JULLIEN (Marc-Antoine)



JULLIEN (Marc-Antoine)), dit JULLIEN DE LA DROME, était du Bourg-de-Péage, où il naquit le 18 avril 1744, et l'aîné des quatorze enfants qu'autre Marc-Antoine Jullien, chirurgien de ce lieu, eut de son mariage avec Claire Lerat. Etant allé à Paris à l'âge de 18 ans, il y suivit, bien que n'ayant encore fait alors que des études rudimentaires, le cours de rhétorique du docte Lebeau, et cela avec un tel succès qu'il obtint, en fin d'année, le prix d'amplification française. Quelque temps après, le dauphinois Mably, dont le père fut seigneur du petit fief de Condillac, dans les environs de Romans, le faisait entrer, en qualité de précepteur, chez la duchesse d'Anville, qui lui confia l'éducation d'un de ses petitsfils ; et les connaissances qu'il fit, les relations qu'il se créa, pendant qu'il était chez cette grande dame, le mirent ensuite à même de se faire une situation honorable dans l'enseignement et dans les lettres. Hantant surtout les philosophes, il prit une large part au mouvement d'idées qui devait amener la Révolution, correspondant pour cela avec la plupart des instigateurs de ce mouvement en Dauphiné, notamment avec l'avocat général Servan (Voir ce nom) ; puis, la Révolution ayant éclaté, il s'attacha à passionner les esprits pour elle, dans la contrée de Romans, en entretenant fréquemment ses compatriotes des événements de Paris. Enfin, revenu au Bourg-de-Péage dès le 27 avril 1791, date à laquelle il déclarait vouloir exercer dans cette ville " ses droits de citoyen actif ", il ne négligea rien de ce qui pouvait précipiter la marche du courant révolutionnaire, ainsi qu'on peut s'en rendre compte en lisant le discours plus que violent, contre le roi et la royauté, qu'il fit, le 30 août 1791, à la Société des Amis de la Constitution de Romans, dont il avait été l'organisateur, discours qui fut ensuite imprimé et distribué.
Ayant ainsi attiré l'attention sur lui, Marc-Antoine Jullien fut élu député suppléant à l'Assemblée législative, le 5 septembre de cette même année 1791, et, le 5 septembre de l'année suivante, député à la Convention, le premier, par 395 suffrages sur 488 votants, dans une assemblée dont on lui avait d'abord donné la présidence et qu'il remercia en déclarant qu'il préférait les aristocrates aux modérés, attendu que, " la liberté est une vierge délicate et fière qui préfère être haïe qu'être aimée faiblement. " Et de fait, ayant pris place sur les bancs les plus élevés de la Convention, il se fit toujours remarquer par ses violences, applaudissant, le 6 octobre 1792, à la destitution du général de Montesquiou, parce qu'il avait vu en Dauphiné certains de ses soldats qui le considéraient comme un traître ; demandant, le 12 décembre, celle du capitaine Caffarelli accusé d'incivisme ; soutenant, quatorze jours après, aux applaudissements des tribunes, que ceux qui proposaient de faire juger le roi Louis XVI par un tribunal voulaient dissoudre la République, et qu'on devait " arracher la sonnette " au président de l'Assemblée qui s'était montré favorable à cette proposition. En un mot, il fut un des principaux auteurs de la mort de Louis XVI, qu'il vota sans appel ni sursis, disant que " Hercule n'intentait pas de procès aux brigands qu'il poursuivait, mais en purgeait la terre, et la terre bénissait son libérateur. " Et malgré cela, ce qui ressort peut-être plus encore de ses discours que sa haine de la royauté, c'est sa haine de l'aristocratie à laquelle il devait cependant beaucoup, puisque c'est, en grande partie, grâce à elle qu'il arriva de bonne heure à une honorable aisance et qu'en 1792 encore, {28}son fils aîné se rendant à Londres pour y terminer son éducation politique y alla muni de lettres de recommandation du duc de La Rochefoucauld et de Condorcet pour lord Stanhope, avec qui il se lia sous ces auspices. Tous, en effet, sont imprégnés de cette haine ; tandis qu'il fut, au contraire, toujours plein d'indulgence pour les excès de la populace, allant jusqu'à traiter Lanjuinais de calomniateur dans la triste séance du 2 juin 1793, parce qu'il se plaignait de ce que la Commune de Paris, dont les soldats encombraient, à ce moment-là, jusqu'aux couloirs de l'Assemblée, voulait lui dicter ses votes. Par contre, il prit un jour (2 septembre 1793), il est vrai, la défense d'un nommé Baudin, membre du comité contre-révolutionnaire de Lyon, qu'il avait connu, disait-il, bon patriote à Romans et qui n'en fut pas moins livré au Comité de sûreté générale ; mais ce n'est là qu'un fait sans portée dans la vie de Jullien, qui faisait décréter, quelques jours plus tard (19 septembre 1793), que le département de la Drôme avait bien mérité de la patrie, parce qu'à la suite d'une réunion des délégués des sociétés populaires de douze départements du Midi, à Valence, un membre de la Société populaire de cette ville était venu prier la Convention de rester à son poste tant que la patrie serait en danger et lui demander le prompt jugement de Marie-Antoinette. Il défendit ensuite Dubois-Crancé contre Couthon (6 juillet 1794), mais, remarque à faire, ne rencontra pas lui-même de défenseur au sein de la Convention, quand Tallien lui reprocha, au lendemain du 9 thermidor, d'être de ceux qui ont, " sous le manteau, la physionomie et l'empreinte de l'aristocratie ", ayant " mis à la tête de l'Instruction publique son fils aîné, jeune homme de dix-neuf ans, que son âge appelait à la défense de la patrie aux frontières " ; puis d'avoir envoyé ce même fils en mission dans le Midi où " il a exercé un pouvoir révoltant, fait couler le sang pour s'applaudir ensuite de ses actes arbitraires auprès de Robespierre. " Et l'on passa dédaigneusement à l'ordre du jour, lorsqu'il supplia l'Assemblée de l'entendre, maintenant que ce " n'était plus la tyrannie qui régnait mais la justice. "
