thiers, édit. ill., 1867, pp. 397. - VIII. Autre portrait in-4º, Buste de profil à G. Doumont, del. ; Loudet. ad. sc., dans Hist. des Girondins, éd. ill., 1867, pp. 333.
BIO-BIBLIOGRAPHIE. - I. Réflexions sur le ministère de M. Servan. S.d., de l'impr. du Patriote français, in-8º de 7 pp. - II. Lettres et pièces intéressantes pour servir à l'histoire du ministère de Roland, Servan et Clavière. Paris, chez les direct. de l'impr. du Cercle social, 1792, in-8º. - III. Projet de décret présenté à la Convention nationale (1er vendém. an IV), au nom des comités de Salut public et des finances réunis, par Gumery, en faveur de Servan. Imp. par ordre de la Conv. Imp. nat., s.d., in-8º.
BIBLIOGRAPHIE. - I. Le soldat citoyen ou vues patriotiques sur la manière la plus avantageuse de pourvoir à la defense du royaume, dans le pays de la liberté. (Neufchâtel), 1780 ; in-8º de iv + 640 pp. + 1 f. d'errata, dont il y a une autre éd. Paris, 1781, in-8º.
II. Projet d'une constitution pour l'armée des Français. Paris, 1789 ; in-8º, écrit en collaboration avec Lacuée de Cessac.
III. Discours à l'Assemblée nationale, le 11 mai 1792. Imp. nat., in-8º de 3 pp.
IV. Lettre de Joseph Servan, ex-ministre de la guerre, sur le mémoire de M. Dumourier, lu le 13 juin à l'Assemblée nationale. S.l.n.d. (1792). in-8º.
V. Lettre de Joseph Servan à l'Assemblée nationale sur le rapport du Comité des comptes, et réflexions de l'éditeur à cette occasion. S.l., 8 juillet 1792. (Imp. du Cercle social), in-8º de 8 pp.
VI. Lettre du citoyen Danton au citoyen Servan. - Réponse du citoyen Servan au citoyen Danton (13-14 sept. 1792). Imp. nat., in-4º.
VII. Lettres et pièces intéressantes pour servir à l'histoire du ministère de Roland, Servan et Clavière. Paris, imp. du Cercle social, 1792, l'an quatrième de la liberté, in-8º.
VIII. Notes sur les mémoires du général Dumourier et sa correspondance avec le général Miranda. Paris, 1795, in-8º.
{348}IX. Histoire des guerres des Français en Italie, contenant le tableau des événements civils, politiques et militaires qui les accomgnèrent, et leur influence sur la civilisation et les progrès de l'esprit humain, depuis Bellovèse jusqu'à la mort de Louis XII, par Jubé... et depuis Louis XII, jusqu'au traité d'Amiens, en 1802, par Servan. Dédiée à S.M. l'Empereur et Roi. Paris, Bernard, 1805 ; 7 vol. in-8º, avec atlas in-fol., contenant 12 cartes, 2 plans et le portr. de Napoléon, dessin d'Isabey, gravé par Tardieu.
X. Tableau historique de la guerre de la Révolution de France, depuis son commencement, en 1792, jusqu'à la fin de 1794 ; précédé d'une introduction générale contenant l'exposé des moyens défensifs et offensifs sur les frontières du royaume en 1792, et des recherches sur la force de l'armée française depuis Henri IV jusqu'à la fin de 1806 ; accompagné d'un atlas militaire, ou recueil de cartes et plans pour servir à l'intelligence des opérations des armées, avec une table chronologique des principaux événements de la guerre pendant les campagnes de 1792, 1793 et 1794. Paris, Treuttel et Wurtz, 1808 (1807), 3 vol. in-4º, dont le dernier seulement est de Servan, les autres étant du général Grimoard ; plus un atlas de 19 cartes ou plans enluminés.
XI. Supplément à l'art militaire de l'Encyclopédie méthodique. Paris, Agasse, 1802, in-4º. Cette partie de l'Encycl. méth., commencée par Lacuée de Cessac, a été terminée par Servan, qui lui avait déjà fourni plusieurs articles.
#Biogr. Dauph., ii, 430. - Réimp., Moniteur, xii, xiii, xiv, xvi, xvii, xxiii, xxvi et xxix. - Actes Com., Sal. publ., i, ii, iii et iv. - Champollion, Chron. Dauphin., i, 58. - Etc.




Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901

Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne

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