MONIER DE LA SIZE-RANNE (Paul-Jean-Ange-Henri,)



MONIER DE LA SIZE-RANNE (Paul-Jean-Ange-Henri, comte), littérateur et homme politique, né à Tain, le 11 pluviôse an V (30 janvier 1797), entra à dix-huit ans dans les gardes du corps du roi, compagnie de Grammont, dut bientôt renoncer au métier des armes, pour lequel il avait un goût prononcé, à cause d'une fracture du bras droit, et pour s'en donner encore l'illusion, se fit nommer alors capitaine aide de camp du général inspecteur des gardes nationales de la Drôme, - ce qu'il fut jusqu'en 1818, c'est-à-dire jusqu'à la suppression de l'emploi. S'occupant beaucoup, avec cela, des intérêts de ses compatriotes, il les fit souvent bénéficier de ses relations dans le monde gouvernemental, et c'est notamment à ses actives et intelligentes démarches que les habitants de Tain durent de voir, en 1835, leur ville reliée à celle de Tournon par le premier pont suspendu qui ait été construit en France.
Quelque temps après, il en était de même des bourgs d'Andance et d'Andancette, et M. Monier de la Sizeranne s'étant ensuite fait l'interprète des viticulteurs et des négociants en vins de sa ville natale, qui se plaignaient d'être assujettis à des impôts excessifs et vexatoires, il en résulta, au mois d'octobre 1836, d'heureux changements. Et ce ne furent pas là ses seules occupations ; car, tout en se préparant ainsi à la vie publique, l'ancien garde du corps s'occupa aussi de littérature. Ayant fait jouer à Lyon, vers 1816, une tragédie " bien classique et bien romaine ", intitulée Virginie, qui ne le satisfit pas, il écrivit plus tard, sur les instances de son ami Alexandre Duval, L'Amitié des deux âges, comédie en trois actes et en vers, qui fut jouée pour la première fois au Théâtre-Français, le 8 février 1826, et dont le succès fut aussi complet qu'incontesté. Quatre ans plus tard (23 septembre 1830), le même théâtre jouait un drame du même auteur, intitulé Corinne, dont Châteaubriand, Ballanche, le duc de Broglie et d'autres habitués du salon de Mme Récamier, à l'Abbaye-au-Bois, avaient {151}auparavant entendu la lecture. M. Monier de la Sizeranne ne s'en tint pas là, comme aussi ne se contentat-il pas de ses succès littéraires, étant né pour la vie publique.
Devenu chef de bataillon de la garde nationale de Tain, en 1831, il fut chargé l'année suivante de répartir des secours aux victimes du choléra et dut au zèle avec lequel il remplit cette mission d'être décoré. Quatre ans plus tard, les électeurs du canton de Tain l'envoyaient au conseil général de la Drôme, dont il devait présider les sessions pendant trente-cinq années consécutives, - fait sans exemple, dit-on, - et ceux de l'arrondissement de Die lui ouvrirent, en 1837, les portes de la Chambre des députés, où il siégea au centre gauche, et s'occupa beaucoup plus des affaires du pays que de politique. Aussi ne tarda-t-il pas à faire partie de commissions importantes, celle du budget entre autres, et, parmi ses nombreuses propositions, il en est notamment une qui, bien qu'étant aussi juste que sage, est encore en question. Nous voulons parler de l'obligation de recruter les receveurs particuliers parmi les percepteurs, et les receveurs généraux parmi les receveurs particuliers, au lieu de donner ces emplois à des favoris du pouvoir. En 1847, M. Monier de la Sizeranne refusa de présider le banquet réformiste de Valence, pour rester fidèle à son serment politique, et quand la seconde république eut été proclamée, le 24 février 1848, il ne voulut pas augmenter le nombre des candidats à la représentation nationale ; mais les électeurs du canton de Tain ne le chargèrent pas moins toujours de les représenter au Conseil général, dont il fut réélu président. Cédant à des instances, il posa cependant sa candidature à l'Assemblée législative, mais ne fut pas élu, bien qu'ayant recueilli plus de 25,000 suffrages ; ce dont il se consola en écrivant Régine, comédie qu'Emile Deschamps met au-dessus de Corinne et de L'Amitié des deux âges, après avoir vanté celles-ci.
