DUCLAUX DE BÉSIGNAN (Pierre-Charles-Marie-Joseph)



DUCLAUX DE BÉSIGNAN (Pierre-Charles-Marie-Joseph)), dit le marquis de Bésignan, contre-révolutionnaire, né à Mirabel-les-Baronnies, le 2 avril 1759, appartenait à une vieille famille de Nyons, transplantée à Mirabel avec Justin Duclaux, maire perpétuel de ce lieu, qui acquit en 1703 une partie de la seigneurie de Bésignan, près le Buis, en épousant Marie de Taxis, fille et héritière d'Adam, coseigneur dudit Bésignan. Petit-fils de ce Justin Duclaux, celui qui nous occupe était fils de Joseph-Justin-Constantin Duclaux et de Marguerite de Blosset, et la terre et le château de Bésignan lui furent cédés par son père, à l'occasion de son mariage avec Marie-Jeanne-Martine Duclaux de la Mésangère, sa parente, le 2 février 1780. Or, {267}fait assez singulier, après avoir eu tout d'abord de grosses difficultés avec ses vassaux, qui lui reprochaient d'exagérer ses droits de seigneur, il fut des premiers en France à renoncer à ces droits ; car, seize jours avant la fameuse nuit du 4 août 1789, il déclarait aux habitants de Bésignan, assemblés dans l'église paroissiale, qu'il les déliait " de tout ce qui a l'ombrage de servitude, de tous ces services personnels qui sont faits pour avilir l'âme, " ne voulant, disait-il, " prétendre qu'au seul hommage de leurs cœurs. " Il croyait probablement désarmer ainsi les rancunes dont il était l'objet ; mais il n'y arriva pas, et c'est vraisemblablement, joint à l'irritation que lui causait la marche des événements politiques, ce qui lui fit prendre, quelque temps après, une attitude tout à fait menaçante, non seulement vis-à-vis de ses anciens vassaux, mais encore de tous les habitants de la contrée environnante. Affectant alors de se poser en ennemi déclaré de la Révolution, il entretint ouvertement des relations tant avec les royalistes soulevés du Midi, qu'avec ceux qui conspiraient à l'étranger. Qui plus est, il fit alors des armements inquiétants pour les paysans, ses voisins, et d'une manière si peu dissimulée, que la Société des Amis de la Constitution du Buis, s'étant plainte de cela au commandant d'un bataillon qui tenait garnison dans cette ville, en le priant d'intervenir, Mme de Bésignan, dont le caractère ne le cédait en rien, paraît-il, à celui de son mari, écrivait, le 5 mai 1792, à ce commandant : " Je viens d'apprendre que, d'après la motion qui en a été faite au Club de votre ville, une partie de votre bataillon doit venir désarmer le château que nous habitons ;... j'ai voulu vous prévenir que mon mari est déterminé à résister à toute entreprise illégale, et quoiqu'il y eût peu de générosité à nous attaquer avant que je sois remise de la chute malheureuse que je fis mardi passé, je vous réponds que je m'aiderai de toutes mes forces à défendre mon mari et mes trois enfants. "
Deux jours après, le château de Bésignan était investi par 400 volontaires qui, l'entrée leur ayant été refusée, se retirèrent assez promptement après avoir tiré quelques coups de fusil ; et, cinquante jours plus tard (27 juin), les maires de Bésignan, le Poët-Sigillat, Rochebrune et Sainte-Jalle, s'étant présentés au " sieur Duclaux " pour se rendre compte de ses armements, constataient, avec l'agrément de ce dernier, qu'il n'avait pas moins de 22 fusils ou carabines et 10 pistolets, qui étaient, leur dit-il, " pour la défense et la sûreté de sa personne, d'après les menaces qui leur avaient été faites, ainsi qu'aux personnes de sa maison et qu'on lui faisait même journellement, de le brûler dans sa dite maison et de détruire entièrement sa récolte en grains " ; ce qui éclaire d'un nouveau jour les événements qui suivirent et qui sont les seuls connus de Rochas.
