DU PUY-MONTBRUN (Charles)



DU PUY-MONTBRUN (Charles)), fils aîné du précédent, naquit probablement au château de Montbrun, vers 1535, et fit ses premières armes en Italie, dans la compagnie de son père, dont il fut nommé guidon par le maréchal de Brissac, en 1551 ; le capitaine de cette compagnie était alors Bernardin du Mottet, avec qui il guerroya pendant six ou sept ans, soit en Italie, soit en Flandre. De retour en Dauphiné vers 1558, la nouvelle qu'une de ses sœurs, que l'on croit être Jeanne du Puy, femme de Gaspard de Theys, seigneur de Clelles, s'était retirée à Genève pour y pratiquer la Réforme, le transporta d'une telle colère, qu'il la rejoignit aussitôt avec l'intention de la ramener à la foi de ses pères ou de la tuer ; mais cette sœur étant alors entrée " en discours avec luy, le tourna avec tant d'artifice et de souplesse, qu'elle le gagna. " D'autres disent que ce sont les prédications de Théodore de Bèze qui le séduisirent. En tout cas, revenu à Montbrun, il n'eut rien de plus pressé que d'y interdire l'exercice du culte catholique et d'y établir un prêche, avec l'aide d'un pasteur Pierdouin ; après quoi il contraignit " ses subjects, à coups de baston, d'aller ouïr " ce dernier, dit Chorier, ce qui était aussi conforme à son caractère qu'à l'esprit du temps. Puis, comme il n'est pas douteux que des rêves d'indépendance féodale le hantaient singulièrement plus que le souci des querelles théologiques, il fortifia son château, arma ses paysans, appela des soldats étrangers et les gentilshommes ses voisins et ses proches, enfin, se mit en état de révolte ouverte. Instruit de cela, le parlement de Grenoble chargea le prévôt des maréchaux, Marin Bouvier, d'arrêter le révolté ; mais {284}c'est au contraire ce dernier qui fit prisonnier le prévôt ; et la Motte-Gondrin, lieutenant général en Dauphiné, l'ayant alors mis en demeure de relâcher son prisonnier, il n'en tint pas de compte. Bien plus, il alla guerroyer dans le Comtat, où l'on ne pouvait lui opposer des forces sérieuses et où il s'empara, le 6 août 1560, de Malaucène qui fut pillé. Appelé par le légat du Saint-Siège, la Motte-Gondrin marcha contre le rebelle, dont le parlement de Grenoble ordonna de saisir les biens, et la situation de Montbrun se trouvait être ainsi des plus difficles, quand, grâce à l'intervention du cardinal de Tournon, oncle de sa femme, on convint de tout oublier, s'il rentrait dans le devoir, les partisans des doctrines de Calvin ayant un an pour se défaire de leurs biens et sortir du royaume.
Malheureusement ce ne fut là qu'une paix de quelques jours, car à la suite de certaines violences exercées contre les soldats qu'il venait de licencier, Montbrun releva le drapeau de la révolte. Dès le mois suivant il s'emparait d'Orpierre, où l'on massacra les prêtres, et il marcha ensuite à la rencontre de la Motte-Gondrin, dont il tailla en pièces l'avant-garde ; mais celui-ci le mit après en échec, ce qui l'obligea à se retirer à Mérindol en Provence, où un certain d'Autrine ou d'Antoine, qui l'accompagnait, le dépouilla de tout ce qu'il emportait avec lui, et d'où sa femme et lui gagnèrent péniblement la Savoie, après différentes aventures, pendant que l'on s'emparaît de son château, qui fut rasé à la fin du mois d'octobre.
