MONTALIVET (Jean-Pierre)



MONTALIVET (Jean-Pierre BACHASSON de), homme d'Etat né à Sarreguemines, le 5 juillet 1766, appartenait à une famille dont l'histoire est intimement liée à celle de la ville de Valence pendant plus d'un siècle, mais que nous croyons originaire de Crest, où l'on trouve, dès la fin du xive siècle, Louis Bachasson, marchand et membre du conseil de cette ville, dont les enfants héritèrent de tous les biens de noble Jean Bachasson, receveur général des finances en Limousin, leur oncle, suivant testament du 24 septembre 1621.
Fils de Charles-Victor Bachasson de Montalivet, mestre de camp, c'està-dire colonel de cavalerie, commandant de la place de Sarreguemines dès 1762, et de Marthe-Charlotte Starot de Saint-Germain, celui qui nous occupe était conséquemment le petitfils de Jean-Pierre Bachasson, professeur de droit en l'université de Valence et juge mage de cette ville, qui fut élu maire en 1694, et le neveu de Claude Bachasson de la Chafine, mestre de camp de cavalerie et sous-aidemajor de la troisième compagnie des gardes du corps. Ayant été reçu avocat presque enfant, il embrassa ensuite le métier des armes, et, d'abord cadet dans un régiment de hussards, puis sous-lieutenant de dragons, il semblait devoir fournir ainsi une brillante carrière, lorsque, sur les instances de sa mère devenue veuve, il donna sa démission, pour être conseiller au parlement de Grenoble. C'était en 1785. Une charge étant alors devenue vacante par la mort de Jean de Plan de Sieyès, il y fut, en effet, nommé, avec dispense d'âge, le 17 août, et reçu vingt jours après ; mais c'est la Révolution, cette fois-ci, qui brisa sa carrière en {154}supprimant les parlements, le 7 septembre 1790.
Deux ans plus tard, notre ancien conseiller, retiré à Valence auprès de sa mère, étant devenu suspect, chercha, comme tant d'autres, un refuge dans l'armée et s'engagea dans un bataillon de volontaires, avec lequel il fit campagne en qualité de caporal-fourrier ; et ce n'est qu'après le 9 thermidor qu'il revint à Valence. Mais, telle était déjà la réputation dont il jouissait dans cette ville que, la municipalité ayant chargé, deux mois après, le futur ordonnateur en chef Sucy de se rendre à Paris, pour y faire valoir toutes les raisons qui postulaient en faveur du maintien de l'école d'artillerie, de l'arsenal et d'une fonderie de canons à Valence, on lui adjoignit aussitôt " Bachasson-Montalivet. " On peut même croire qu'un Précis des raisons qui déterminèrent les officiers généraux de l'artillerie et notamment les citoyens (sic) Gribeauval et Villepatour, dans le choix de la commune de Valence pour un établissement central d'artillerie, mémoire manuscrit signé par lui et par Sucy, est surtout son œuvre. En tout cas, le représentant du peuple, Jean Debry, étant venu à Valence, au mois de décembre 1795, pour y reconstituer la municipalité, ne trouva rien de mieux, après avoir pris conseil " tant de ses collègues que d'hommes probes, énergiques et amis des principes ", que de placer à sa tête Jean-Pierre Bachasson-Montalivet. La charge était plus que difficile ; car, indépendamment de ce qu'il fallait en imposer aux violents de tous les partis, il y avait la question des subsistances qui était une question capitale. Or, après avoir pris toutes les mesures utiles pour se procurer les grains nécessaires, le nouveau maire de Valence alla à Paris, pour y obtenir du gouvernement les subsides indispensables pour le payement de ces grains. Pour ce qui regarde le rôle qu'il joua dans la pacification des esprits, on peut s'en rendre compte par ce fait que, le représentant Jean Debry ayant changé les cadres de la garde nationale et la reconnaissance des nouveaux chefs ayant eu lieu en grande pompe, le 16 juin 1795, les mécontents, irrités contre un M. de Labareyre, qu'on accusait d'être l'instigateur de ces changements, se jetèrent sur lui et l'auraient tué sans Montalivet qui, se mettant entre Labareyre et eux, leur montra sa poitrine en disant : " C'est d'abord votre maire qu'il faut frapper. " Aussi le conseil général de la commune de Valence se fit-il un devoir de " lui témoigner ses regrets de perdre un collaborateur aussi éclairé, aussi intelligent, aussi zélé et aussi actif ", lorsqu'il abandonna, au mois d'octobre 1795, la mairie, pour les fonctions de commissaire du Directoire exécutif près l'administration départementale, fonctions équivalant à celles de préfet et dont il se démit, du reste, au bout de six mois (avril 1796).
