BONJEAN (Louis-Bernard)



BONJEAN (Louis-Bernard)), jurisconsulte, magistrat et homme politique né à Valence, le 4 décembre 1804, {124}de Louis-Bernard Bonjean, orfèvre, et d'Antoinette Paris, appartenait à une vieille famille savoisienne, dépaysée à la suite de revers de fortune. Orphelin à 16 ans et sans autre fortune que son intelligence, de bonnes études et une rare puissance de travail, il enseigna d'abord les mathématiques à l'école d'artillerie de sa ville natale, puis, étant allé faire son droit à Paris, donna des répétitions.
Avocat et docteur quand éclata la révolution de 1830, il y prit une part active et reçut même la décoration de juillet, mais ne négligea pas pour cela ses études juridiques.
Après avoir inutilement concouru plusieurs fois, pour une chaire de droit, il acheta en 1838, une charge d'avocat aux conseils du roi et à la Cour de cassation et, tout en remplissant les devoirs de sa charge, publia, d'abord en collaboration avec Blondeau, les Institutes ; puis, seul, une exposition historique savamment ordonnée de l'organisation judiciaire de la procédure civile chez les Romains, sous le titre de Traité des Actions.
Il avait commencé depuis quelques années une publication beaucoup plus importante encore, quand la révolution du 24 février 1848 le détourna de ces travaux pour le jeter dans la politique. Ayant alors posé sa candidature à la représentation nationale dans son département, il y fut élu, comme républicain, le premier avec 20,000 voix de plus que le suivant ; mais la crainte du désordre le fit voter le plus souvent avec la droite, parce que " sans le respect des lois et du droit de chacun, il n'existe, " disait-il, " de liberté que pour les méchants. "
Il alla même jusqu'à dénoncer à la tribune le préfet de police, Caussidière, et à demander un blàme pour une circulaire et certains actes du ministre de l'instruction publique, Carnot ; conduite qu'il expliqua, du reste, fort bien dans un compte rendu aux électeurs de la Drôme, qui est une sorte de manifeste contre le socialisme, dans lequel il adjure les ouvriers de se méfier des " faux amis " qui les " trompent pour faire d'eux un piédestal à leur ambition et à leur vanité ", et qu'il termine ainsi : " Croyez en celui qui vous adresse ces paroles : il fut pauvre, peut-être plus qu'aucun de vous ; il n'eut pour héritage que le travail : parvenu, après de longs efforts, à une position meilleure, il vous affirme, sur l'honneur, il vous prouve par son exemple, que, dans cette société tant calomniée par les artisans de désordre, il y a toujours place pour les hommes de bonne volonté, qui prennent pour devise ces trois mots déjà écrits, mais que je répète : Bonne conduite, travail, persévérance. "
Non réélu à l'Assemblée législative, dans son département, Bonjean se présenta aux suffrages des électeurs du département de la Seine, dans une élection partielle, au mois de mars 1850, mais n'obtint, cette fois encore, qu'une belle minorité ; seulement, comme il était dès ce moment-là un homme en vue, Louis-Napoléon Bonaparte, de qui il s'était rapproché, le nomma, quelque temps après, avocat général à la Cour de cassation ; puis, lui confia le portefeuille de l'agriculture et du commerce (9 janvier 1851). Ministre, Bonjean ne le fut que pendant dix jours ; mais le Conseil d'Etat ayant été réorganisé au mois de janvier 1852, il en fit partie aussitôt comme conseiller, et, dès le 1er février 1852, comme président de la section de l'intérieur et de l'instruction publique et des cultes. Nommé sénateur, le 16 février 1855 ; et premier président de la Cour impériale de Riom, le 13 avril 1863, il devint président de chambre à la Cour de cassation, le 15 avril 1865, et, l'an suivant, membre du Conseil supérieur de la dotation de l'armée, sans cesser pour cela de faire partie du Sénat, assemblée au sein de laquelle il se posa toujours en défenseur des idées libérales, tout en étant un fidèle serviteur de l'Empire, et en adversaire déclaré du gouvernement du clergé, tout en étant profondément catholique. " Je déclare {125}ne reconnaître à aucun pouvoir civil le droit de juger de ma foi, parce que si je lui reconnaissais aujourd'hui le droit de déclarer que ma croyance est vraie, je serais obligé de reconnaître demain le droit de déclarer que ma croyance est fausse, et c'est là ce que je ne veux à aucun prix ", disait-il le 2 mars 1866, à l'occasion d'une pétition sur les synodes protestants. Dans une autre circonstance, il reprochait à " l'Eglise romaine de persister dans ses antiques prétentions, alors que tout était changé. "