De la Savoie, Montbrun gagna naturellement Genève, puis Berne, qu'il habitait depuis assez longtemps déjà, quand le bruit des succès de des Adrets le ramena en France. Ayant rejoint à Valence le farouche baron, il l'accompagna à Lyon, d'où on l'envoya avec 500 arquebusiers, à Chalon-sur-Saône, qui souffrit " de furieux et épouvantables désordres " de la part de ses soldats et dont il dépouilla les églises (23 mai 1562) ; après quoi il abandonna cette ville, de nuit, ce dont le blâment de Thou et Th. de Bèze. Revenu en Dauphiné avec des Adrets, il prit part au siège de Pierrelatte, dont la garnison fut, on le sait, précipitée du haut des murailles, le 7 juin, et, dix-sept jours après, il enjoignait à tous hommes capables de porter les armes, de prendre du service, " sur peine d'estre pendus et estranglés et leurs biens confisqués sans aucun spoir de grâce " ; après quoi il s'empara de Mornas (8 juillet), dont, sous prétexte de représailles, on massacra toute la garnison, puis, jeta les cadavres au Rhône. De là, Montbrun marcha sur Bollène dont la population s'enfuit à son approche, et, le 19 juillet, il battit, devant cette place, le comte de Suze, qui le battit à son tour, devant Valréas, quatre jours après, et si complètement, que l'armée huguenote perdit alors 1,500 hommes et 5 drapeaux. Le 28 il était avec des Adrets devant Carpentras, dont il fallut lever le siège au bout de quatre ou cinq jours, et il se mit ensuite en route pour secourir Sisteron assiégé par Sommerive ; mais arrivé à Lagrand (2 septembre) il y fut derechef mis en déroute par le comte de Suze, qui lui enleva ses bagages et son artillerie et lui tua 900 hommes, suivant quelques historiens, 150 seulement, suivant Jean de Serres.
Quatre mois après ce dernier échec, Montbrun était aux environs de Romans, pour y surveiller des Adrets devenu suspect à son parti, et l'ayant enfin arrêté dans cette ville, le 10 janvier 1563, sur l'ordre du comte de Crussol, alors gouverneur du Dauphiné pour les huguenots, il prit ensuite part à l'assemblée que la noblesse protestante dauphinoise tint à Valence, du 27 janvier au 6 février suivants, et dans laquelle on établit, pour le fait de la guerre, un conseil de direction dont il fut appelé à faire partie. Cette assemblée décida encore que le commandement militaire de la province serait désormais partagé entre Pape de Saint{285}Auban, Mirabel, Furmeyer et lui Montbrun ; mais il est peu vraisemblable qu'on l'ait alors spécialement chargé du commandement du Viennois-Valentinois, comme on l'a dit, attendu que, le 22 du même mois de février, il s'intitulait " lieutenant de M. le comte de Crussol et Tonnerre, lieutenant général pour le roi-dauphin au pays de Dauphiné, Provence et conte de Venisse ", en tête d'une ordonnance datée de Bollène et concernant cette ville.
Dans le même temps, cet intrépide capitaine tenta, mais en vain, de s'emparer d'Orange par surprise, ce qui, joint à la promulgation de la paix d'Amboise (19 mars 1563), le rejeta pour longtemps dans l'inaction ; car ce n'est qu'après un repos forcé de cinq ans, que Montbrun alla prendre à Genève le commandement d'un corps de troupes que l'on voulait opposer au duc d'Albe, allant par la Savoie dans les Pays-Bas pour y réduire les religionnaires, et qui ne put que le suivre jusqu'en Lorraine, où l'on tenta mais inutilement de surprendre la ville de Metz. C'était au mois d'août 1567. Deux mois plus tard, notre vaillant Dauphinois allait avec d'autres troupes au secours des protestants du Languedoc ; puis, la guerre s'étant tout à fait rallumée, après une courte paix, il fit, à la tête de dix enseignes ou compagnies d'infanterie et une de cavalerie, cette malheureuse campagne de Saintonge, qui vit l'armée huguenote de Condé et de Coligny écrasée à Jarnac et à Montcontour, et dans laquelle périrent tant de Dauphinois. Parti de sa