CHABANAS (Jean)



CHABANAS (Jean)), boucher de Die, fut des premiers, dans cette ville, à prendre parti pour la Réforme. Abandonnant l'étal pour le métier des armes, il trouva moyen de s'enrichir et de se faire anoblir pendant les guerres civiles du xvie siècle. Dès 1570, il était à la tête d'une compagnie à l'aide de laquelle il s'empara, quatre ans plus tard, de la petite mais forte place de Pontaix, à deux lieues au dessous de Die, dont il fit un boulevard du parti huguenot et d'où il commanda quinze ou seize années durant à tous les villages des environs, poussant de là des pointes jusque dans le Royans, où il pillait le bourg de Saint-Jean, au mois de juillet 1574, et où il s'empara du château d'Izeron, l'an suivant, et surtout du côté de Die, sa ville natale, pour qui il était, suivant les cas, une menace ou un point d'appui. Ainsi était-il avec Cugie, quand celui-ci, que les Diois avaient chassé de leur ville, parce qu'il ne voulait pas reconnaître Lesdiguières pour chef, tenta de la reprendre dans la matinée du 29 août 1580 ; et, quand les Diois, qui tenaient en ce moment-là pour le roi, s'emparèrent au mois de juillet 1585, de la citadelle où Veaunes, lieutenant de Glandage, commandait pour la Ligue, il se trouvait à leur tête, et cela d'autant plus volontiers que ce même Glandage l'avait un moment retenu prisonnier, quelques jours auparavant.
Cinq ans plus tard (1590), l'ancien boucher était lieutenant du gouverneur de Die, à ce que nous apprend le capitaine Thomas Gay, son coreligionnaire et son beau-frère, qui raconte en outre que, lorsqu'il se fut emparé de Pontaix, Chabanas fut autorisé par les chefs de son parti, à " chercher des contributions en terre de l'ennemi, " c'est-àdire chez les catholiques, " tant comme il en pourroit amasser, sans rendre compte à personne, à la seule condition d'entretenir cent soldats à Pontaix et de les bien payer, mois par mois ", et que s'il n'oublia pas de piller les alentours, l'âpre capitaine oublia souvent de payer ses compagnons d'armes et, qui plus est, " retenoit aux alcuns leurs butins, aux autres leurs monstres et soldes ", de telle sorte que sa compagnie se débanda plusieurs fois et qu'il fut même insulté par ceux qui avaient servi sous lui. Avec cela, comme il était homme à " mettre toujours quelque chose dans la bourse ", ayant acheté, en 1580, une maison à Die, rue de la Pierre, il se fit aussitôt remettre, par Lesdiguières, les droits de mutation, " ensemble les arréraiges des censes, pensions et autres services " qui grevaient ladite maison ; puis obtint de Gouvernet l'autorisation d'en reconstruire la façade avec des pierres de la cathédrale, et comme le clocher lui portait ombrage, il demandait qu'on le démolît, disant : " Rasez le pigeonnier et les pigeons n'y reviendront plus. " Pour ce qui est de ses sentiments religieux, on peut s'en faire une idée en sachant que, lorsqu'il fut devenu un des plus riches habitants de Die, Jean Chabanas, après avoir consenti à donner quelque chose pour la construction du temple, refusa de donner quoi que ce soit au consistoire pour les pauvres, parce qu'il ne participait pas, disait-il, " aux saints sacrements. " Pour tout dire, c'était {154}un homme de proie, comme il y en eut, du reste, tant à son époque ; ce qui ne l'empêcha pas de marier fort honorablement l'unique enfant qu'il ait eue de son mariage avec Jeanne Brunel, fille de Vincent, seigneur de Saint-Maurice ; car cette enfant, qui s'appelait Jeanne, comme sa mère, épousa, vers 1595, Claude Armand, trésorier provincial de l'extraordinaire des guerres, puis conseiller à la Chambre des comptes du Dauphiné.
#Mém. des frères Gay, éd. Chevalier, 30, 177, 287, 292. - Mém. d'Eust. Piémond, éd. Brun-Durand, 40, 158. - Long, La Réforme et les guerres de religion, 278. - Etc.




Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901

Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne

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