CHASTELLIER DU MESNIL (Charles-Louis-Joachim de)



CHASTELLIER DU MESNIL (Charles-Louis-Joachim de)), arrièrepetit-fils du précédent, naquit à Valence le 16 octobre 1700, de Joachim de Chastellier, président des trésoriers de France en la généralité de Grenoble, et de Marguerite-Henriette Poisson du Mesnil. Engagé sous les drapeaux à l'âge de 16 ans, il était brigadier des armées du roi à 40, directeur général de la cavalerie et des dragons à 44, maréchal des camps et armées du roi l'an d'après, et, devenu lieutenant général, le 10 mai 1748, il fut ensuite nommé gouverneur de Brouage et commandeur de Saint-Louis, avec 3,000 livres de pension, en récompense de services rendus comme diplomate, autant qu'à cause de ses talents militaires. En effet, le maréchal de Noailles, qui, le trouvant " délié et actif ", l'avait employé déjà " dans quelques affaires ", l'ayant chargé, au mois de septembre 1744, de rendre compte au roi de Prusse des opérations qui concordèrent avec le siège de Prague par ce souverain, il s'acquitta on ne peut mieux de sa tâche et ne fut pas moins heureux auprès de l'empereur Charles VII {177}et du prince Palatin, ce qui lui valut d'être créé marquis par Louis XV, au mois de décembre 1755, et nommé, six ans après, lieutenant général commandant en Dauphiné, après l'avoir été en Franche-Comté et en Provence. Or, c'est précisément dans sa province natale qu'il échoua de la manière la plus fâcheuse, en une mémorable circonstance.
Chargé du commandement militaire du Dauphiné, en remplacement du comte de Marcieu qui avait été désavoué pour avoir fait enregistrer manu militari, par le parlement de Grenoble, un édit de février 1760 qui augmentait les impôts, Chastellier du Mesnil fut appelé, en effet, à commettre, trois ans plus tard, le même abus de la force. Les besoins toujours croissants du trésor exigeant une augmentation des impôts et le Parlement se refusant toujours à donner, par l'enregistrement, force de loi à l'édit qui établissait cette augmentation, il se rendit, accompagné de ses gardes, au Palais de Justice, le 7 septembre 1763, et, les membres du Parlement étant sortis, il retint le premier président, le procureur général et le greffier, qui durent alors plier et procéder à la formalité voulue. Les vacances judiciaires commençant le lendemain, il avait calculé que les magistrats violentés ne pourraient se réunir que deux mois et demi plus tard pour protester en corps contre ce coup de force. Seulement, la chambre des vacations prétexta l'urgence qu'il y avait à régler certaines affaires pour convoquer la Cour le 14 octobre, et du Mesnil, comprenant de quoi il s'agissait en réalité, fit alors arrêter et garder à vue, au fur et à mesure qu'ils rentraient à Grenoble, les membres du Parlement. Ce que voyant, la chambre des vacations rendit un arrêt dans lequel, après avoir dit qu'elle a tous les pouvoirs de la Cour, elle déclare " le sieur Chastellier coupable du crime de lèze-majesté au second chef et perturbateur du repos public " et ordonne en conséquence qu'il sera " pris et saisi au corps, pour être traduit dans les prisons de la conciergerie du Palais, pour son procès lui être fait et parfait, et s'il ne pouvait être appréhendé, ses biens saisis et commissaires établis à la régie d'iceux. "
Huit jours après (22 octobre), du Mesnil bâtonnait cet arrêt sur les registres du Parlement, en vertu d'un arrêt du Conseil du roi ; mais les magistrats dauphinois ne se tinrent pas, quand même, pour battus, si bien que, le 29 novembre, ils déclarèrent solennellement ne pouvoir accepter l'arrêt du Conseil du roi, " attendu que la précipitation avec laquelle il a été rendu permet de croire que la religion du roi a été surprise et que cet arrêt tend à laisser impunis les attentats du sieur Chastellier, qui s'est placé, au mépris de toutes les lois, sur le Tribunal, pour prononcer lui-même son absolution, insulter à la justice et mettre ses ministres dans l'impuissance. " Du Mesnil répliqua en faisant expédier au premier président et à cinq autres membres du Parlement des lettres de cachet, les appelant à Versailles et leur enjoignant d'apporter " tous actes, procédures et arrêts intervenus contre le sieur du Mesnil ; " mais le parlement répondit que ses registres ne devaient être déplacés en aucun cas, et cette réponse entraîna l'exil de tous ses membres, dont vingt furent internés à Fontainebleau, seize à Nemours et dix-huit à Melun.
