CHAMIER (Daniel)



CHAMIER (Daniel{159}), fameux théologien protestant de qui Bayle dit, avec raison, qu'il fut " dans son parti, autant ministre d'Etat que ministre d'Eglise ", était petit-fils d'un peintre d'Avignon et fils de Pierre-Adrien Chamier, docteur en droit canonique et professeur en l'université de cette ville, suivant les uns, - docteur en droit civil et banquier, selon d'autres, - qui, ayant été des premiers, dans notre contrée, à embrasser la Réforme, fut successivement pasteur à Romans, à Nîmes, au Pouzin, à Privas, derechef à Nîmes, à Saint-Ambroise, à Aubenas, à Montélimar, à Crest et finalement encore à Montélimar, où il périt accidentellement, âgé, dit-on, de plus de cent ans. Avec cela, on sait qu'il naquit en 1565 ; seulement, tandis que Rochas dit que c'est à Montélimar, John Quick, dont le livre a été écrit sur des papiers de famille, prétend que c'est au château de Mont, près Morès en Dauphiné, localité que M. le pasteur E. Arnaud croit être Manthes, près de Moras, dans le canton du Grand-Serre. Quoi qu'il en soit, il nous appartient donc et nous savons de plus que c'est un ancien archevêque d'Aix devenu capitaine huguenot qui fut son parrain, et qu'après avoir fait ses études classiques à Orange, et professé quelque temps la quatrième à Nîmes, il fit sa théologie à Genève. Maintenant, est-il vrai, comme l'avancent la plupart des biographes, qu'ayant été reçu pasteur dans cette dernière ville, il fut ensuite trouvé insuffisant par le synode provincial du Dauphiné, et qu'étant alors allé en Languedoc, il y fut pourvu du poste des Vans, bientôt échangé contre celui d'Aubenas ? Ce n'est pas impossible ; mais il est certain, en tout cas, que le seul Chamier qui ait été pasteur d'Aubenas (1585-1587) était son père, et nous savons, d'ailleurs, contrairement aux assertions de Quick, qui le fait aller de Bagnols à Montagnac en 1600, que Daniel Chamier était pasteur à Montélimar dès 1593. Trois ans plus tard, il était chargé, comme tel, de représenter les églises protestantes du Dauphiné dans le synode national de Saumur et dans l'assemblée politique de Loudun, et l'on peut juger de l'impression qu'il y fit, par ce double fait qu'à Loudun il remplit pendant quelque temps les fonctions de secrétaire, et qu'un certain nombre de théologiens ayant été auparavant désignés pour défendre le protestantisme dans les conférences que l'on se proposait alors d'avoir, pour y débattre la grosse question de la conversion du roi, le synode national de Saumur substitua le nom de Chamier à celui de de Serres. Deux ans après, notre pasteur de Montélimar siégeait, au même titre, dans le synode national de Montpellier, où il fut chargé de revoir la discipline, et trois ans plus tard, dans celui de Gergeau (1601), qui le chargea d'une mission auprès du roi. C'est ensuite lui qui présida celui de Gap (1603), puis celui de Privas (1615), faisant preuve partout d'une indomptable énergie, et partout, mettant au service de son parti ses vastes connaissances théologiques et sa grande facilité de parole ; à tel point que, non content de jouer un rôle considérable dans les assemblées protestantes, il eut, nombre de fois, avec les docteurs catholiques, de retentissantes disputes à la suite desquelles chacun se vanta, suivant l'usage, d'avoir triomphé de ses adversaires ; ainsi, en 1599, avec le célèbre P. Coton et le P. Armand, autre jésuite ; l'an suivant, avec le P. Coton encore ; en 1601, avec le P. Gautier ; en 1603, avec le théologal de la cathédrale de Gap, Pierre Fenouillet ; enfin, en 1606, avec Jacques d'Illaire de Jovyac, gentilhomme protestant converti au catholicisme ; puis avec Antoine Tholosain, abbé général de Saint-Antoine, pour ne parler que des disputes qui se rapportent au temps passé dans notre contrée. Indépendamment de cela, Chamier