DESCORCHES (Marie-Louis-Henri)



DESCORCHES (Marie-Louis-Henri)), mquis de SAINTE-CROIX, administrateur dont le nom est si intimement lié à l'histoire de notre département, pendant quatorze des quinze premières années du xixe siècle, qu'il lui appartient, on peut le dire, naquit à Sainte-Croix, commune de Survie (Orne), le 17 septembre 1749, et mourut au même lieu, le 2 septembre 1830.
Ayant embrassé, tout d'abord, la carrière militaire, il fut sous-lieutenant au régiment de Bourbon-infanterie, à l'âge de 17 ans, et officier des Gardes françaises, à 18. Seulement, comme il était extrêmement myope, il dut ensuite abandonner le service militaire actif pour travailler dans les bureaux des affaires étrangères, où il se distingua si bien par son travail et son intelligence, qu'ayant obtenu le brevet de colonel d'infanterie, en 1780, il fut nommé, l'an d'après, ministre plénipotentiaire à Liège, poste qui avait en ce moment-là une certaine importance, à cause de la vacance du siège épiscopal et de l'intérêt qu'il y avait pour la France à empêcher l'élection d'un prélat qui lui fût hostile. Or, le marquis de Sainte-Croix s'acquitta fort bien de sa tâche, ce qui lui valut d'être décoré de l'ordre de saint Louis en 1784 ; et, chargé, en 1790, de représenter la France en Pologne, il n'abandonna ce poste, le 10 août 1792, que pour {246}aller à Venise en la même qualité, et c'est également dans ce temps-là que notre jeune diplomate reçut le brevet de maréchal de camp. L'an suivant, il était nommé envoyé extraordinaire près la Porte Ottomane et commissaire civil dans le Levant, en remplacement du marquis de Sémonville, et, bien que n'étant resté là que peu de temps, à cause du désarroi complet de notre politique à cette époque, il y rendit encore assez de services pour que le Directoire jetât tout naturellement les yeux sur lui, lorsqu'il voulut entamer des négociations avec le Sultan, dans le but de faire de la Turquie une alliée de la France ; notre diplomate avait été dans l'intervalle ministre en Saxe.
Le 24 messidor an VI, " le citoyen Descorches " fut donc nommé, derechef, ambassadeur à Constantinople ; malheureusement les circonstances ne lui permirent pas de faire ce qu'on attendait de lui et, chargé deux ans après, par Bonaparte, d'une mission de confiance en Egypte, les événements rendirent encore sa mission sans objet, au moment même où il se mettait en route pour ce pays. Ce que voyant, Descorches retourna auprès du premier consul, pour lui manifester son intention d'abandonner la carrière diplomatique ; mais celui-ci, qui se connaissait en hommes, ne voulut pas se priver de ses services et, peu de temps après, le 2 décembre 1800, Marie-Louis-Henri Descorches de Sainte-Croix fut nommé préfet de la Drôme, avec des pouvoirs extraordinaires.
La tàche était d'autant plus difficile que ce département se ressentait fortement alors de son voisinage avec des départements absolument troublés. Dans sa partie méridionale, des bandes armées interceptaient les communications, volaient et souvent même assassinaient, sous prétexte de politique, et dans les lieux où la sécurité publique n'était pas ouvertement compromise, tous les rouages administratifs ne fonctionnaient que d'une manière défectueuse. Or, le préfet Descorches ne se contenta pas de rétablir la tranquillité, partout où elle était compromise, et d'assurer le bon fonctionnement des institutions du pays, il s'attacha encore à faire la paix dans les esprits par une administration tout à la fois bienveillante et ferme, et toujours équitable. En un mot, il fut, on peut le dire, le véritable organisateur de notre département et sut si bien s'attacher les populations qu'il avait charge d'administrer, que la Restauration succédant à l'Empire ne crut pas pouvoir mieux faire que de maintenir cet administrateur éclairé à la tête du département de la Drôme, et ce n'est, en somme, qu'aux Cent-Jours, que Descorches de Sainte-Croix, officier de la Légion d'honneur et baron de l'Empire, fut enlevé à ce département. Les impérialistes ardents devaient lui garder rancune de son adhésion à la Monarchie, et, n'osant le briser tout à fait, ils le firent nommer préfet de l'Aude ; mais Descorches n'accepta pas cette disgrâce déguisée. Abandonnant alors les affaires publiques, il se retira dans le lieu qui l'avait vu naître et y mourut à 81 ans, au lendemain de la révolution de Juillet.
Comme témoignage des sentiments qui animaient le préfet Descorches, rappelons un arrêté du 1er messidor an X, par lequel il invitait tous les conseils municipaux à faire choix, dans chaque commune, " du citoyen, de la femme ou de la fille que ses mœurs, sa conduite publique et privée ou quelque acte privé ou quelque acte marquant de vertu, rendent le plus recommandable à l'estime et à l'affection publiques ", attendu, dit-il, " que la source des bienfaits de la liberté est dans la pratique des vertus sociales et privées et qu'autant la liberté civile et politique doit paraître chère et précieuse à conserver, à tout homme qui n'est pas totalement aveuglé sur ses intérêts, autant ces vertus doivent se recommander à l'estime et à l'affection générales. "
Le général d'Andigné rapporte, du reste, dans ses Mémoires (ii, 129), un trait qui dénote, chez ce préfet de la Drôme, une rare noblesse de sentiments : C'était en 1804, l'arrestation du comte de Suzannet, ancien chef de Chouans, alors établi à Valence, ayant été décidée en haut lieu, sans raisons sérieuses, Descorches de Sainte-Croix l'en fit prévenir sous main, pour lui donner le temps de fuir, disant qu'il faut savoir perdre sa place pour un honnête homme, et Bonaparte, instruit de ce fait, se contenta de lui reprocher d'avoir traité cette affaire diplomatiquement.
BIO-BIBLIOGRAPHIE. - Notice biographique sur M. le Marquis de Sainte-Croix (Marie-Louis-Henri Descorches). Paris, 1846, {247}in-8º de 12 pp. Cette notice, qui est signée, à la fin : " H. de Lestrées ", renferme beaucoup d'erreurs.
#Etat mil. - Alm. royal - Actes Com. salut publ., i, 326, 402 ; iii, 18, 353 ; iv, 499. - Moniteur offi. - Arch. Drôme, non class.




Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901

Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne

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