Cette visite domiciliaire arrêta si peu Duclaux de Bésignan dans ses préparatifs de défense, que quelques jours après, les Bésignanais adressaient au directoire du département une supplique dans laquelle il est dit que leur ancien seigneur ne cesse " d'entretenir dans sa maison de campagne des gens suspects et malintentionnés, outre qu'il ne respecte aucune propriété,... et qu'il semble que son ci-devant château doit devenir une forteresse, par les fortifications qu'il y fait continuellement, même les jours de dimanche et fêtes, et par les personnes qu'il renferme, et en voyant arriver de toutes parts des espions qui portent et remportent les nouvelles aux aristocrates. " Et le juge de paix du canton s'étant alors rendu à son tour sur les lieux, Bésignan ne craignit pas de lui dire " qu'il aurait en moins de vingt-quatre heures de temps plus de 4,000 hommes à son service,...et que quand on apporterait des pièces de 4, elles ne feraient pas plus que son c... et qu'il {268}se f... de tous ses ennemis, qu'il avait assez de pain, et quand il aurait fini, il mangerait de la bouroulette. " Après quoi il lui montra un drapeau rouge portant en lettres noires : Déclaration de guerre, puis lui lut une lettre venue de l'étranger, dans laquelle " on lui disait de tenir ferme, qu'on lui donnerait bientôt du secours, et que si le roi était inquiété ou qu'on lui fît du tort, on passerait tous les Parisiens au fil de l'épée " ; ces rodomontades émurent naturellement beaucoup l'opinion dans la contrée et furent cause que, le 22 août, deux administrateurs du district de Nyons arrivèrent à Bésignan avec un certain nombre de gendarmes et de gardes nationaux. Seulement, à leur approche, l'audacieux marquis ferma ses portes et après avoir arboré son drapeau, leur cria d'une fenêtre " qu'il était résolu à s'ensevelir sous les ruines de son château, qu'il avait été menacé par ses ci-devant vassaux, et que s'il périssait, il périrait beaucoup de monde ".
Voyant cela, les deux administrateurs se retirèrent à Sainte-Jalle, cheflieu du canton, d'où ils réquisitionnèrent toutes les gardes nationales des environs et demandèrent, en outre, des forces au général d'Albignac, commandant de la réserve de l'armée du Midi ; enfin, celui-ci étant arrivé avec plusieurs bataillons de volontaires et quatre ou cinq pièces d'artillerie, on retourna aussitôt à Bésignan, dont le château fut canonné pendant 36 heures, au bout desquelles une large brèche étant faite et le feu s'étant déclaré en certains endroits, notre marquis l'abandonna avec tous les siens, à la faveur des ténèbres, dans la nuit du 27 au 28 août 1792. Sa garnison se composait de huit hommes résolus !
Ayant gagné la frontière pendant que les vainqueurs pillaient et démolissaient son château, Duclaux de Bésignan se rendit à l'armée de Condé, d'où il revint à Lyon pour prendre part à d'obscures intrigues ; puis ayant offert aux princes de soulever le Forez, et ne recevant pas de réponse, il se rendit à Manheim où le prince de Condé, qui ne le prenait pas au sérieux, se borna à le placer sous les ordres de M. de Chevanne, un des chefs du parti royaliste à Lyon ; mais, comme notre marquis n'était pas homme à se contenter d'un rôle subalterne, il projeta de s'emparer de la citadelle de Besançon, à la faveur d'un mouvement insurrectionnel préparé à Bourges. Seulement, sa correspondance ayant été saisie sur un postillon, Bésignan dut aussitôt renoncer à son projet. Recherché par la police, il se cacha pendant quelque temps à Lyon, puis gagna l'étranger où il mourut absolument oublié.
Marié, le 2 février 1780, avec Marie-Jeanne-Martine Duclaux de la Mésangère, il en eut deux fils, qui, lorsqu'ils réclamèrent leur part de l'indemnité des émigrés, se virent répondre que, toutes dettes payées, il ne restait rien de l'héritage de leur père.
L'un de ces fils, Louis-Denis-Ulysse Duclaux de Bésignan, qui était receveur municipal des contributions indirectes à Sisteron, en 1825, est l'auteur de : Considérations sur l'agriculture et projets d'amélioration soumis au jugement de tous les hommes éclairés, afin de les mettre à même de contribuer à leur exécution (Paris, Pihan de la Forest, 1828, in-8º de 31 pp. et deux tableaux) ; et de : Considérations politiques, morales et industrielles, applicables à l'extinction du Paupérisme, par une œuvre de Charité, à l'Election industrielle et politique du Libre-Echange, à un nouveau système de Finances, enfin à l'Organisation des Banques territoriales et communales. (Marseille, E. Mengelle, 1846, in-12 de 58 pp.)
#Biogr. Dauph., i, 335. - Delacroix. Stat., 431. - Lacroix, L'Arrond. de Nyons, i, 128. - Arch. Drôme, E. 686. - Ed. Maignien, Dict. des anon. 341. - Notes de M. Perrossier.




Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901

Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne

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