province vers la fin de 1568, Montbrun n'y rentra que le 28 mars 1570, ayant fait à travers l'Auvergne et le Vivarais " une retraite dont l'histoire eût tenu compte aux jours moins remplis d'événements ", dit le docteur Long ; et bien que ne ramenant avec lui que des débris, il fit encore des prodiges au passage du Rhône défendu par de Gordes. Il se trouva ensuite au siège de Montélimar par Coligny et Ludovic de Nassau (mai 1570), et vivait depuis lors retiré dans ses terres, quand la St-Barthélemy, excitant ses justes ressentiments, lui remit les armes en main. Ayant auparavant noué de nombreuses intelligences, tant en Languedoc qu'en Dauphiné et dans le Comtat, il sortit de sa retraite, le 6 avril 1573, menant avec lui 200 hommes de pied et 18 cavaliers, appelant aux armes ses anciens compagnons de guerre, qui se joignirent aussitôt à lui et, dans l'espace de quelques mois, s'empara d'une foule de places : Orpierre, Serres, Vif, Mens, Pontaix, Saillans, Sahune, Condorcet, Nyons, Vinsobres, Ménerbes, Livron, Loriol, Allex, Grâne, Roynac, Dieulefit, Soyans et Chabeuil. Le 26 mai 1574, il taillait en pièces, non loin du Ponten-Royans, une partie de l'armée du gouverneur de la province, puis il tenta, mais inutilement, de surprendre Die, et c'est dans ce temps-là qu'il répondit à Henri III que " les armes et le jeu rendent les hommes égaux et qu'en temps de guerre, lorsqu'on a le bras armé et le cul sur la selle, tout le monde est compagnon. " Seulement, tandis que certains historiens font de ce propos le corollaire du pillage des bagages du roi près du Pont-de-Beauvoisin, au commencement de septembre 1574, il y a beaucoup plus de raison de croire qu'il figure dans la réponse que Montbrun fit à une lettre d'Henri III, le mettant en demeure de rendre les places dont il s'était emparé ; car, il ne faut pas oublier qu'au commencement de septembre 1574, Montbrun était dans les Baronnies et non dans le voisinage du Pont-de-Beauvoisin. En tout cas, naturellement fort irrité d'une semblable réponse, le roi ordonna au maréchal de Bellegarde de reprendre le siège de Livron, vainement entrepris cinq mois plus tôt, cette place que commandait le gendre de Montbrun, étant le principal boulevard de ce dernier, et pour cela ne lui donna pas moins de 7,000 hommes et 22 canons. Mais, encouragée par Montbrun, qui ne cessait de harceler les assiégeants, la petite garnison de Livron tint si bien, que l'armée royale dut se retirer, {286}le 19 janvier 1575, après un mois de siège, et que le roi Henri III, qui s'y était arrêté, venant d'Avignon, put entendre les assiégés le railler et même l'insulter du haut de leurs remparts.
Le siège de Livron levé, Montbrun se dirigea du côté de Die, qui était toujours son objectif, et comme cette place était solidement défendue par Glandage, pénétrant plus avant dans les montagnes, il s'empara d'abord du château du Saix, dans le Gapençais ; puis du bourg de la Motte-Chalancon (18 mai 1575), dont les habitants furent " presque tous tués et multris " et le gouverneur " escorché et mutilé en ses membres un à un " ; puis de Saint-André-de-Rosans. Il mit enfin le siège devant Châtillon, dont il se serait également emparé sans de Gordes, qui accourut au secours de cette place avec 22 compagnies suisses et quelques autres troupes, ce dont le chef huguenot se vengea en mettant complètement en déroute ces mêmes compagnies suisses, le lendemain (14 juin), au pont d'Oreille ; et de Gordes ayant alors demandé à Romans de nouvelles troupes, il se porta aussitôt à la rencontre de cellesci pour leur barrer le passage ; seulement les ayant rencontrées au pont de Blacons, il se vit bientôt accablé par le nombre, jusqu'à ce qu'ayant reçu " une harquebousade au genoil, qui le lui perse à jour, et une aultre au coude ", il fut fait prisonnier par le sieur de Rochefort, qui était son parent.
