LÉGER (Leodegarius)



LÉGER (Leodegarius), Leudgarius et Leudegarius, archevêque de Vienne {92}au xie siècle, était le fils d'un seigneur de la vallée de l'Isère, dont les vastes possessions comprenaient le territoire de Romans, et, par sa mère, Fida de Clérieu, un parent du roi de France, Henri Ier. Ayant fait ses études au Puy, où l'avait probablement attiré le souvenir de l'évêque Adhémar (Voir ce nom), le fameux légat du Saint-Siège à la première croisade, qui était, ainsi qu'on l'a vu, des environs de Romans, il devint bientôt chanoine de la cathédrale de cette ville ; puis, comme il était versé dans les sciences libérales, humble, patient et animé d'un grand zèle pour le service de Dieu, - disciplinis litteralibus eruditum, patientia et humilitate decoratum, in servitio Dei strenuum, dit l'acte de son élection, - il fut élu abbé de Romans, le 23 novembre 1025.
Seulement, il faut bien convenir que ce fut là le résultat d'un marché fait avec le père de Léger, le seigneur Guillaume, qui s'engagea à céder le territoire de Romans à l'abbaye, si les religieux faisaient choix de son fils pour chef, ce qu'il fit parfaitement, du reste, et séance tenante. Or, cinq ans après, le nouvel abbé de Romans, élu archevêque de Vienne, ayant trouvé bon de réunir sur sa tête les deux dignités, il en résulta que les églises de Vienne et de Romans bénéficièrent l'une et l'autre de l'influence de Léger sur les princes et les seigneurs de la région ; nous en avons une preuve dans les nombreuses et importantes libéralités qui leur furent faites du temps de ce prélat.
Indépendamment de cela, notre archevêque-abbé donna aux religieux de Romans des statuts qui furent solennellement promulgués, le 2 octobre 1037, en présence de sept autres évêques et de plusieurs abbés ; puis, obtint de l'empereur Conrad le Salique, qu'il alla trouver, dans ce but, à Spire, la confirmation des droits et privilèges de son abbaye, le 30 mars 1038 ; après quoi il fit, dit-on, reconstruire l'église métropolitaine de Vienne et celle de l'abbaye de Romans, auprès de laquelle il fit bâtir un cloître, dont une partie subsistait encore il y a quarante ans. De plus, le centre de population qui se formait à l'ombre de cette dernière ayant été deux fois de suite incendié de son temps, il aida chaque fois à le relever de ses ruines et peut même être considéré, dans une certaine mesure, comme le fondateur de la ville, dont ce fut là le point de départ ; car il n'est pas question du burgum de Romanis avant Léger, et celui-ci lui donna un solide noyau en autorisant les chanoines à rebâtir en pierres les maisons, auparavant construites en bois.
C'est le 9 mai 1049 qu'il accorda cette autorisation, c'est-à-dire sept ans après avoir assisté au concile de Saint-Gilles, qui, en décrétant la " trève de Dieu ", rendit un grand service à l'humanité, le plus grand qu'on pût lui rendre en ces temps de barbarie ; et, l'an d'après (1050), notre prélat se trouva, au concile de Rome, dans une situation des plus délicates, car les religieux de Romans ayant sollicité, dans ce moment-là, le droit de relever directement du Saint-Siège et, par cela même, d'être affranchis de l'autorité de Léger, le pape ne crut pas pouvoir repousser leur prière. Seulement, il corrigea l'effet d'une semblable décision vis-à-vis de Léger, en le chargeant, à titre de vicaire, de l'administration de l'abbaye de Romans, ce qui ne mit pas fin, quand même, à certains différends que l'on ne comprend pas très bien, mais qui attristèrent, en tout cas, pendant longtemps, le pieux archevêque. Par contre, celui-ci eut la consolation de voir son mérite reconnu lorsqu'il se démit de sa double charge, en 1069 ; car les religieux et les habitants de Romans, ayant alors élu abbé un chanoine Arman, qui le remplaça également sur le siège archiépiscopal de Vienne, il fut dit que le nouvel élu ne pourrait rien faire concernant l'abbaye, sans le consentement de Léger, qui mourut, du reste, peu de temps après (12 juin 1070) à Vienne, où il {93}fut enterré sous le porche de l'église Saint-Pierre.
Ajoutons à cela que l'historien Le Lièvre rapporte, d'après un nécrologe de l'Eglise de Vienne, que l'archevêque Léger laissa, en mourant, à cette église, quantité de livres, - Libros quam plurimos, - " savoir un Passionnaire en excellent état, les Confessions de saint Augustin, le livre des Offices de saint Ambroise et les Canons de Burcard, le Dialogue de saint Grégoire avec son Traité de la Sollicitude pastorale ; la Chronique de saint Adon, et aussi deux autres Chroniques, un Texte, un Missel, qu'il avait fait faire pour tous les jours ; un Antiphonaire corrigé par lui, un Nocturnal divisé en deux parties ; la Vie du bienheureux Grégoire avec d'autres très nombreuses. Il lui donna, en outre, un livre traitant de différentes matières, appelé Tourne feuillet (cui nomen Tornafolium) ; puis une histoire des Pontifes, un Benedictional relié en or, un Medicinal, etc. " Témoignage irrécusable de sa supériorité intellectuelle, en même temps que de sa générosité et de sa piété.
#Biogr. Dauph., ii, 46. - P.-E. Giraud, Essai histor. sur l'abb. de Saint-Barnard, i, 73 et suiv. et différentes chartes du Cartul. de Romans. - Lelièvre, Hist. de Vienne, 302. - Gall. Christ., xvi, 70. - C. Perrossier, Rech. sur év. orig. du dioc. de Valence, dans le Bull. de la Soc. d'arch., xiv et xv. - Etc.




Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901

Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne

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