Tel était cependant l'état de l'opinion publique en Dauphiné, pendant ces conflits, que le gouvernement effrayé finit par donner raison au Parlement. Mandé à Versailles, au mois de février 1764, par le ministre Choiseul, du Mesnil se vit retirer son commandement militaire et, malgré tous les ménagements qu'on y mit, fut si vivement affecté de cela, qu'il en mourut à Paris, le 1er mars suivant. On raconte même que le général de Bourcet ayant été chargé de lui faire connaître les intentions du ministre, il lui répondit aussitôt : " C'est moins la privation du commandement qui m'agite, que l'affront que j'essuie et la perte de mon honneur et de ma réputation " ; et qu'enfin M. de {178}Bourcet s'étant retiré, on s'aperçut que le visage de M. du Mesnil était tout couvert de taches de gangrène. Ce récit n'empêcha pas sa mort de donner lieu à beaucoup de suppositions, certains prétendant qu'il s'était suicidé, d'autres qu'il avait été tué par un officier à qui il avait fait retirer sa pension. Dans tous les cas, cette mort qui réjouit les Grenoblois, causa une douloureuse émotion à Valence, sa ville natale, dont il voulait faire, dit-on, la capitale militaire de la province et dont les habitants " commençaient à ressentir le fruit de ses bontés ", raconte Michel Forest. De son mariage avec Antoinette-Emilie-Pascale Petit de Marival, veuve de Jean-Jacques de Pourcheresse, conseiller au parlement de Besançon, il ne laissa qu'un fils, qui était colonel de cavalerie en 1777.
La lutte de Chastellier du Mesnil contre le parlement de Grenoble donna naturellement lieu à quantité d'écrits de toute sorte, dont quelques-uns seulement furent imprimés. Ainsi fournitelle le sujet d'une comédie en trois actes, intitulée Joachim de Turin, parce que l'un des prénoms de du Mesnil, était Joachim et que sa bisaïeule était une Scharavelli de Turin. On en vint même à prétendre que le commandant militaire du Dauphiné était issu d'un cardeur de matelas de Valence et à le chansonner dans de méchants couplets tels que celui-ci :
[Margot la ravaudeuse
A dit à Dumesnil :
Cousin, je suis bien gueuse,
Viens rebattre mon lit
Comme ton aïeul Blaise,
Qui jadis l'a battu
Pour un quart d'écu.]
Quant aux publications officielles relatives à cette affaire, ce sont : I. Remontrances du Parlement de Dauphiné au Roi, au sujet de l'Edit du mois d'avril dernier (17 avril 1763) et de la Déclaration du 24 du même mois. S.l.n.n., 1763, in-8º de 29 pp., dont la publication valut à l'imprimeur A. Giroud quinze jours de prison. - II. Arrêtés, Procèsverbaux et Arrêt du Parlement de Grenoble, concernant le décret de prise de corps décerné contre M. le marquis Dumesnil, lieutenant général des armées du Roi et lieutenant-général commandant en Dauphiné. S.l.n.n., mais Giroud, 1763, in-8º de 28 pp. - III. Relation de ce qui s'est passé au Parlement de Grenoble, les 6, 7, 8, 9 et 10 septembre 1763, au sujet de la publication... qui a été faite par M. Dumesnil... S.l.n.d., in-8º de 40 pp. - IV. Suite de la Relation de ce qui s'est passé à Grenoble... S.l.n.d., in-8º de 23 pp. - V. Seconde suite de la Relation de ce qui s'est passé... S.l.n.d., in-8º de 36 pp. - VI. Troisième suite de ce qui s'est passé... S.l.n.d., in-8º de 12 pp. - VII. Très humbles et très respectueuses remontrances du Parlement séant à Toulouse, au sujet des violences exercées par M. Dumesnil contre les magistrats du Parlement de Dauphiné et de leur exil (14 janvier 1764). S.l., in-8º.
#Biogr. Dauph., i., 225. - Et. civ. de Valence. - Etat militaire. - Millot, Mém. de Noailles, vi, 75. - Bull. Acad. delph., iii, 587 et suiv. - Mss. de Létourneau. - Brun-Durand, Annales de Michel Forest, 64 et 83. - Mém. de Bachaumont, au 4 janvier 1764. - Etc.




Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901

Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne

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