AIGUEBONNE (Rostaing-Antione)



AIGUEBONNE (Rostaing-Antione-d'Eurre, seigneur d') et de Pont-d'Ain, marquis de Treffort, que l'on donne parfois comme provençal, naquit, en réalité, à Allex (Drôme), petit bourg où sa famille était établie, dès le xve siècle. Deuxième fils de Louis d'Eurre-d'Oncieu, seigneur du Puy-St-Martin, et de Geneviève de Lhère de Glandage, il tirait le nom qu'il illustra d'un petit fief, aujourd'hui simple ferme sur le territoire d'Allex, et s'étant mis de bonne heure à porter les armes, il eut, le 13 août 1624, commission de lever un régiment d'infanterie de son nom, avec lequel il servit en Languedoc sous le maréchal de Thémines, jusqu'au mois de mai 1626, que ce régiment fut licencié. Un an plus tard, il était en qualité de volontaire devant la Rochelle assiégée et, commission de lever un régiment lui ayant été derechef donnée, le 3 avril 1628, il servit alors sous le prince de Condé, en Provence, puis en Languedoc, et se trouva notamment aux sièges de Privas et d'Alais (1629). Envoyé de là à Brian{14}çon, d'Aiguebonne y était quand Richelieu envahit le Piémont, au printemps de 1630, avec une armée de 40,000 hommes, à l'organisation et l'avitaillement de laquelle notre Dauphinois contribua largement, et chargé ensuite de faire sauter le château de Suse, qui ne semblait pouvoir être utilisé que par l'ennemi, il le fortifia, au contraire, d'une manière fort avantageuse pour l'armée française ; ce qui l'avança naturellement beaucoup dans l'esprit du cardinal et lui donna, par suite, de l'importance. Tellement que, bien que toujours simple colonel, il fut, avec le maréchal de Toiras, garant du traité de Cherasco (mai 1631).
Revenu en France après ce traite, d'Aiguebonne était dans Beaucaire, quand Gaston d'Orléans et Montmorency tentèrent de s'emparer de cette place, qu'il défendit fort bien, et quand ces deux révoltés eurent été complètement défaits à Castelnaudary (1er septembre 1631), c'est lui qui fut chargé de porter au frère du roi des propositions de paix et, qui plus est, de discuter les conditions de cette paix avec l'envoyé de Gaston, qui se trouva être son propre frère, Claude d'Eurre, seigneur de Chaudebonne (V. ce nom), service dont notre colonel fut récompensé par le gouvernement de Briançon. Placé ensuite sous les ordres du maréchal de la Force (1633), il l'aida à conquérir la Lorraine et, devenu commandant de Haguenau, après la prise de cette ville, le 31 janv. 1634, il se distingua, comme toujours, dans ce poste, ce qui lui valut d'être fait maréchal des camps et armées du roi, le 30 juin 1636. Enfin, chargé quelque temps après d'une mission diplomatique en Hollande, il obtint au retour (1637) le commandement de la Basse-Alsace, qu'il conserva trois ans, au bout desquels on l'envoya ambassadeur à Turin, poste d'autant plus difficile, en ce moment-là, qu'il s'agissait de soutenir la duchesse régente de Savoie contre ses deux beaux-frères. Or, il s'y comporta de telle sorte que, le 10 mars 1642, on lui donna pleins pouvoirs pour signer un traité qui mit non seulement fin à toutes querelles, mais encore assura une situation tellement prépondérante au représentant de la France en Piémont, qu'à son titre d'ambassadeur, d'Aiguebonne ajouta bientôt celui de commandant de la ville et citadelle de Turin. Ce qu'il fut, jusqu'au 23 déc. 1645, à ce que nous apprend sa correspondance diplomatique, dont une partie au moins se trouve aux archives du Ministère des affaires étrangères (35e vol. de Turin).
Ayant obtenu, en outre, la charge de conseiller d'Etat, il échangea, au mois de mai 1646, le commandement de Turin contre le gouvernement de Cazal et du Montferrat, qu'il conserva même après son élévation au grade de lieutenant-général, le 13 mai 1648 ; car, ce n'est que le 25 septembre 1650, qu'il abandonna ce poste important, pour en occuper un plus important en France, celui de lieutenant-général au gouvernement de Provence, dont il était encore pourvu, lorsqu'il fut surpris par la mort, le 9 mai 1656, à la veille de recevoir le collier des Ordres du roi. Il fut inhumé dans le cloître des Augustins de Paris.
De son mariage avec Huguette Liotard, fille d'un président en la Chambre des comptes du Dauphiné, d'Aiguebonne eut trois fils, dont l'aîné, qui venait alors de le remplacer à la tête de son régiment, fut tué au combat de Vigevano (1645) et dont les deux autres se firent, l'un prêtre et l'autre chevalier de Malte. De telle sorte que le nom de d'Aiguebonne finit avec eux ; ce que leur père vit sans peine, si l'on en croit Tallemant des Réaux, qui lui a consacré la moitié d'une de ses historiettes (III, 208).
#Pinard, Chron. milit. - Lettres de Mazarin, i, 96. - Id. de Richelieu, iii, 583, 593 ; iv, 362 ; v, 1069, vii, 303, 856 ; viii, 56. - Mém. de la Force, iii, 48. - Pithon-Curt. - Etc., etc.




Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901

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