Transporté à Crest, où il fut pansé, et de là à Valence, Montbrun n'arriva que le 29 juillet à Grenoble, où, nonobstant toutes les démarches faites en sa faveur, tant par sa femme qui offrait de livrer une des deux places de Livron ou de Serres, en échange de sa liberté, que par la noblesse protestante de la province, qui menaçait de représailles, dans le cas contraire, le Parlement rendit, le 12 août, un arrêt aux termes duquel " ledict Dupuy, convaincu de lèzemajesté ", était condamné " à estre conduict par l'exécuteur de la haulte justice depuis les prisons de la gouvernerie jusqu'à la place du ban de Malconseil et illec avoir la teste tranchée sur ung eschafaut, lequel seroit à ces fins dressé et ses corps et teste pourtés au gibet du port de la Roche et mis au lieu le plus esminent d'icelluy. " Cet arrêt, exécuté le lendemain, ajouta l'auréole du martyre à la réputation militaire de Montbrun, et a fait de lui une des plus grandes figures de son parti ; car c'est évidemment à cette mort qu'il doit, surtout, le prestige dont il jouit dans l'histoire, malgré des traits de cruauté bien capables de souiller une mémoire.
De son mariage avec Justine Alleman, fille de François, seigneur de Champ, et de Justine de Tournon, épousée le 26 juin 1553, Charles du Puy-Montbrun laissa un fils, dont la notice suit, et trois filles : 1º Justine, qui épousa après le 10 avril 1575, date du testament de son père, François des Massues d'Eurre, seigneur de Vercoiran et de Sainte-Euphémie ; 2º Louise, qui fut successivement femme de Philibert de Roysses, tué au siège de Livron en 1574 ; de Jean de Rauques, seigneur de Saint-Pardon, et de Pierre de la Rivière, receveur des greniers à sel en Dauphiné ; 3º Madeleine.
Terminons en disant que l'arrêt qui le condamna à mort ordonnait la confiscation de ses biens et déclarait ses enfants " innobles, roturiers et incapables de succession " ; mais que cet arrêt fut cassé par l'édit de mai 1586, qui réhabilita la mémoire de Montbrun et que confirma un arrêt du 17 février 1648.
ICONOGRAPHIE. - La rencontre de 2 armées françoises faicte au passage du Rosne en Dauphiné le 28 de mars 1570. Grav. petit in-folio, en travers : Perissim fecit.
BIO-BIBLIOGRAPHIE. - I. Discours en forme de cantique sur la vie et la mort de Charles Du Puy, seigneur de Montbrun et de Ferrassières, gentilh. daulphinois, bon serviteur de Dieu et de la couronne de France. Fait par B. D. L. R. D. Imprimé l'an du Christ 1576 ; in-8º. Complainte de 71 couplets avec musique en quatre parties, dont l'unique exemplaire connu, reproduit par le docteur Long. pp. 291-302 de La Réforme et les guer{287}res de relig., appartenait à M. P.-E. Giraud, qui en fit ensuite don à la Bibl. Nat. - II. La vie de Charles Dvpvy. seignevr de Montbrvn, 91 pp., dans : Les vies de François de Beavmont, Baron des Adrets. De Charles Dvpvy, Seigneur de Montbrun, et de Soffrey de Calignon, Chancelier de Navarre, par Guy Allard. Grenoble, 1675, petit in-12. - III. Hist. de Charles Dupuy, surnommé le Brave, seigneur de Montbrun, par J.-Cl. Martin. Paris, 1816, in-8º de 172 pp. - IV. Charles du Puy-Montbrun, par Crozat. Paris, Noirot (1891), in-8º de 15 pp.
#Biogr. Dauph., i, 342. - France prot., éd. Bordier, v, 926. - Lacroix, L'Arrond. de Nyons, ii, 87. - Chorier, Hist. gén., ii, 585. - Arch. Drôme, E, 3338. - Saurel, Hist. Malaucène, i, 282. - Brantôme, éd. Buchon, i, 618. - Eust. Piémond, Mémoires, éd. Brun-Durand, 25, 35, 37. - Arch. Isère, B, 2035. - Pet. rev. des biblioph. dauph., 10. - Delacroix, Stat. Drôme, 550. - De Thou. - Moréri. - Etc.




Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901

Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne

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