GRAMMONT (Jean de)



GRAMMONT (Jean de)), seigneur de Vachères, capitaine protestant, généralement connu sous ce dernier nom, de même que son père et son frère cadet, avec qui on le confond volontiers, appartenait à la famille de Grammont-Caderousse, qui s'est éteinte de nos jours, et dont l'auteur, originaire du Velay, est un " Robert de Grando Monte ", dit " le Gros-Robert ", - écuyer et panetier du dauphin qui fut ensuite le roi Louis XI, dès 1447, puis bailli du Gévaudan, - à qui ce prince donna 200 écus d'or neufs, lors de son mariage avec Claude de Chastellard (17 juin 1450), et, onze ans plus tard (3 août 1461), le revenu, sa vie durant, des châtellenies de Châteaudouble, Montmeyran, Charpey, Crest et Gigors, dont il l'avait préalablement fait capitaine. Ayant acquis la partie de la commune de Montclar appelée Vachères, que ses descendants firent ériger en marquisat sous Louis XIV et qu'ils possédèrent jusqu'à la Révolution, ce Robert de Grammont y mourut le 14 décembre 1480, et Guillaume, son arrière-petit-fils, dont le contrat de mariage avec Jeanne d'Hostun-Claveyson est du 19 octobre 1556, est le premier capitaine Vachères dont il soit question pendant les guerres de religion. S'étant joint à Montbrun, lorsqu'il releva le drapeau de la révolte, en 1573, il fut un des défenseurs de Livron, l'année suivante ; et Jean, son fils aîné, est celui qui a donné lieu à cette notice. Ce deuxième capitaine Vachères, ayant pris, à son tour, les armes pour le compte du parti huguenot, était avec Cugie quand les catholiques s'emparèrent de son château de Saint-Benoît, dans les montagnes, au-dessus de Saillans, et s'y fortifièrent ; ce qui donna bientôt lieu à une entreprise des huguenots, qui, la place ayant été reprise au mois de novembre 1574, le mirent en demeure de pourvoir son château d'une garnison sinon qu'on le démantèlerait : ce qu'il préféra. Six ans après (19 août 1580), il était encore avec Cugie quand celui-ci tenta de se réemparer du gouvernement de Die, que les Diois lui avaient enlevé, tout en restant fidèles au parti huguenot ; et, cinq ans plus tard, il était à ce point un personnage d'importance, que le gouverneur de cette ville, Glandage (Voir ce nom), l'ayant arrêté alors qu'il se rendait à Gap, pour y conférer avec Lesdiguières (mars 1585), le lieutenant général Maugiron lui dépêcha aussitôt le conseiller du Périer pour lui enjoindre de relâcher son prisonnier, les craintes du roi étant, en ce moment-là, du côté de la Ligue plutôt que du côté des huguenots. Or, relâché, Vachères, qui était alors à la tête d'une compagnie, alla guerroyer dans le {393}Royans, où il s'empara, vers la mijuin, du château d'Hostun ; puis, dans l'Embrunais, où il contribua à la prise de Chorges et d'où il revint dans le Royans. Peu de temps après, il aidait Gouvernet et du Poët à s'emparer de Die, et c'est probablement alors qu'il devint membre du Conseil de justice protestant établi dans cette ville. Quant à sa participation à la prise de Montélimar par Lesdiguières, cinq jours après (25 août 1585), elle résulte de ce fait que, le 3 février 1586, c'est-à-dire une semaine après que son château de Vachères, dont il avait fait la citadelle protestante de la vallée de la Gervanne, eut été enlevé par l'armée catholique, il exerça la contrainte par corps contre le notaire Bérole et un autre montilien, qui s'étaient obligés vis-à-vis de lui pour 4,000 écus, montant de la rançon d'un riche marchand, leur compatriote.
On peut également induire de ce fait que Vachères était âpre à la curée, ce en quoi il ressemblait à tant d'autres capitaines de son temps ; et l'on voit, en outre, vers ce temps-là, Maugiron le qualifier " cruel et de très mauvaise vye ", dans une lettre au roi, ce qui alors ne déparait nullement un homme, mais lui donnait, au contraire, du relief. Aussi Lesdiguières ne manqua-t-il pas de l'employer dans les circonstances difficiles, par exemple à Aoûste, le 26 juillet 1587, pour faire la guerre à la garnison catholique de Crest. Il l'adjoignit ensuite à du Poët, lorsqu'il s'agit de reprendre Montélimar, dont les catholiques s'étaient emparés par surprise, le 16 août, entreprise dans laquelle notre capitaine se distingua d'autant plus, du reste, qu'il fut le premier à pénétrer dans la citadelle, où s'était réfugiée la garnison protestante, et fit ensuite des prodiges de valeur pour chasser les catholiques de la ville.
L'an d'après (1588), Vachères aidait Morges à s'emparer d'Etoile, le 30 mai ; puis, ayant été rappelé par Lesdiguières, du côté de Grenoble, il guerroya contre les ligueurs, devenus les seuls adversaires du futur connétable ; après quoi, on ne le voit plus occupé qu'à lever des contributions de guerre, notamment à St-Antoine, où il demanda 90 écus sur la taille, au mois de janvier 1590, " chose qui nous effraya fort d'avoir affaire à luy ", dit Piémond. Et tout ce que l'on sait de plus sur lui, c'est qu'ayant amassé beaucoup d'argent à la faveur des guerres civiles, il dut à cela de pouvoir épouser, en 1591, Louise de Budos de Portes, fille de Jacques et de Catherine de Clermont-Montoison, une des plus belles femmes de son temps, qu'il laissa veuve presque aussitôt, et dont le second mariage avec Henri, duc de Montmorency, gouverneur du Languedoc et bientôt connétable de France, le 29 mars 1593, et la mort, six ans après, donnèrent lieu aux contes les plus extraordinaires ; car on alla jusqu'à dire qu'ils étaient dus, l'un et l'autre, à l'intervention du diable, suivant le grave Sully.
Jean de Grammont, n'ayant pas eu d'enfants, laissa ses biens à son frère Louis, le troisième capitaine Vachères, qui épousa, en 1597, Louise d'Ancezune de Caderousse, mais qui, mariant, un an plus tôt, sa sœur Jeanne avec Jacques de Thollon de Ste-Jalle, lui constitua en dot 250,000 écus, pour tenir lieu des legs à elle faits par son père Guillaume et son frère Jean, ce qui peut donner une idée de la fortune amassée par ce dernier à la faveur des guerres dites de religion.
#Chorier, Est. pol., iii, 289. - Pilot de Thorey, Actes de Louis XI, nº 1286. - Arch. Dr., B, 767 ; E 4114. - Cons. de Charles VIII, 204. - Piémond, 158, 166. - De Coston, Hist. Montélimar, ii, 438, 476. - Mém. Gay, 79, 285. - D'Aubigné, Hist. univ., ii, 54. - Corresp. Lesd., i, 36, 48, 54, 187 ; iii, 36. - Sully, Mém., iii, 364. - Etc.




Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901

Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne

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