En 1852, M. Monier de la Sizeranne entra au Corps législatif, et là encore fit partie de cette opposition modérée qui rend service à tous les pouvoirs, en les tenant en garde contre la tentation d'abuser de leur force. De même qu'à la Chambre des députés, il s'y occupa d'ailleurs surtout d'affaires, prouvant l'indépendance de ses votes par sa protestation contre la confiscation des biens de la famille d'Orléans, en 1852, et par l'opposition qu'il fit, six ans plus tard, à de nouveaux embellissements de Paris, dont la France entière devait faire les frais. Indépendamment de cela, il fut l'auteur du fameux amendement des 91, en faveur du pouvoir temporel du Pape, et demanda la gratuité du mandat législatif, en même temps que l'établissement du vote obligatoire pour tous les électeurs. Au Sénat, où il fut appelé par décret du 7 mai 1863, M. Monier de la Sizeranne ne se départit pas de cette attitude ; il prit place dans les rangs des conservateurs libéraux et s'occupa seulement des intérêts du pays, au lieu de se mêler aux luttes stériles des partis. Aussi le chef de l'Etat, qui l'avait nommé officier de la Légion d'honneur le 18 décembre 1855, crut-il devoir récompenser trente années de services rendus dans les conseils du pays, en conférant à M. de la Sizeranne le titre de comte héréditaire, par décret du 21 mars 1866. Quatre ans et demi après, la Révolution, en renversant le trône de Napoléon III, mettait fin à la carrière politique du nouveau comte, qui ne s'occupa plus dès lors que de littérature jusqu'à sa fin, arrivée le 6 janvier 1878, à Nice, d'où ses restes furent transportés à Tain. De son mariage avec Louise-Bénigne-Alix de Cordoüe, le comte de la Sizeranne a laissé deux enfants : un fils qui fut élu député de la circonscription autrefois représentée par son père, en {152}1869, et une fille mariée à son cousin Max Monier de la Sizeranne, peintre de talent, dont les fils, Maurice et Robert de la Sizeranne, se sont déjà fait un nom par leurs travaux d'ordres différents.
ICONOGRAPHIE. - I. Portr. in-8º, grav. au physionotrace, par Bouchardy. Tête de profil à D., dans méd. rond, de 0,059. - II. Autre portr., in-4º, sur cuivre, par Cheffer. Buste de 3/4 à G., en habit de sénateur, dans un méd. obl., de 0,175/0,110, soutenu par deux branches entrecroisées de chêne et de laurier, et autour duquel on lit : Comte Monier de la Sizeranne. En haut, des armoiries. - III. Autres grav., sur bois, dans L'Illustration du 23 mai 1863 et L'Univers Illustré du 2 févr. 1878. - IV. Autre grav., sur bois, in-4º. Xavier Drevet, édit. - V. Médaille de bronze de 0,148, grav. par Tasset. Tête à G. Lég. : Paul-Jean-Ange-Henri, comte Monier de la Sizeranne, né a Tain (Drôme)), 30 janvier 1797 ; président du Conseil général de la Drôme, 1839-1870 ; député, 1837-1848, 1852-1863 ; sénateur, 1863-1870. Mort a Nice, 6 Janv. 1878. Homme politique, il défendit la liberté de conscience, la liberté de l'enseignement, etc., et fut un des plus ardents promoteurs de la réforme postale. - Littérateur, il a écrit : Mes enfants ne seront peut-être pas très fiers des œuvres de leur père, mais ils n'auront du moins pas a en rougir. - VI. Autre médaille, même type, arg. et bronze de 0,068 ; mêmes légendes, sauf les six dernières lignes du revers qui sont remplacées par : Souscription publique. - VII. Autre médaille, reproduction de la précédente, en bronze, de 0,050.