Ainsi abandonné, Jullien se vengea quelque temps après de Carrier, qui avait alors prêté son concours à Tallien, en appuyant sa mise en accusation, parce que sa " conduite à Nantes avait été barbare, tyrannique et par cela même révolutionnaire. " Il profita même de la circonstance pour parler encore de son fils, " qui délivra Nantes de l'oppression de cet homme et qui, dans cette occasion comme dans tout le cours de sa vie révolutionnaire, servit bien la patrie, la justice et l'humanité ". Mais cette tentative ne réussit pas, malgré le soin qu'il eut d'appeler Robespierre un " conspirateur ", et, voyant cela, il se tint dès lors à l'écart de tous les débats ; puis, la Convention ayant pris fin, il renonça à la vie publique. Revenu avec sa famille au Bourgde-Péage, où sa présence nous est attestée par une lettre qu'il écrivit au préfet de la Drôme, le 29 germinal an IX (18 avril 1801), pour se plaindre de l'omission de ses deux fils sur la liste des électeurs, il retourna bien ensuite à Paris ; mais là, comme ailleurs, il ne s'occupa plus que de littérature et surtout de poésie, dont il publia de nombreux morceaux empreints d'une grande mélancolie, dans Le Mercure de France qui avait, alors, pour principaux rédacteurs : Fontanes, Chateaubriand et Bonald ! Et c'est probablement là ce qui, joint à son refus d'accepter l'Acte additionnel pendant les Cent-Jours, le mit à l'abri de la loi du 12 janvier 1816. Alors que bon nombre d'autres régicides furent exilés, par application de cette loi, il ne fut, en effet, qu'interné à Barcelonnette et pour très peu de temps ; car, il se retira bientôt dans une maison de campagne qu'il avait sur le territoire de Pisançon, non loin du Bourg{29}de-Péage, et c'est là qu'il mourut, le 15 septembre 1821, d'un accident suivant les uns ; d'un suicide selon d'autres, en tombant d'une fenêtre. Son tombeau porte une inscription qui se termine par : Priez pour lui ; il se voit encore dans le cimetière de Pisançon, près de la porte de l'église.
De son mariage avec Rosalie Ducrolay, Jullien (de la Drôme) eut au moins deux fils, l'un également appelé Marc-Antoine, connu sous le nom de Jullien (de Paris), et de qui nous n'avons pas à nous occuper, attendu qu'il naquit à Paris, le 10 mars 1775, et ne joua pas de rôle dans notre département, et celui qui suit.
BIBLIOGRAPHIE. - I. Réglement de la Société des Amis de la Constitution de Romans. Du 14 août 1791. S.l., in-8º.
II. Discours adressé à l'Assemblée électorale de la Drôme, séante à Valence et prononcé dans une assemblée des Amis de la Constitution de ladite ville. le 30 août 1791. Valence, in-12 de 12 pp.
III. Discours prononcé à l'Assemblée électorale du département de la Drôme, les 4 et 5 septembre 1792. L'an quatrième de la Liberté, et de l'Egalité le premier. Valence, s.d., in-4º de 4 pp.
IV. Opinion sur le jugement de Louis XVI. S.l.n.d. (Paris, décembre 1793), in-8º de 4 pp.
V. Appel aux véritables amis de la patrie, de la liberté et de la paix. Paris, 1801, in-8º.
VI. Essai général de l'éducation physique, morale et intellectuelle ; suivi d'un plan d'éducation pratique pour l'enfance, l'adolescence et la jeunesse, par M.-A.J. Paris, F. Didot, 1808, in-4º de xii + 308 pp.
VII. Essai sur l'emploi du temps, ou méthode qui a pour objet de bien régler l'emploi du temps, premier moyen d'être heureux..., par M.M.-A.J. Paris, Didot, 1808 ; in-8º de xviii + 112 + 348 pp., dans lequel se trouve (p. 296), une épitre en vers ayant pour titre : De l'influence des femmes, signée M.-A.J., qui est, dit-il, la faible copie d'un élève.
VIII. Opuscules en vers, par l'auteur de la Nouvelle Ruth. Paris, 1807, in-8º de 107 pages. C'est un recueil de poésies ayant déjà paru dans les journaux littéraires et parmi lesquelles se trouve le poème de la Nouvelle Ruth.
IX. Un dernier mot sur les élections, adressé à la conscience de chacun des électeurs du département de la Seine, par un membre d'un collège électoral. Paris, août 1815, in-8º de 15 pp.
X. Contes pour l'éducation, ouvrage dont on connaissait plusieurs copies au moment de la mort de M.-A. Jullien.
#Biogr. Dauph., i, 462. - Et. civ. - Rochas, Journal d'un bourg. - Procès-verbal de l'Ass. élec. de 1792, 9. - Mahul, Ann. nécrol. pour 1821. - Réimpr. du Moniteur, xiv, 138, 730, 851 ; xvi, 552, 707 ; xxi, 355 ; xxii, 594. - Boileau d'Auxi, Not. sur Julien (de Paris), 4. - Notes de M. Lacroix. - Ed. Maignien. Dict. des anon., 206, 1227, 1492, 1493, 1558. - Etc.




Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901

Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne

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