DUCROS (Anne)



DUCROS (Anne)), dame de Chabrières de Baix, illuminée qui prit une large part à la manifestation des {269}Petits prophètes, naquit à Die vers 1623. Fille de Pierre Ducros (V. ce nom), conseiller protestant en la Chambre de l'Edit de Grenoble, et de Madeleine Philibert de Venterol, elle venait d'épouser l'avocat Isaac de Chabrières, sieur de Baix, fils d'un ancien marchand de Valence, devenu trésorier général des finances, quand son père fut assassiné dans cette ville, le 14 août 1644. Cinq mois après (11 janv. 1645), le sieur de Baix, son mari, était pourvu de la charge de conseiller devenue vacante par cette mort et, protestant comme son beau-père, siégea naturellement au même titre que lui, dans la Chambre de l'Edit de Grenoble, ce qui ne veut pas dire qu'il y ait joué un rôle important, ni qu'il se soit jamais passionné, comme tant d'autres, pour les querelles religieuses ; car, l'intendant du Dauphiné, François Bochart, disait de lui, en 1663 : " Bais-Chabrières, de la R.P.R., peu d'esprit et de capacité ; d'assès bon sens, s'attachant assès à sa charge, de nulle suitte et bien intentionné pour ce qui vient de la cour. " Mais il en fut tout autrement de sa femme, " Mme la conseillère de Baix ", comme on l'appelait, qui paraît avoir toujours eu des sentiments religieux forts accentués. Devenue veuve, le 30 septembre 1686, c'est-à-dire au lendemain de la révocation de l'édit de Nantes, les mesures de rigueur édictées contre les protestants l'affectèrent à ce point, que la bergère de Crest, Isabeau Vincent (V. ce nom), amenée à Grenoble au mois de juillet 1688, y ayant continué à prophétiser, la pauvre femme, " à qui l'âge avait affaibli l'esprit, bonne jusqu'à la simplicité, zélée pour le calvinisme, sans connaissance, crédule jusqu'à la folie ", se mit à prophétiser, à son tour, le triomphe prochain d'Israël et la destruction de ses ennemis. Bien plus, sa fille ayant suivi son exemple, elle s'éloigna de Grenoble, où elle ne se sentait pas en sûreté, pour aller dans la vallée de la Drôme, où la contagion de l'exemple fit naître des inspirés sous ses pas. A Livron, où les Chabrières avaient un moulin et d'autres biens, elle communiqua le don de prophétie à ses fermiers et à ses serviteurs ; enfin, arrivée à sa maison de campagne de Baix en Vivarais, elle n'eut pas de plus grande hâte que d'y donner asile à Gabriel Astier (V. ce nom), un Dauphinois encore, qui devait soulever les populations environnantes par ses prédications et ses prédictions ; et il en fut ainsi jusqu'à ce que l'intendant du Dauphiné, Jean Bouchu, qui " l'avait suivie à la trace des fanatiques qui étaient nés sous ses pas ", la fit arrêter et conduire à Tournon, où on l'enferma. Il paraît même que, dans un mouvement de colère, on commença à démolir la maison dont Mme de Baix et Gabriel Astier avaient fait un lieu de réunions clandestines ; mais que l'on s'arrêta ensuite, grâce à l'intervention d'un M. de la Roche, qui ne saurait être que René de la Roche de Grâne, dont la sœur Isabeau épousa, en 1676, Charles de Chabrières, lieutenant des maréchaux de France, beau-frère de Mme de Baix. Il n'est plus question ensuite de cette dernière, qui, ce moment d'exaltation passé, vécut probablement fort tranquille jusqu'à sa mort, comme tant d'autres.
#Brun-Durand, Ess. sur la Chambre de l'Edit, 101. - Depping, Corresp. admin., i, 86. - Brueys, Hist. du fanat., i, 122, 130, 133. - Arch. de Livron, GG.




Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901

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