CUGIE ou CUGY (Aimé de Glane,)



CUGIE ou CUGY (Aimé de Glane, seigneur de), un des principaux chefs du parti huguenot en Dauphiné, pendant les guerres dites de religion, ne nous appartient pas par sa naissance, puisqu'il naquit en Suisse, dans le pays de Vaud, mais par sa vie, qui se passa presque entièrement dans notre contrée, où il fit souche et mourut. Fils aîné de Jean de Glane, lieutenant du comte de Gruyères, tué à la bataille de Cérisoles en combattant pour la France, il s'établit, en effet, à Eurre, non loin de Crest, après que son aïeule maternelle, Marguerite d'Eurre, veuve de Claude de la Salle, lui eût légué, par testament en date du 20 mai 1570, la seigneurie de ce lieu ; et, seigneur d'Eurre, il guerroya d'abord quelque peu au dehors, puis, les guerres de religion ayant éclaté dans notre province, il y fut un des premiers champions de la Réforme. Car, on le voit aller au secours de Grenoble assiégé par Maugiron, après avoir été pris par des Adrets, au mois de novembre 1562, et, quelques mois plus tard, ce dernier, qui se disposait à changer de parti et qui l'appréciait, tâcha mais inutilement de l'entraîner à sa suite. Sept ans plus tard, Cugie faisait avec Montbrun la désastreuse campagne de Saintonge et de Guyenne, dans laquelle furent à peu près anéantis huit régiments dauphinois, et se trouvant ensuite à Paris au moment de la Saint-Barthélemy (24 août 1572), il dut la vie au duc de Guise, qui le garantit du massacre en le cachant dans son hôtel, avec Saint-Romain et d'Acier. Enfin, il se distingua tellement et en tant de circonstances sous les ordres de Montbrun, que celui-ci ayant payé de sa tête sa rébellion et sa défaite, le 13 août 1575, la plupart des gentilshommes protestants du Valentinois et du Viennois, qui se refusaient à reconnaître Lesdiguières pour son successeur, comme chef de leur parti en Dauphiné, se groupèrent autour de Cugie, qui, devenu ainsi le chef de ceux que l'histoire appelle les Désunis, eut, pendant quelque temps au moins, une attitude assez équivoque. On peut s'en faire une idée par ce passage d'une lettre qu'il écrivait d'Eurre, le 25 janvier 1577, aux consuls de Die, ville dont il s'était emparé un peu plus tôt et dont il avait fait comme son boulevard : " Je vous prie {228}et vous exorte de vous contenir le plus doucement que fere se pourra à l'endroict des catoliques, et ce jusqu'à ce que les grands de nostre party se soient desclarez, qui, pour certaines considérations qu'il n'est expédient que chascun sçache, ne veullent encore se manifester. " Sensiblement plus âgé que Lesdiguières, il aspirait, en somme, au commandement suprême dans la province et intriguait pour cela. Seulement, il ne fut guère servi par les événements qui suivirent ; car, les négociateurs de la paix de Nérac (décembre 1578) ne le comprirent point parmi les " chefs de troupes de la religion en Dauphiné ", qui ne pouvaient être tenus de comparaître personnellement devant les tribunaux de cette province " ès causes civiles ", et s'il trouva moyen de se poser en principal représentant des huguenots dauphinois, pendant le séjour de Catherine de Médicis en Dauphiné (juillet 1579), ses négociations avec la mère d'Henri III n'eurent pas de résultats sérieux. Puis, on profita d'une de ses absences, pour tenir à Die même une assemblée dans laquelle Lesdiguières fut proclamé chef du parti, et ce dernier gagna si bien ensuite la confiance des Diois, qu'ils repoussèrent Cugie lorsqu'il voulut rentrer en possession de leur ville (17 avril 1580).
Naturellement irrité de cela, ce dernier tint à Bourdeaux, peu de temps après (juillet 1580), une assemblée de ses partisans ; mais là encore il éprouva des mécomptes, ceux qui ne voulaient pas reconnaître Lesdiguières pour chef s'étant prononcés pour le fils de Montbrun, encore enfant, dans l'espoir de commander sous son nom. Cependant, les principaux d'entre eux se joignirent à Cugie, le 29 août suivant, pour l'aider à reprendre Die, les armes à la main, ce qui fut un nouvel échec, et, de dépit, le seigneur d'Eurre inclina tellement alors du côté des catholiques, qu'il poussa les Diois à chasser de leurs murs le ministre Ennemond Lacombe, qui l'avait toujours combattu, et peutêtre même à demander un gouverneur catholique, ce qui eut lieu, en tout cas, au mois d'août 1581. Aussi Th. de Bèze, à qui il avait été dénoncé par Lacombe, l'accusa-t-il de trahison ; mais, défendu aussitôt par du Poët, Comps et Saint-Auban qui, parlant au nom de tous les gentilshommes du Bas-Dauphiné, déclarèrent que sa probité était " cognue de tant de gens de bien, qu'il n'auroit jamais faulte d'ung très bon tesmoiniage toutes les fois qu'il voudroit ", il ne se départit point de son attitude conciliante et même engagea bientôt avec Mayenne des négociations en vue de la paix, qui fut enfin signée au mois d'octobre suivant.
A partir de ce moment-là, Cugie qui, tout en ne refusant pas toujours son concours à Lesdiguières, parce que c'eût été se compromettre vis-à-vis de la masse du parti, ne s'était pas moins toujours posé en compétiteur vis-à-vis de lui, se montra-t-il plus accommodant ? On sait du moins qu'il fut pour beaucoup dans la prise de Montélimar par le futur connétable, au mois d'août 1585, et que ce dernier le fit tout d'abord gouverneur de cette ville, poste que Cugie ne conserva guère, il est vrai ; car on le voit bientôt après tenir la campagne à la tête d'une compagnie de gens de cheval, puis s'emparer du Pont-en-Royans, dont il fit pendant assez longtemps un boulevard, d'où il commandait à toute la contrée montagneuse comprise entre Die et Romans, et même sur la rive droite de l'Isère ; et ce sont, dit-on, ses soldats qui firent prisonnier le maréchal d'Ornano, dans les environs de Vienne, au mois d'avril 1590. Devenu enfin mestre de camp de l'armée de Lesdiguières, il était avec cela gouverneur de Livron, lorsqu'il mourut, l'an 1600 environ, laissant d'Antoinette des Massues, sœur du gendre de Montbrun et non la fille de ce dernier, comme on l'avance volontiers : 1º Daniel de Glane, seigneur d'Eurre, qui fut gouverneur de Livron en même temps que lui et après ; 2º André ; 3º Jean ; 4º David ; 5º Françoise, femme de Jean Gilbert, seigneur de Verdun.
{229}Quelques auteurs disent que Cugie fut tué dans la fameuse défaite des Suisses, près de Vizille, le 19 août 1587 ; mais il s'agit de son frère Jean, seigneur de Vezin, et non de lui-même.
#Mém. d'E. Piémond, éd. Brun-Durand, 548. - Pithon-Curt, iii, 620. - J. Roman, Docum., 447, 483. - Corresp. Lesdiguières, i, 21, 33, 79. - Mém. fr. Gäy, 54, 152, etc. - De Coston, Hist. de Montélimar, ii, 366. - Arch. Drôme, E, 1253. - Id. de Romans, CC, 160. - Etc.




Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901

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