BIO-BIBLIOGRAPHIE. - I. Le comte Monier de la Sizeranne, par A. Lacroix. Grenoble, 1878, in-8º. - II. Iconographie et numismatique des Dauphinois dignes de mémoire. Le comte Monier de la Sizeranne, par G. Vallier. Valence, J. Céas et fils, 1889, grand in-8º.
BIBLIOGRAPHIE. - I. L'Amitié des deux âges, comédie en trois actes et en vers, jouée pour la première fois au Théâtre-Français, le 8 fév. 1826. Paris, Ladvocat, 1826, in-8º. - Autre éd. Paris, Amyot, 1830, in-8º.
II. - Corinne, drame en trois actes et en vers, représenté pour la première fois sur le Théâtre-Français, le 23 sept. 1830. Paris, Amyot, 1830, in-8º. Cette pièce eut une première éd. anonyme.
III. Une Sœur, comédie en un acte et en vers. Valence, Borel, 1837, in-8º de 47 pp. C'est un tirage à part, sans nom d'auteur, de la Revue du Dauphiné.
IV. Discours dans la discussion générale de la proposition de M. Gouin, relative à la conversion des rentes. Séance du 17 avril 1838. S.l.n.d. (Impr. Vve Agasse), in-8º de 11 pp.
V. Discours dans la discussion du projet de loi relatif aux fortifications de Paris. Séance du 22 janv. 1841. S.l.n.d. (Impr. Panckoucke), in-8º de 15 pp.
VI. Rapport fait au nom de la Commission chargée d'examiner le projet de loi tendant à ouvrir au ministre des travaux publics un nouveau crédit de 1 million 500,000 fr., pour réparer les dommages causés par la crue et le débordement des eaux. Séance du 11 mai 1841. S.l.n.d. (Imp. Henry), in-8º de 7 pp.
VII. Discours à l'appui de son amendement ainsi conçu : Nous étudierons, en outre, les causes du malaise social... Séance du 28 janv. 1842. S.l.n.d. (Imp. Panckoucke), in-8º de 7 pp.
VIII. Rapport au nom de la Commission chargée d'examiner le projet de loi portant demande d'autorisation d'un prêt de 2 millions à faire à la Compagnie des chemins de fer de Bordeaux à la Teste. Séance du 16 mars 1843. S.l.n.d. (Imp. Henry), in-8º de 15 pp.
IX. Rapport au nom de la Commission chargée d'examiner le projet de loi relatif à un échange d'immeubles entre l'Etat et la ville de Lyon. Séance du 4 juillet 1843. S.l.n.d. (Imp. Henry), in-8º de 5 pp.
X. Discours dans la discussion de la proposition de M. de Rémusat. Séance du 21 fév. 1844. S.l.n.d. (Imp. Panckoucke), in-8º de 7 pp.
XI. Discours dans la discussion sur la proposition de M. de Saint-Priest, relative au tarif de la poste aux lettres. Séance du 8 juin 1846. S.l.n.d. (Imp. Panckoucke), in-8º de 8 pp.
XII. Un député à un député. Paris, Amyot, 1845, in-8º de 8 pp. Epître à Lamartine.
XIII. Discours dans la discussion de la proposition du projet de loi relatif à la suppression du décime rural et à la réduction de la taxe sur les envois d'argent. Séance du 8 juin 1846. S.l.n.d. (Imp. Panckoucke), in-8º de 8 pp.
XIV. Discours dans la discussion de la proposition de M. Glais-Bizoin, relative à la taxe de la poste aux lettres. Séance du 24 mai 1847. S.l.n.d. (Imp. Panckoucke), in-8º de 8 pp.
XV. Rapport fait au nom de la Commission chargée d'examiner le projet de loi portant réduction de la taxe des lettres de Paris pour Paris. Séance du 18 mars 1853. S.l.n.d. (Imp. Panckoucke), in-8º de 12 pp.
