GAMOND (Blanche)



GAMOND (Blanche)), jeune protestante connue par le récit qu'elle a laissé des persécutions par elle endurées au temps de la révocation de l'édit de Nantes, était de Saint-Paul-Trois-Châteaux et la fille de Michel Gamond, qui prit la ferme des poids et mesures de cette ville en 1677. Calviniste fervente, alors âgée de 21 ans, la crainte des vexations exercées contre ses coreligionnaires en Dauphiné la fit se réfugier dans la principauté d'Orange, au mois de septembre 1685, et elle y resta jusqu'aux premiers jours du mois de mars 1686, date à laquelle elle se décida à passer en Suisse. " Etant couchée, " disait-elle, " environ deux heures après minuit, je vis une lumière comme à plein midy et j'ouïs à même temps une voix qui me dit : Lève-toy et pars ! Ne crains point, je ne t'abandonneray pas et seray avec toi jusqu'à la fin. " S'étant donc mise en route, elle alla d'abord chez ses parents à Saint-Paul, pour leur faire part de ses intentions, et, sa mère et son frère s'étant alors joints à elle, ils se dirigèrent tous les trois du côté de la frontière, en passant par Die et Grenoble. Seulement, arrivés au pont de Goncelin, qui est à quelques lieues au-dessus de cette dernière ville, le 1er avril, ils furent arrêtés par des soldats qui, le fils s'étant enfui, ramenèrent les deux femmes dans la capitale du Dauphiné, où elles subirent un interrogatoire et furent condamnées à la prison perpétuelle, le 16 juillet, à cause de leur refus d'abjurer le protestantisme.
Dix mois plus tard (23 mai 1687), Blanche Gamond était internée dans l'hôpital de Valence, converti alors, depuis quelque temps, en prison pour les protestants, sous la direction d'un homme dont les cruautés ont rendu le nom fameux. Perdu de mœurs et criblé de dettes, appelé à ce poste par la faveur de l'évêque Daniel de Cosnac, dit-on, Guichard d'Hérapine cédat-il tout simplement aux penchants d'une mauvaise nature en infligeant à ses prisonniers des traitements barbares, ou bien crut-il se faire valoir ainsi auprès d'un prélat, homme de cour, complètement étranger à l'esprit religieux, ainsi que le prouvent d'ailleurs ses Mémoires ? Nous l'ignorons. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'au moment où Blanche Gamond devint sa prisonnière, la conduite de cet homme excitait à Valence une réprobation générale ; {362}car, sans parler des attentats commis contre lui par représailles, on voit, en 1695, les membres de la confrérie de St-Jean-Baptiste lui intenter un procès à cause de ses violences sur les prisonniers et, le 30 avril 1687, les consuls de la ville représenter à l'évêque, " qu'on ne peult recognoistre le sieur de Rapine pour administrateur-syndic, ny recteur de l'hospital Saint-Jean. " Saisi de toutes ces plaintes, le parlement de Grenoble ordonna enfin une information dont d'Hérapine préjugea les résultats en s'enfuyant en Savoie, au mois de juillet qui suivit l'arrivée de Blanche Gamond à Valence, et celle-ci ne resta en somme que sept semaines au pouvoir de ce misérable. Mais d'Hérapine parti et l'évêque Daniel de Cosnac ayant été remplacé par Guillaume Bochard de Champigny, " grand homme de bien, qui fut aussi scandalisé des actions de Rapine qu'on peut le souhaiter, et dit que s'il avoit été plus tôt évêque de Valence, il l'auroit bien empêché de maltraiter les pauvres et messieurs de la religion ", attendu " que ce n'est ni l'esprit de l'Eglise, ni l'intention du roi ", Blanche Gamond n'en resta pas moins encore emprisonnée à l'hôpital de Valence jusqu'au 26 novembre suivant, l'évêque de cette ville ne pouvant se prononcer sur son sort, parce qu'elle n'était pas de son diocèse. Bien plus, sa situation ne tarda pas à s'aggraver par le fait d'une chute qu'elle fit en tâchant de s'évader avec quelques-unes de ses compagnes, dans la nuit du 5 septembre ; car, s'étant alors cassé la cuisse, il s'ensuivit une plaie qui lui causa d'intolérables souffrances et mit sa vie en danger. Aussi était-elle dans le plus lamentable état quand son père et sa mère, ayant obtenu sa mise en liberté, vinrent la chercher pour l'emmener en Suisse, où ils étaient alors, depuis quelque temps, établis à Berne.
