DUCROS (Charles)
DUCROS (Charles)), un des personnages les plus importants du parti huguenot en Dauphiné, au commencement du xviie siècle, était fils de Marcellin Ducros, marchand, membre du conseil de la ville de Die, et frère de René Ducros, avocat consistorial au parlement de Grenoble en 1610. Avocat lui aussi, mais à Die, il était premier consul de cette ville en 1601, date à laquelle les Diois, ses compatriotes, le chargèrent d'une mission auprès de Lesdiguières qu'il s'agissait d'intéresser à la fondation d'un collège protestant à Die ; et telle est l'impression qu'il fit alors sur le futur connétable, que celui-ci le protégea ouvertement depuis. Partant, ses coreligionnaires dauphinois se firent aussitôt un devoir de le mettre en avant, en toute circonstance, ne fût-ce que pour se concilier les bonnes grâces du futur connétable, et c'est ainsi que Ducros, représentant de l'église protestante de Die au sein du synode provincial de 1602, fut chargé par cette assemblée de représenter la province dans le prochain synode national. Gouvernet, avec qui il était en procès à ce moment-là, s'opposa bien à ce choix, mais on passa outre sur l'intervention directe de Lesdiguières et, qui plus est, l'avocat diois fut ensuite chargé de représenter la province dans l'assemblée politique de Châtellerault (juillet 1605), " comme doué de rares dons. " Or, étant l'un des six candidats que cette assemblée présenta au roi pour la charge de député général des églises réformées de France auprès de la couronne, il fut non seulement choisi avec La Noue, mais encore Henri IV lui fit le meilleur accueil lorsqu'il lui apporta le cahier des doléances de ses coreligionnaires ; le roi le gratifia même de 200 écus sur sa cassette et le continua, de sa seule autorité, dans la charge de député général, l'an d'après ; il fut ensuite gratuitement pourvu d'une charge de substitut du procureur général près le parlement de Grenoble, qu'il revendit aussitôt ; anobli, le 14 avril 1608, et, enfin, nommé, le 18 mars 1609, président de la Chambre de l'Edit de Grenoble, c'est-à-dire du tribunal chargé de prononcer en dernier ressort sur les causes intéressant les protestants dauphinois et provençaux.
Une aussi rapide fortune était la récompense des services rendus par Ducros à la politique royale, en faisant habilement prévaloir les idées de modération au sein des différentes assemblées protestantes ; seulement, on accusa bientôt notre Diois d'être vendu à la Cour, et sa nomination à la présidence de la Chambre de l'Edit excita d'autant plus les colères des ministres, qu'on ne les consulta pas pour cela, ainsi que le voulaient les règlements. Aussi protestèrent-ils vivement. Bien plus, le nouveau président ayant été {271}chargé par Lesdiguières de se rendre auprès du synode provincial (17 juin 1609) pour lui faire prêter serment de fidélité au fils d'Henri IV, il fut brutalement éconduit par deux fois, et ce n'est qu'à la troisième et sous promesse que, " eslevé de Dieu en la dignité de président, il rechercheroit l'advancement de sa gloire et manutention de son église ", que cette assemblée consentit à prêter entre ses mains le serment voulu.
Un an plus tard, Ducros se présentait encore devant le synode provincial (avril 1611), alors assemblé à Veynes, mais en adversaire déclaré, cette fois-ci ; car les ministres qui partageaient avec les gentilshommes la direction du parti huguenot pendant la guerre, cherchant à reléguer ceux-ci au second plan depuis le rétablissement de la paix, il y avait, par cela même, lutte entre eux, et c'est à la tête d'un groupe de gentilshommes, parmi lesquels était le fils de Montbrun, que notre Diois se présenta, en avril 1611, devant le Synode, qui lui contesta aussitôt le droit de parler au nom de la magistrature protestante ; ce que voyant, il revendiqua hautement alors, pour la noblesse, " la direction des affaires politiques et de la magistrature. "
A partir de ce moment-là, Ducros ne fut guère employé par Lesdiguières et par le roi que dans d'autres provinces que le Dauphiné : d'abord à Sommières (1612), où il s'agissait de surveiller et de contenir une assemblée provinciale des réformés, de plus en plus aigris ; puis, à la cour et ensuite à Orthez (1618), où les protestants du Béarn s'étaient assemblés malgré les plus expresses défenses, pour protester contre la restitution des biens ecclésiastiques confisqués pendant les guerres civiles, et où, après avoir, mais inutilement, tâché de faire comprendre que ce n'était là, en somme, qu'un acte de stricte justice, il signifia aux agitateurs qu'ils ne devaient point, en tout cas, compter sur le concours de Lesdiguières, celui-ci étant au contraire bien décidé à garder le sérvice du roi, tant que les édits de paix seraient maintenus. Cette conduite n'était certes point faite pour lui ramener les sympathies de ses coreligionnaires, au moins celles des violents du parti, et même les remontrances qu'il fit publiquement quelque temps après à son protecteur, pour le dissuader d'accepter l'office de connétable de France, qui lui était offert en retour de son abjuration, désarmèrent si peu certaines rancunes, que Rohan ayant levé l'étendard de la révolte, en Languedoc, et Lesdiguières ayant alors chargé Ducros de se rendre auprès de lui, à Montpellier, pour lui faire des propositions de paix, quelques fanatiques à la tête desquels était le ministre Suffrain, redoutant l'influence de sa parole sur Rohan, se répandirent en calomnies contre notre Diois et surent, en un mot, si bien exciter les passions que, le soir du 22 février 1622, au sortir d'une première conférence, qui permettait d'espérer un heureux résultats des négociations engagées, une troupe de misérables envahit la chambre de Ducros et, se précipitant sur lui, le perça de coups, en lui criant : " Eh bien, Monsieur le traistre, estes-vous donc venu pour débauscher Monsieur le Duc, de la part de ce beau Lesdiguières, à qui il ne tient pas que nous ne soyons tous perdus ? " Ce crime, dont Montpellier fut épouvanté, plongea Rohan dans la douleur, au dire de l'historien de Lesdiguières, qui ajoute : " Le président fut universellement regretté, comme un des plus dignes hommes de sa robe. "
De son mariage avec Jeanne Bertrand, de Die, qui mourut le 22 octobre 1651, âgée de 72 ans, Charles Ducros ne laissa qu'un fils, de qui nous allons parler.
BIBLIOGRAPHIE. - Avis à M. de Lesdiguières pour le détourner à se faire catholic. (Actes et Corresp. de Lesd., iii, 409-415.)
#Biogr. Dauph., i, 336. - Brun-Durand, Essai hist. Chambre de l'Edit de Gren., 73. - Idem, Les Amis de Jean Dragon, xxvii. - Reg. des Syn. du Dauph. aux arch. de la Drôme. - Videl. Hist de Lesdiguières, ii, 190. - Etc.
Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901
Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne
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