DAUPHIN (Barthélemy-Victor)



DAUPHIN (Barthélemy-Victor)), petit-neveu du précédent, né à Saint-Vallier, en 1742, était professeur de droit en l'université de Valence, lorsqu'il acquit, en 1770, la charge de lieutenant criminel au présidial de cette ville, et cette charge il la remplit si bien que, neuf ans après (29 mai 1779), les communautés du ressort demandèrent pour lui des lettres de noblesse, en récompense des services par lui rendus, " en détruisant totalement les bandes de voleurs et assassins, qui, depuis plus de 40 ans dévastoient le territoire de Loriol et la partie méridionale de la province ". Il était donc populaire à Valence quand éclata la Révolution, et l'attitude qu'il eut alors ne fit tout d'abord qu'ajouter aux sympathies dont il était entouré. On peut en juger par ce fait, que la municipalité valentinoise ayant assemblé la population dans l'église Saint-Jean, à la nouvelle de la prise de la Bastille (18 juillet 1789), Dauphin y fit, aux applaudissements de la foule, un discours " sur l'union des Français qui ne formeront désormais qu'une seule famille " ; puis, rédigea, de concert avec trois autres commissaires, une adresse au roi, dans laquelle il est dit que les " citoyens de Valence " attribuant " aux ennemis de la patrie qui environnent le trône les coups d'autorité qui viennent de répandre l'alarme dans les provinces " ; voyant avec de " justes craintes les efforts de perfides aristocrates " et sachant que " les suppôts du despotisme et les fauteurs de troubles peuvent égarer les esprits, adhèrent solennellement aux arrêts de l'Assemblée nationale des 17 et 20 juin, à celui du 23, pris à l'issue de la séance royale contre laquelle ils protestent formellement, et à celui du 13 juillet... enfin prient le roi de rappeler MM. Necker et de Montmorin. " Deux mois après, la garde nationale de Valence ayant été organisée, il devint capitaine en premier de la troisième compagnie et c'est à ce titre qu'il fit, le 31 janvier 1790, un discours patriotique dans une assemblée fédérative des gardes nationales de Valence et du Bourg-les-Valence, dont il fut un des organisateurs. Treize jours plus tard (13 février), il était élu maire de Valence, en remplacement de Jean-Claude Desjacques, et sa popularité était à son comble ; seulement, elle fut de bien courte durée et finit même dans des conditions qui faillirent lui être fatales ; car, chargé, au lendemain de l'assemblée fédérative du 31 janvier, de dresser un procès-verbal de cette fête, qui fut ensuite imprimé, on l'accusa d'avoir fait entrer dans la formule du serment, qui fut alors prêté, une phrase qui n'avait pas été prononcée : " Nous jurons de concourir de toutes nos forces au maintien du pouvoir exécutif entre les mains du roi. " Et cet incident, habilement exploité, déchaîna à ce point les passions populaires contre lui, que, le 22 avril 1790, une foule armée de sabres et de pistolets envahit l'hôtel de ville, pendant que le conseil municipal {236}était en séance, proférant des imprécations contre le maire, qu'elle voulait pendre, disait-elle, parce qu'il avait trahi la ville et l'armée en altérant la formule du serment. Epouvantés, les conseillers s'enfuirent après avoir inutilement tâché d'apaiser les envahisseurs, qui se répandirent dans l'édifice municipal et, somme toute, le malheureux maire n'échappa à la mort qu'en passant, à l'aide d'une échelle, dans une maison voisine, où on le cacha dans un tonneau. Le lendemain, la foule s'assembla dans l'église Saint-Jean pour juger " le traître ", proférant encore des cris de mort, contre lui, et la lecture d'une lettre par laquelle B.-V. Dauphin donnait sa démission de maire, ne fit qu'augmenter sa fureur. Enfin, ce n'est que sur la promesse qu'un procès-verbal en triple exemplaire, dressé séance tenante et dans lequel étaient relatés les faits reprochés au maire, serait envoyé à l'Assemblée nationale, à M. le député Bérenger et à La Fayette, qu'elle se calma. Dix jours après, dans cette même église Saint-Jean, la même foule assassinait M. de Voisins, commandant de l'école d'artillerie et de la citadelle de Valence, parce qu'on lui avait persuadé qu'il voulait bombarder la ville.
Réfugié à Paris à la suite de ces tristes événements, B.-V. Dauphin ne donna plus signe de vie jusqu'au 26 août, date à laquelle il adressa de nouveau sa démission de maire à la municipalité et fit distribuer dans Valence un mémoire justificatif de sa conduite. Peut-être espérait-il rentrer ainsi dans les bonnes grâces de la population valentinoise. Mais il n'en fut rien. En quelques mois, il avait été tellement oublié que démission et mémoire ne provoquèrent ni approbation ni blâme, et il en fut de même lorsqu'il se présenta, le 13 mai 1791, devant la municipalité, pour prêter le serment civique. Bien plus, l'application de la loi contre les suspects ayant entraîné son arrestation, le 16 septembre 1793, parce qu'il avait un fils émigré, il fut en quelque sorte oublié en prison, jusqu'au jour où il s'avisa de se rappeler au souvenir de la Société populaire de Valence, en lui envoyant un hymne patriotique de sa façon, qu'il avait fait imprimer. C'était le 30 fructidor an II (16 septembre 1794), et, le 9 nivôse suivant (29 décembre 1794), on le relâcha et lui rendit ses papiers, qui avaient été saisis. De même que pour beaucoup d'autres, la prison avait été un refuge pour lui pendant la Terreur, et on ne l'inquiéta plus ensuite. Devenu juge suppléant au tribunal criminel de la Drôme, après le 18 brumaire, il obtint ensuite la vice-présidence du tribunal civil de Valence, charge qu'il occupait encore lorsqu'il mourut, le 15 septembre 1817.
BIBLIOGRAPHIE. - I. Confédération de la Ville de Valence du 31 janvier 1790. S.l., in-4º de 32 pp. On y trouve le discours prononcé par le capitaine B.-V. Dauphin.
II. Délibération de la Garde nationale de la ville de Valence du 20 août 1790. Valence, s.d., in-8º de 4 pp. Au sujet de la phrase ajoutée à la formule du serment prêté.
III. Procès-verbal des citoyens actifs et garde nationale du Bourg-lès-Valence en Dauphine. A Valence, s.d., in-8º de 3 pp. On y donne la teneur exacte du serment prêté.
#Et. civ. - Arch. de Valence, BB, 53. - A. Rochas, Mém. bourg. de Valence, i, 8, 24, 25, 30, 32, 59, 115, 329 ; ii, 169 et 203. - Arch. de la Drome, E, 9710. - Ed. Maignien, Bibliog. de la Révol. - Etc.




Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901

Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne

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