Après une huitaine de jours passés à Valence, entourée de soins, Blanche Gamond partit à cheval pour Grenoble, où elle arriva seulement au commencement de janvier 1688, et où les dames de la plus haute société protestante se firent un devoir de lui procurer, pendant un mois, tous les soulagements possibles ; à tel point qu'elle put faire en quatre jours le trajet de Grenoble à Genève, où elle fut naturellement accueillie comme une martyre, et qu'elle habitait encore quand sa mère mourut à Berne, le 28 septembre suivant. S'étant alors établie dans cette ville, auprès de son père, elle rencontra là encore d'autant plus de sympathies que le ministre Jurieu avait déjà raconté ses malheurs dans une de ses Lettres pastorales ; et c'est également là qu'elle écrivit les pages émouvantes, bien qu'évidemment aussi pleines d'exagération que d'exaltation mystique, publiées pour la première fois, en 1867, par M. le pasteur Claparède, dans le Bulletin de l'Histoire du protestantisme français, en même temps qu'en un volume in-12 de 227 pp., édité à Paris, chez Meyrueis, sous le titre de : Une héroïne protestante ; récit des persécutions que Blanche Gamond, de St-Paul-Trois-Châteaux, âgée d'environ 21 ans, a endurées pour la querelle de l'Evangile ; et derechef, en 1880, dans un volume du même format intitulé : Deux héroïnes de la foi, Blanche Gamond, Jeanne Terrasson. Récits du xviie siècle (Paris, Sandoz et Fischbacher.) Cela n'empêcha pas que la pauvre fille, incapable de gagner sa vie et dont le père était trop âgé pour travailler, se trouvant, par suite, condamnée à vivre de charités, put bientôt se convaincre que le pain de l'aumône est dur ; car ayant sollicité un secours de la direction française de Lausanne, quelque temps après son arrivée à Genève (13 juillet 1688), on lui accorda la maigre somme de " dix sols " ; et de Berne, où son père et elle comptèrent parmi les assistés habituels de la colonie française, ce n'est pas sans peine qu'elle obtint, en 1690, les ressources nécessaires pour aller faire à Baden une cure indispensable. Bien plus, son père s'étant plaint, en 1697, de ce que {363}sa pension et celle de sa fille étaient moindres que celles d'autres réfugiés, on le censura et le bourgmestre de Zurich, qui était un de ses bienfaiteurs, étant alors intervenu sur sa prière, le malheureux vieillard, censuré pour la seconde fois, dut demander pardon. Enfin, sur une nouvelle intervention du magistrat zurichois, les directeurs de la colonie de Berne, " considérant que Michel Gamond étant vieux et incommodé, est hors d'état de faire aucune chose ", lui accordèrent " 1 livre 10 sous " en outre des 4 liv. 10 sous et le pain qu'il recevait ; mais, en ajoutant qu'on ferait savoir au bourgmestre de Zurich " qu'on n'a eu aucun égard aux recommandations quand on a vu que ceux qu'on recommandoit en étaient indignes " (28 décembre 1698). Deux ans plus tard, on voit encore Blanche Gamond recevoir un secours pour se rendre aux eaux de Schinznach, mais il n'est plus question d'elle après 1702.
#Arch. de Saint-Paul-Trois-Châteaux, BB, 12. - Dº de la Drôme, B, 376. - Jurieu, Lettres past., iii, 15 avr. 1688. - Mœrikofer, Hist. des réfugiés en Suisse, 370. - Lacroix, L'arrond. de Montélimar, vii, 440.




Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901

Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne

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