BONNEFOY ou DE BONNEFOY (Ennemond)



BONNEFOY ou DE BONNEFOY (Ennemond)), professeur de droit que l'on appelait Enymundus Bonefidius dans le monde savant, naquit à Chabeuil, le 20 octobre 1536. L'historien de Thou, qui fut son élève, dit qu'il " étoit un homme simple et droit qui, sans être sorti de son païs, sçavoit l'hébreu, le grec et le latin, aussi parfaitement que s'il eût fait ses études sous les meilleurs maîtres, dans les plus célèbres académies " (Hist. univ., vii, 209). D'autres avancent qu'il était médecin en même temps que jurisconsulte, et Cujas, qui fut son collègue à l'université de Valence, a écrit quelque part que si on lui demandait de se choisir un successeur, il choisirait Bonnefoy. Seulement, il faut bien reconnaître que ce dernier n'eut pas une situation en rapport avec de semblables éloges ; car, par exemple, tandis que certains biographes lui font professer le droit, avec éclat, en 1563, il est établi que ce jurisconsulte n'était pas professeur avant le 20 février 1564, date à laquelle les consuls de Valence lui firent allouer 500 livres par an, " pour lire en l'Université ", où il ne fut, du reste, jamais que deuxième " liseur. "
En 1563, Bonnefoy n'était, en effet, que recteur de l'université de Valence, c'est-à-dire pourvu d'une charge que l'on confiait alors volontiers à quelque écolier touchant au terme de ses études, ainsi que cela arriva, par exemple, au fameux Jacques Colas, puis à un Jean Meyer, qui n'obtint ensuite, qu'avec peine, le grade de docteur. Nous devons ajouter que, pendant son rectorat, notre jurisconsulte fit le possible pour recruter des professeurs en renom ; car, n'ayant pu avoir le célèbre Jean du Moulin, dont il vantait " la souffizance et l'éminent sçavoir ", au Conseil de ville, le 2 juin 1563, il obtint, peu de temps après, de ce conseil, que l'on engageât, à raison de 800 livres par an, le non moins célèbre François Hottoman, " pour réintégrer l'Université. " Quant à son importance comme professeur, elle peut se mesurer à ces faits, qu'en 1566 on ne lui donnait plus que 300 livres par an, alors qu'Hottoman en recevait toujours 800 ; que ce dernier ayant abandonné l'université de Valence quelques mois après, Bonnefoy resta plus de quatre ans sans faire recevoir un seul docteur ; enfin, qu'en 1571, date à laquelle les consuls de Valence le réengagèrent pour la troisième fois, notre jurisconsulte était le second d'un professeur de modeste réputation, André d'Exéa, au lieu d'être celui de l'illustre Cujas, que secondait Claude Rogier.
Partisan résolu de la Réforme, Ennemond se préoccupa d'ailleurs moins d'enseigner le droit à ses élèves, que de leur faire partager ses croyances ; car, c'est à lui surtout, que l'université de Valence dut d'être, pendant la plus grande partie des guerres civiles du xvie siècle, un foyer d'opposition au catholicisme et, par cela même, à la grande majorité des Valentinois et de leurs magistrats municipaux, qui tenaient pour les anciennes doctrines. Aussi ne manqua-t-il pas de se réfugier à Genève, à l'époque de la Saint-Barthélemy. En faut-il conclure que Scaliger et lui ne durent alors leur salut qu'aux bons offices de Cujas, ainsi que le prétend Chorier ? (Hist. gén., ii, 649.) Non, d'autant plus qu'il est à peu près prouvé aujourd'hui que la Saint-Barthélemy ne fit pas de victimes à Valence, et tout à fait certain que Scaliger n'y enseigna jamais. Puis, contrairement à ce que dit Rochas, ce n'est pas au commencement de septem{127}bre 1572, mais seulement le 10 novembre suivant que notre professeur huguenot alla habiter Genève, et nous devons ajouter que les délibérations consulaires de Valence permettent de se demander si ce changement de résidence ne fut pas tout simplement le résultat de changements apportés aux règlements universitaires, dans le mouvement de réaction qui se produisit après la Saint-Barthélemy. Car il y est dit, à la date du 30 décembre de cette même année 1572, que l'on proposera " à M. de Bonnefoy, qui s'est absenté, de le reconduire (de le réengager), s'il veult fere ce qui est pourté par les édicts du Roy, sinon qu'on le remplacera. "
Quoi qu'il en soit, Bonnefoy ne revint pas de Genève, dont le Conseil d'Etat décidait le, 2 mars 1573, de faire l'essai d'une chaire de droit, si notre professeur la voulait occuper, avec un traitement annuel de 600 florins, et où il publia, peu de temps après, le seul ouvrage que l'on ait de lui. Il y mourut le 2 février 1574, ne laissant de son mariage avec Catherine de Saillans, que nous croyons être une sœur de François de Saillans, controversiste huguenot, connu sous le nom de Bertrand de Loque, que deux filles, Jeanne et Marie de Bonnefoy, dont les rancunes religieuses étaient si violentes, que l'une d'elles, faute de pouvoir faire pis, lacéra une chasuble de l'église Saint-Jean de Valence, en 1609.
BIBLIOGRAPHIE. - . Ivris orientalis libri iii, ab Ennemundo Bonefidio I. C. digesti, ac notis illustrati..., Anno mdlxxiii, excudebat. Henr. Stephanus. In-8º de 4 ff., + 204 pp. + 7 f. + 312 pp., dont la première partie comprend le texte grec et l'autre la traduction latine.
Indépendamment de cela, on doit à Bonnefoy la publication, en 1560, des Paradoxes de Laurent Joubert, ouvrage dont il a écrit la préface et qui a été dédié par lui à Cujas.
#Biogr. Dauph., i, 161. - Guy Allard, Bibl. du Dauph., 40. - D. Simon, Bibl... du Droit, 53. - Arch. de Valence, BB, 7 ; GG, i. - Arch. de la Drôme, D, 3. - France protestante. - Fragm. biog. et hist. de Genéve, (ad. ann. 1573). - Etc.




Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901

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