fut pour beaucoup dans la création d'une académie protestante pour le Dauphiné ; seulement, il la voulait à Montélimar, où il groupait alors, depuis quelque {160}temps, autour de lui, un certain nombre de jeunes hommes se destinant à la carrière pastorale : et, comme cette académie finit par être établie à Die, il en fut d'autant plus mortifié, qu'il perdait ainsi tout espoir de faire comme il l'aurait voulu, de la ville qu'il habitait, le principal foyer du protestantisme dans la province, tous ses effort n'ayant pu empêcher, quelques années auparavant, les catholiques Montiliens de rouvrir deux ou trois de leurs églises et d'obtenir une place dans le Conseil de la commune. D'un autre côté, ses coreligionnaires en arrivèrent à se plaindre de ses nombreuses absences, si bien, qu'on le remplaça comme pasteur, en 1611, pendant qu'il était à l'assemblée politique de Saumur. Instruite de ce que Chamier pouvait prendre pour une injure, cette assemblée se hâta il est vrai de lui faire rendre sa place, et le synode national de Privas (1612) tâcha bien ensuite de panser la blessure ainsi faite à son amour-propre en le choisissant pour modérateur, mais il n'y arriva pas. Dégoûté des protestants de Montélimar, à cause de qui il avait refusé plus d'une fois de brillantes offres, il finit par accepter le poste de Livron, quand Josué Barbier l'eut abandonné pour passer au catholicisme, et il paraît même qu'il eut un moment l'intention de grouper, encore là, autour de lui, un certain nombre d'élèves. Car il est dit, dans les délibérations consulaires de cette ville, que le 3 octobre 1615 on discuta le payement du professeur capable que M. Chamier désirait ; mais il n'y resta pas quand même, puisqu'on le voit remplacé, dès le mois de juin de l'année suivante, et c'est probablement alors qu'il alla à Montauban où il était depuis longtemps demandé.
Or, à Montauban, où il fut pourvu d'une chaire de théologie en même temps que d'une charge de pasteur, il se consacra exclusivement à ses doubles devoirs et à la composition d'ouvrages de controverse jusqu'à sa mort, arrivée le 17 octobre 1621, c'est-àdire pendant le siège de cette ville par Louis XIII. Ayant volé, l'épieu à la main, à la défense du bastion de Pullias, pendant un assaut, il fut emporté d'un coup de canon, disent tous les biographes ; mais la relation qu'on a du siège de Montauban ne donne nullement à entendre qu'il était en armes sur le bastion lorsqu'il périt, et elle raconte en outre, " qu'en sa prédication du jour précédent, sur le 34e verset du ch. 37 d'Esaïe, il appliqua à Montauban la promesse de délivrance que fit le Prophète, de la part de Dieu, à Jérusalem assiégée par Rabsake, général de l'armée de Sénnachérib, répétant avec grande véhémence ces mots : " Non, non, ils n'entreront pas, ils s'en retourneront par le chemin qu'ils sont venus ! " Et elle ajoute : " De ses amis lui ont ouï dire qu'il croyoit mourir en ce siège d'un coup de canon. "
ICONOGRAPHIE. - Portr. grav. en taille douce in-8º, d'après un portrait peint conservé à Londres dans la bibl. dite : Doctor Williams'library, et reproduit par la paniconographie dans le Bull. de l'hist. du prot. fr., ii, 296, et dans le livre de Ch. Read. Buste de 3/4 à D. O,125/0,103.
BIO-BIBLIOGRAPHIE. - 1564-1621. Daniel Chamier. Journal de son voyage à la Cour de Henri IV, et sa biographie, par Charles Read. Paris, Agence centr. de la Soc. de l'hist. du prot. franç., 1858, in-8º de 480 pp., avec portrait.
BIBLIOGRAPHIE. - I. Dispute de la vocation des ministres en l'Eglise réformée, contre Iaques Davy dit du Perron, evesque d'Evreux. A La Rochelle, par Hiérosme Haultin, 1598, in-8º de 310 pp. C'est une réponse au livre intitulé : Replique à la Response de quelques ministres sur un certain écrit touchant leur vocation. Paris, Mamert Palisson, 1597.
