CARITAT DE CONDORCET (Jacques-Marie)



CARITAT DE CONDORCET (Jacques-Marie{149} de), prélat, né à Condorcet, le 1er novembre 1703, était le troisième fils d'Antoine, seigneur de ce lieu, de Rocheblave et d'autres terres, et de Judith Amieu d'Hauterive. Entré dans les ordres après avoir d'abord embrassé la carrière des armes, il devint aussitôt chanoine d'Agen et vicaire général de Jean d'Yse de Saléon, évêque de Rodez, puis archevêque de Vienne, son grand-oncle. Nommé évêque de Gap en 1741, il occupa ensuite successivement les sièges d'Auxerre et de Lisieux, ayant partout des difficultés et partout finissant par laisser des regrets. Ainsi l'abbé Aucel nous apprend-il qu'à Gap, siège dont il ne prit possession que le 4 août 1743, bien qu ayant été sacré le 28 février de l'année précédente, il fit preuve d'un esprit processif et d'amour de la vaine gloire, tout en étant " fort charitable, appliqué au gouvernement de son église et de mœurs exemplaires. " A Auxerre, où il fut installé le 13 janvier 1755, il fut en butte dès le premier jour au mauvais vouloir de son clergé, qui était janséniste, et lorsqu'il voulut parler en maître, on le chansonna et cribla d'épigrammes et, finalement, on déféra si souvent ses actes aux tribunaux séculiers, que le parlement de Paris ne rendit pas moins de cinquante arrêts contre lui.
Il en fut tellement irrité, que les chanoines, avec qui il était en guerre ouverte, l'ayant hypoeritement prié d'assister aux offices de la cathédrale, où il ne paraissait pas, le bouillant évêque fit une action d'éclat. Ayant préalablement fait savoir qu'il prêcherait le jour de l'Octave de la Toussaint 1756, il monta en effet en chaire, à l'issue des vêpres, et devant une foule énorme attirée par la curiosité, fit un sermon des plus virulents sur la soumission due aux lois de l'Eglise, déclarant excommuniés, ipso facto, tous ceux qui n'acceptaient pas la bulle Unigenitus et recouraient à la justice séculière pour se faire donner les sacrements, comme aussi les magistrats qui se permettaient de rendre des arrêts dans ce sens. Ainsi visés, les chanoines protestèrent en sortant de l'église, puis en appelèrent au parlement, qui défendit de publier le sermon de Mgr de Condorcet et, finalement, se plaignirent au comte de Saint-Florentin, ministre d'Etat, qui ne trouva rien de mieux, pour apaiser les esprits, que d'exiler le prélat chez les Bernardins de Vauluisant et ensuite dans sa famille. Or, au retour de cet exil, qui ne dura pas moins d'un an, la lutte recommença plus ardente que jamais, si bien que Mgr de Condorcet, s'étant alors mis à visiter toutes les paroisses de son diocèse, pour y combattre l'esprit janséniste que favorisait généralement le clergé, il y eut dans certaines localités de véritables émeutes, et qu'à la suite de certain mandement de notre prélat et d'un sermon d'un de ses grands vicaires, le gouvernement le mit en demeure de se démettre de son évêché, suivant les uns, tandis que d'autres prétendent qu'il manifesta de lui-même l'intention d'abandonner un diocèse dans lequel il se sentait incapable de faire le bien. Quoi qu'il en soit, après bien des tiraillements, Mgr de Condorcet fut transféré à l'évêché de Lisieux, dont il prit possession par procureur, le 1er mars 1761, et en personne, le 30 octobre suivant ; et, comme il y avait encore quelques jansénistes dans ce nouveau diocèse, un de ses premiers soins fut de rendre, touchant l'instruction du clergé et la discipline ecclésiastique, quelques ordonnances auxquelles les curés firent encore une telle opposition, que notre prélat dut réclamer l'intervention du Conseil d'Etat pour les faire accepter. Indépendamment de cela, il fonda en 1776 plusieurs écoles chrétiennes dans sa ville épiscopale et les environs et se répandit surtout en charités pour les pauvres jusqu'à sa mort. Celle-ci étant arrivée à Lisieux, le 21 septembre 1783, il fut inhumé huit jours après dans son église cathédrale en la chapelle de la Vierge, où l'on voit encore son épitaphe, bien que ses cendres {150}aient été profanées en 1793. Son portrait se trouve à l'évêché de Gap.
Ce prélat était l'oncle du philosophe Condorcet, et l'on sait, par une lettre en date du 7 juillet 1755, qu'il ne se consolait " d'avoir un neveu de l'Académie, que parce qu'il était l'ami d'un ministre. "
BIO-BIBLIOGRAPHIE. - Jacques-Marie de Condorcet, évêque de Gap (1741-1754), par M. l'abbé A.-J. Rance, Auxerre, in-8º de 24 pages.
#Biogr. Dauph., i, 187. - Arch. Drôme, E, 4530. - L. Guillaume, Introd. au t. IV de l'Inv. des Arch. des Hautes-Alpes. - Aucel, Rec. circ. de Gap, xl. - Aff. Dauph., 24 octobre 1783. - Bull. de l'Yonne, xliv, 359. - H. de Formeville, Hist. de Lisieux. - Barbier, Chron., vii, 20. - Eug. Asse, Lettres de Mlle de Lespinasse, 216.




Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901

Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne

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