Quatre ans après (18 avril 1800), Montalivet redevenait maire de Valence, mais pour bien peu de temps ; car, il ne l'était déjà plus quand le Premier Consul, qui l'avait connu pendant qu'il était en garnison à Valence, l'appela à la préfecture de la Manche (18 avril 1801), d'où il passa à celle de Seine-et-Oise, le 30 mars 1804. L'Empereur le fit conseiller d'Etat, puis directeur général des Ponts et Chaussées (1806), enfin ministre de l'Intérieur, le 1er octobre 1809 ; mais, si importante que fût la situation, il la domina toujours. Ainsi, ministre affranchi des soucis de la politique, dont la direction appartenait alors au ministre de la police, mais ayant, en revanche, dans ses attributions tout ce qui pouvait concourir au développement de l'industrie, du commerce et de l'agriculture dans un pays où il n'y avait rien alors qui ne fût à créer ou à améliorer, il sut, tout en ne perdant jamais de vue les grands ensembles, descendre aux détails ; et, c'est notamment pendant son ministère que Paris vit se construire plusieurs de ses {155}ponts et de ses quais et des entrepôts, des marchés, des abattoirs, en même temps que l'arc de triomphe de l'Etoile, la Madeleine et la Bourse, - et cela, pendant que des travaux plus importants encore s'exécutaient à Anvers, à Cherbourg, au Havre et dans les Alpes, et que, grâce à son initiative, s'élevaient les premières digues en maçonnerie destinées à protéger les territoires de Valence et du Bourg-lès-Valence contre les inondations du Rhône. Ajoutons que, les mauvais jours étant venus, il fit de véritables prodiges pour parer à l'insuffisance des récoltes et organiser les dernières forces défensives du pays. Enfin, quand la fortune nous eut décidément trahis, c'est lui qui fit entendre le dernier cri du patriotisme, la dernière protestation contre l'étranger ; après quoi il accompagna l'impératrice à Blois et resta auprès d'elle jusqu'au 3 avril.
Pendant les Cent-Jours, Napoléon ayant confié le ministère de l'Intérieur à Carnot, Montalivet fut appelé à l'Intendance générale des biens de la Couronne et nommé pair de France, situation qu'il perdit naturellement à la seconde Restauration, mais qu'il recouvra en partie, le 5 mars 1819, date à laquelle une ordonnance royale lui rouvrit les portes de la Chambre des pairs, aux travaux de laquelle il prit une part des plus actives, dans les rangs conservateurs libéraux, jusqu'à sa mort, arrivée à La Grange en Berry, le 22 janvier 1823.
Marié, le 16 août 1797, avec sa cousine, Louise-Françoise-Adélaïde Starot de St-Germain, fille de Joseph-Claude, seigneur de Montmeyran et fermier général, qui périt victime de la Terreur, le 11 mai 1794, trois jours après son illustre collègue Lavoisier, jeune femme de qui Napoléon disait, à Sainte-Hélène, que tout Valence aima ses vertus et sa beauté, le comte de Montalivet laissa une fille et trois fils. L'aîné de ceux-ci, appelé Simon, était lieutenant au 2e de ligne, lorsqu'il mourut à Girone, le 12 octobre 1823 ; le troisième, Charles-Camille, né en 1810, mourut à Naples, le 22 novembre 1832.
Terminons en disant que sa statue, œuvre de Crauk, fondue en 1867, à la suite d'une souscription publique, se dresse enfin, après vingt-sept ans d'attente, sur un des boulevards de la ville de Valence, qui doit le compter parmi ses plus illustres enfants.
ICONOGRAPHIE. - I. Portr. lith. in-4º. Buste de 3/4 à D. C. Motte. Le Gros pinxit, 1820. Vigneron del., 1832. - II. Lith., in-8º. Buste de 3/4 à G., presque de face ; 0,098/0,076. - III. Grav. sur cuivre, in-8º. Buste de 3/4 à D., avec Championnet, dans cadre de 0,060/0,052. H. Couché del., Reille sculp. - IV. Autre buste de 3/4 à D., presque de face, dans médaillon rond de 0,132. Vytin, sc.
BIO-BIBLIOGRAPHIE. - I. Notice historique sur le comte J.-P. de Montalivet. S.l. (Paris), Bruneau, s.d. (1843), in-8º (par M. Ch. du Rozoir). Extrait de la Biogr. univ. - II. Notices sur MM. les comtes de Montalivet, père et fils. S.l. (Paris), Duverger, s.d. (1843), in-8º. Extrait de l'Encycl. des gens du monde. La première de ces biogr. est signée : P.-F. Tissot ; la seconde : A. Rolland. - III. Notice sur le comte Jean-Pierre Bachasson de Montalivet, par M. le comte Camille Bachasson de Montalivet. Paris, 1867, in-8º. - IV. Notice biographique sur M. Jean-Pierre Bachasson, comte de Montalivet, originaire de Valence, ayant rempli les fonctions de maire de cette ville, de commissaire du Directoire exécutif du département de la Drôme, de directeur général des Ponts et Chaussées et de ministre de l'Intérieur. S.l.n.d., in-8º signé à la fin : E. Chaix. - V. Regrets et Souvenirs, par Charles Chabert. Paris, Pihan de la Forest, 1834, in-8º. - VI. Le comte Jean-Pierre Bachasson de Montalivet, maire de Valence, ministre de l'Intérieur, pair de France (1766-1823), par Etienne Mellier. Valence, 1896, in-8º., avec portr. et vue de la statue.
BIBLIOGRAPHIE. - I. Exposé de la situation de l'Empire présenté au Corps législatif, dans la séance du 23 février 1813. Paris, Impr. imp., 1813, in-4º.
II. Session de 1822. Opinion sur le projet de loi relatif à l'approbation d'un emprunt pour la construction de plusieurs canaux. S.l. (Paris, Didot), s.d. (1822), in-8º.
III. Lettre adressée à M. Becquey, conseiller d'Etat, directeur général des Ponts et Chaussées, par M. le comte de Montalivet, ancien directeur général des Ponts et Chaussées (18 juillet 1822). Didot, s.d., in-8º.
{156}#Biogr. du Dauph., ii, 153. - De Coston, Hist. de Mont., iii, 410. - Arch. de Valence. - Stat. pers. - Journ. d'un bourg. de Valence, ii, 187, 257, 271, 329. - Decourcelles, Hist. des pairs, vi, 20. - Courrier de la Drôme des 7 juin 1867 et 17 juin 1868. - Etc.




Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901

Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne

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