Sénateur, président de chambre à la Cour suprême, membre du Conseil impérial de l'instruction publique et grand-officier de la Légion d'honneur, Bonjean était, en un mot, arrivé au faîte des honneurs, lorsqu'il tomba sous les balles de la Commune. L'un de ses premiers soins, après le renversement du second Empire, ayant été de s'engager, malgré son âge, comme simple soldat, d'abord dans la garde nationale, puis dans un bataillon de marche, cet acte de patriotisme le signala d'autant plus à l'attention des chefs de la Commune, qu'en pleine insurrection, il ne craignit pas d'aller présider, comme à l'ordinaire, une audience à la Cour de cassation. Arrêté au sortir de cette audience, le 21 mars 1871, il fut d'abord enfermé au dépôt de la Préfecture de police, ensuite à Mazas, puis à la Grande-Roquette, d'où il ne sortit, le 24 mai, que pour aller au supplice ; car, c'est en compagnie de l'archevêque de Paris, Mgr Darboy, du curé de la Madeleine et des PP. Allard, Clerc et Ducoudray, qu'il fut fusillé, et l'on doit ajouter que sa mort fut celle d'un héros.
ICONOGRAPHIE. - Portraits : I. Lith, in-4º. Mi-corps de 3/4 à D. 0,240/0.166. Jandelle (del.). Imp. Donnet : Victor Delarue, édit, Paris. - II. Grav. sur bois, in-4º, dans le Monde illustré du 24 mars 1863. Mi-corps 3/4 à G. Ren. Phot. E. Bocourt (del.). Chapon (sculp.). - III. Gr. sur b. in-fol. dans L'Autographe du 14 dézembre 1871. Mi-corps de 3/4 assis. Gillot sc. - IV. Gr. s. b. in-fol. coloriée, en pied de 3/4 à D. Imp. lith. Pellerin et Cie., à Epinal. - V. Lith. in-fol. col. En pied de 3/4 à G. Les Otages Martyrs. - VI. Grav. s. b. in-fol. Edouard Vert, imp. J. A. Sénéchal del. sc. Détails concernant le massacre de la Roquette. - VII. Grav. s. b. dans le Monde illustré du 10 juin 1871. Buste de 3/4 à D. E. Bocourt (del). L. Chapon (sc.). - VIII. Gr. sur b. in-4º. En pied de 3/4 à D : d'après un dessin de Lix, dans le même nº du même journal. - IX. Autographie d'après nature, par Marie Lavigne (Paris, Basset). - X. Eau-forte de Fugère, dans la Revue du Dauphiné et du Vivarais. - XI. Lith. in-fol. Buste de 3/4 à G. Bornemann fecit, imp. Lemercier.
BIO-BIBLIOGRAPHIE. - I. Le Président Bonjean, otage de la Commune, par Charles Guasco, Paris, août 1871, in-12 de 198 pages. - II. Etude sur la vie et la mort de M. le président Bonjean, par M. Thourel. (Discours de rentrée à la Cour d'appel d'Aix, le 3 novembre 1871.) in-8º - III. Notice nécrologique (sur le président Bonjean) par Accarias, Corbeil, Crété, s.d., in-8º de 16 pp. - IV. Les Derniers jours du président Bonjean. Discours à la Soc. des sciences de Tarn-et-Ga ronne. par Paul Gardelle. Montauban, Forestié, 1872, in-8º. - V. Eloge du président Bonjean, par M. Herzog. 1872, in-8º. - VI. Quelques souvenirs relatifs à la vie et à la mort du président Bonjean. 1804-1871. Paris, Mouillot, 1891, in-8º de 24 pp. - VII. Bonjean. S.l. Lancè et Havard, s.d. in-fol. de 15 pp. - VIII. Les Contemporains. Le président Bonjean, par J. Bouillat. S.l.n.d., in-8º de 16 pp. - IX. L'Autographe. Nº du 4 novembre 1871, qui lui est entièrement consacré. - X. Le président Bonjean. Discours prononcé à la distribution solennelle des prix du Petit Séminaire, par l'abbé D. Reboulet. Valence, 1896, in-8º de 15 pp. - XI. Le président Bonjean ; art. dans la Revue du Dauph. et du Vivar., iv, 185-204.
BIBLIOGRAPHIE. - I. Réponse à M. Pellat (à propos de ses textes de droit romain sur la dot). 1836, in-8º.
II. Traité des Actions ou Exposition historique de l'organisation judiciaire et de la procédure civile chez les Romains. 2me édit. considérablement augmentée, 1841-1845, 2 vol. in-8º.
III. De l'Inconstitutionalité de la juridiction militaire en Algérie, à l'égard des citoyens français non militaires. 1843, in-8º.
IV. Socialisme et sens commun, 1849, in-18.
V. Du Pouvoir temporel de la Papauté. 1862, in-8º.
VI. Conservation des Oiseaux ; leur utilité pour l'agriculture. 1865, in-18.
VII. Discours prononcé à la distribution des prix du lycée Napoléon, le 7 août 1866. In-8º.
VIII. Du Cadastre dans ses rapports avec la propriété foncière. 1866, in-8º.
IX. Discours prononcé au Sénat dans la discussion sur la loi relative à la presse. 5 mai 1868, in-8º.
X. Discours sur la propriété littéraire et artistique. Paris, 1866, in-8º.
{126}XI. Discussion du Sénatus-Consulte modifiant la Constitution : amendement proposé par M. le président Bonjean, sénateur, le 3 septembre 1869. 1870, in-8º.
XII. Révision et conservation du cadastre approprié aux besoins de la propriété foncière. 1874, 2 vol. in-8º. Ouvrage posthume publié par son fils, M. Georges Bonjean.
XIII. Nombre d'autres discours.
Indépendamment de cela. L.-B. Bonjean commença, en 1845, la publication d'une Encyclopédie des Lois, dont il n'a paru que quelques livraisons, et celle d'un Corps diplomatique également inachevé.




Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901

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