II. Epistolæ Iesviticæ, Genevæ excudebat Petrus de la Rouière, 1599, in-8º de 240 pp. Pars altera. S.n.d.l., P. de la Rouière, 1601, in-8º de 16 + 173 pp. Recueil de lettres de polémique entre Chamier et les PP. Coton, Armand et Gaultier, attribué à tort à Chamier, et dont la première partie a été réimprimée deux fois sous le titre de Epistolæ Iesuiticæ et ad eas responsiones item per epistolas datæ... avec une Introductio in artem jesuiticam conscripta a Gabrielo Bariaco d'abord en 1604, Ambergæ, Johan. {161}Schoufeldus, in-12 ; puis, ibid., ci$c i$c cx, in-8º de 4 ff. + 239 pp.
III. La Confusion des disputes papistes. Genève, Le Preux, 1600, in-8º de 8 ff. + 270 pp.
IV. Considérations sur les advertissements de A. Porsan. S.n.d.l., La Rovière, 1600, in-8º de 31 + 266 pp. + 3ff.
V. Actes de la Conférence tenue à Nîmes entre Daniel Chamier et P. Cotton, jésuite. Genève, 1601, in-12 de 14 + 256 pp.
VI. De Œcvmenico Pontifice disputatio Scholastica et Theologica, libris VI distincta... Genèvæ, 1601, in-8º de 8 ff. + 897 pp.
VII. Les Actes de la dispute d'Ambrun entre M. Daniel Chamier, ministre de la parole de Dieu en l'Eglise réformée de Montélimard, et M. Fenouillet, soy disant théologal de Gap. S.n.d.l., 1603, in-8º de 53 pp.
VIII. Actes de la Conférence tenue à Saint-Marcellin, au mois d'avril 1606. S.n.d.l.n.d., in-12 de 139 pp.
IX. La Honte de Babylon, comprise en deux parties par D. C. Sedan, 1612, in-8º de 16 + 103 ff.
X. La Jesvitomanie, ov les Actes de la Dispvte de Lectoure. Montauban, Denys Haultin, 1618, in-8º de 4 ff. + 248 pp.
XI. . Dan. Chamieri Delphinatis Panstratiæ catholicæ sive controversiarum de religione adv. pontificios corpus in IV tomos distributum. Genevæ, typis Roverianis, 1626, 4 vol. in fol. Ouvrage dont il y a une édit. de Francfort-sur-le-Mein, 1627, également en 4 vol. in fol. Entrepris sur la demande du synode national de La Rochelle, cet ouvrage, pour l'impression duquel le synode de Vitré vota 3,000 livres, a été complété par Alsted (1629, 5 vol. in fol.), et Spanheim en a publié un abrégé sous le titre de : Chamiervs Contractvs sive Panstratiæ catholicæ... Epitome in qua corpvs controversiarvm super religione adversus Pontificios... Genevæ, 1642, in fol., réimprimé en 1643 et en 1645.
XII. Pieuse remontrance de Chamier, ministre de Montauban, à ses frères en Christ. Jouxte la copie imprimée à Nîmes. Paris, Hénault, 1622, in-8º.
XIII. Corpus Theologicum seu loci communes theologici, Prælectionibus publicis in Academia Montalbanensi per decem annorum curriculum dictati... Genevæ, Sam. Chouet, 1653, in fol. Ouvrage incomplet publié par le fils de l'auteur.
XIV. Journal du Voyage de M. Daniel Chamier à Paris et à la cour de Henri IV en 1607, publié en 1853 dans le Bull. de la Soc. de l'hist. du protest. français, ii, 297-320 et 430-445, avec un portrait.
XV. Enfin, il y a de Daniel Chamier, à la Bibliothèque de Metz, une Grammatica hæbrea manuscrite, qui appartenait à l'abbaye de Saint-Arnoul en 1763 et sur la première page de laquelle on lit : Describebat Petrus Bachelleus anno m.dcxv.
#Biogr. Dauph., i, 199. - France prot., éd. Bordier, iii, 1025. - Bayle, Dict. crit., i, 911. - Arch. de Livron, BB, 2. - De Coston, Hist. de Montélimar, ii, 535. - Le Siège de Montauban, 155. - Aymon, Les Syn., ii, 100, 700. - E. Arnaud, Hist. prot. Dauph., ii, 381 ; Hist. prot. du Vivarais, i, 630, et Les Controv. relig., 12, 18, 19, 22. - Catalogue des manusc. des bibl. des dép., v, 160.




Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901

Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne

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