LA CROIX (Jean de)



LA CROIX (Jean de)), frère cadet du précédent et l'un des plus grands personnages du Dauphine à son époque, naquit à Romans le 10 août 1555 et, bien que n'ayant pas encore alors l'âge voulu, fut pourvu, le 25 juin 1578 d'une charge de conseiller au parlement de Grenoble, dont il prit possession le 9 août suivant. Sept ans après (29 octobre 1585), il échangeait, à l'exemple de son père, cette charge contre celle d'avocat général au même parlement, charge dans laquelle " n'ayant principalement pour objet que l'honneur et la dignité de la justice, il déploya avec une grâce merveilleuse les thrésors et toutes les lumières de son esprit, et ne se rendit pas moins inimitable qu'il n'estoit digne d'être imité ", à ce que nous apprend l'historien d'Expilly, Boniel de Catilhon. Cela ne l'empêcha pas d'accepter ensuite (29 novembre 1588), la charge d'intendant de l'armée du duc de Mayenne et même de prendre tout à fait parti pour la Ligue contre Henri IV, comme les autres membres du Parlement, du reste. Seulement, quand la ville de Grenoble eut été prise par Lesdiguières (25 novembre 1590), il se hâta de reconnaître le nouveau roi, qui, sachant quel était son mérite, ne négligea aucune occasion de se l'attacher entièrement. Ainsi le nommat-il conseiller d'Etat et surintendant des finances en Dauphiné, le 13 septembre 1595 ; puis, la Savoie ayant été conquise, lui confia-t-il l'office de garde des sceaux du conseil établi à Chambéry, au mois de septembre 1600 ; après quoi, il fut commis pour traiter de la paix avec les représentants du duc de Savoie (octobre 1601), commission dont il s'acquitta si bien, que le roi auprès de qui il fut envoyé, pour défendre les privilèges du Parlement attaqués par le Tiers-Etat, lui donna, le 31 décembre 1603, la charge de président au parlement de Grenoble, devenue vacante par le fait de l'élévation d'Artus Prunier de Saint-André à celle de premier président. Chargé, l'an d'après, conjointement avec quelques autres, de solliciter l'union de la Bresse et du Bugey, qui venaient d'être annexés à la France, au gouvernement de Dauphiné, Jean de la Croix échoua dans cette mission ; mais le roi le dédommagea de son insuccès, en le faisant son ambassadeur auprès du duc de Savoie, le 27 mai 1605, et le chargeant de différentes négociations. Enfin l'évêque de Grenoble, François Fléhard, étant décédé le 4 octobre 1606 et " le président de Chevrières ", comme on l'appelait, étant alors veuf depuis treize ans de Barbe d'Arzag, qu'il avait épousée le 13 septembre 1577, Henri IV le nomma à cet évêché, pour lequel des bulles pontificales lui furent expédiées le 11 juillet 1607 ; mais ce n'est que le 2 octobre suivant qu'il résigna sa charge de président et encore le roi lui accorda-t-il alors le droit de siéger, quand bon lui semblerait, dans n'importe quel parlement du royaume. Or, il faut dire qu'à ce moment-là Jean de la Croix avait ajouté aux seigneuries de Chevrières et de Brié, les seules dont il ait hérité, celles de Faramans et d'Ornacieux, acquises de la maison Mitte de Saint-Chamond et dont la dernière fut érigée en marquisat en 1582 ; les baronnies de Serves et de Clérieu, les comtés de Saint-Vallier et de Vals et les seigneuries de Chantemerle et de Pisançon acquises à différentes époques du duc d'Aumale, un des gendres de Diane de Poitiers, ce qui peut donner une idée de sa fortune.
Ayant pris possession de l'évêché de Grenoble, le 12 décembre 1607, {44}jour où il fit son entrée dans cette ville, Jean de la Croix obtint quelques mois après du roi Henri IV, la fondation, dans le faubourg Très-Cloîtres du premier couvent de Récollets, qu'il y ait eu en France, et contribua deux ans plus tard, à celle d'un couvent de Capucins dans la rue Neuve, qui fut appelée depuis rue Neuve-des-Capucins ; après quoi il s'occupa très activement de l'administration de son diocèse et surtout de la conversion des protestants, ayant fait venir à cet effet saint François de Sales à Grenoble, en 1617. Il ne continua pas moins à s'intéresser aux affaires de l'Etat, avec lesquelles il était tellement familiarisé que la reine Marie de Médicis, devenue veuve et régente du royaume, l'appela aussitôt dans son conseil, puis lui donna le 17 septembre 1612 un brevet de conseiller d'Etat en service extraordinaire, avec 2,000 livres de pension. Indépendamment de cela, il fit partie des Etats généraux de 1614, comme représentant du clergé de son diocèse ; puis de l'assemblée de notables tenue à Rouen, vers la fin de novembre 1617. Il était enfin à Paris pour l'assemblée générale du clergé, lorsqu'il mourut le 8 mars 1619, laissant trois garçons et deux filles.
Conformément à son désir, son cœur fut déposé dans l'église des Dominicains du faubourg Saint-Honoré et son corps transporté à Romans, où on l'inhuma dans le tombeau qu'il avait élevé à son père et à sa mère au levant de l'église Saint-Barnard et dans lequel reposait sa femme décédée en 1594.
Les historiens du temps s'accordent à dire qu'il était un homme d'un esprit supérieur, de beaucoup de jugement et de beaucoup de savoir. On lui doit un commentaire du Statut du roi Louis XI, sur la donation entre vifs et Chorier avance même que c'est gràce à " l'illustre président de Chevrières ", au commentaire qu'il en a fait " et par l'autorité que son savoir lui avoit acquise ", que ce statut fut observé dans la province. Il est également l'auteur d'annotations aux Décisions de Guy Pape, qui se trouvent, ainsi que ce commentaire, dans plusieurs éditions de ce livre, notamment dans celle de Genève, 1654, infolio, et on a encore de lui : Apurement des défenses du parlement de Grenoble contre le tiers Etat au Roy. Paris, 1602, in-8º.
BIO-BIBLIOGRAPHIE. - I. In obitvm reverendiss. in Christo patris et domini D. Ioan, de Crvce, Dei et apostolicæ sedis gratia quondam antistitis et principis Gratianopolitani. Prosopopœia. Placard in-fol. sur parchemin. - II. Eloge de Iean de la Croix..., évêque de Grenoble, président perpétuel des Etats du Dauphiné, par Guy Allard, publié par H. Gariel, dans ses Delphinalia. Grenoble, 1854, in-8º.
#Biogr. Dauph., ii, 6. - Docteur Chevalier, Arm. de Romans, 128. - Guy Allard, Gén., i, 11, 15. - A. du Boys, Vie de saint Hugues, 398. - Chorier, Estat pol., ii, 133. - Gall. christ., XVI, 255. - Arch. mun. de Grenoble, BB, 73. - Chorier, Jurispr. de Guy Pape 225. - Bull. d'archéol., ii, 446. - Etc., etc.




Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901

Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne

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