XVI. Rapport fait au nom de la Commission chargée d'examiner le projet de loi concernant la taxe des lettres. Séance du 1er mai 1854. S.l.n.d. (Imp. H. et Ch. Noblet), in-8º de 22 pp.
XVII. Mes premiers et derniers souvenirs littéraires. Paris, 1854, in-8º.
Ce volume, qui n'a été tiré qu'à petit nombre, pour des amis, contient, en outre {153}d'une réimpression de L'Amitié des deux âges et de Corinne, les morceaux suivants : Les eaux d'Aix en 1825, récit en prose ; Une lecture à l'Abbaye au Bois, récit en prose ; Régine, ou Vienne et Paris en 1815, comédie en cinq actes et en vers, avec épilogue, précédée d'Un mot sur le sujet de cette pièce et sur les circonstances dans lesquelles il a été traité. Il a, en outre, été fait un tirage à part de cette comédie. Paris, Amyot, 1854, in-8º de 128 pp.
XVIII. Rapport fait à la commission chargée d'examiner le projet de loi relatif à la garantie d'un emprunt à contracter par le gouvernement ottoman. Séance du 10 juillet 1855. S.l.n.d. (Imp. H. et Ch. Noblet), in-8º de 10 pp.
XIX. Discours dans la discussion du projet de loi relatif à l'ouverture ou l'achèvement de diverses grandes voies de communication dans la ville de Paris. Séance du 8 mai 1858. Paris, impr. du Corps législatif, 1858, in-8º de 15 pp.
XX. Théàtre. Recueil des écrits littéraires et politiques du comte Monier de la Sizeranne... premier volume. S.l. (Valence, Céas), 1871 ; in-8º de 360 pp., qui contient outre ce qu'on trouve dans le nº XVII : Une sœur, comédie en un acte et en vers, et auquel on a ajouté ensuite : Un député à un député, plus un certain nombre de pièces inédites : Stances adressées à M. Marc Seguin, le jour où a été inauguré le pont suspendu entre Tain et Tournon, sur le Rhône (1er sept. 1825) ; Le Carlin vengé, Apologue danois, etc., etc.
XXI. Marie-Antoinette, poème historique, 4e édit. Nice, Cauvin, 1872, in-8º de 226 pp.
XXII. Recueil des écrits littéraires et politiques du comte Monier de la Sizeranne. Politique, rapports, discours et documents divers. S.l. (Valence, J. Céas), 1873, in-8º de 126 pp.
XXIII. Aux conservateurs. S.l.n.d., in-8º de 4 pp.
XXIV. Au maréchal de Mac-Mahon. A l'empereur Alexandre. Au prince impérial. Paris, Amyot, 1875, in-8º de 16 pp.
XXV. Dernier appel à la prévoyance. Paris, Amyot, 1876, in-8º de 10 pp.
XXVI. Lettre aux sectateurs de la librepensée. Valence, Berger et Dupont, 1876, in-8º de 8 pp.
XXVII. A.M. Thiers, par un Vieux Parlementaire. Paris, Dentu, 1876, in-8º de 8 pp.
XXVIII. A Louis XIV, sur ses locataires de Versailles. Paris, Dentu, 1877, in-8º de 7 pp.
XXIX. La pensée d'un octogénaire sur la politique du jour. Paris, F. Debons, 1877, in-8º de 15 pp.
Indépendamment de cela, le comte Monier de la Sizeranne a laissé des Mémoires manuscrits qui doivent être curieux, à en juger par les extraits qui en ont été publiés et dans lesquels on voit qu'il était partisan de l'alliance russe au lendemain de la guerre de Crimée.
#Biogr. Dauph, ii, 148. - Bull. d'archéol., xii, 291. - Panthéon de la Lég. d'honn., iii, 425. - Annales hist., xlix. - Figaro, 10 oct. 1896. - Etc.




Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901

Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne

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