MONTAUBAN (Dragonet de)



MONTAUBAN (Dragonet de)), fils et successeur du précédent, s'offre à nous comme le type du baron du moyen âge, guerroyeur et d'autant plus sans pitié pour le faible, qu'il ne voyait en lui qu'une proie, sur laquelle il ne manquait pas de se précipiter, dès qu'il croyait pouvoir échapper aux censures de l'Eglise, dont il subissait la domination sans en comprendre les enseignements. Ayant recueilli, tout jeune encore, en outre de l'héritage de son père, celui de son aïeul qui, pour le mieux apanager, avait, ainsi que nous l'avons vu, déshérité sa fille Dragonette, femme d'Isoard d'Aix, il comprit bien vite que ce dernier ne manquerait pas de revendiquer une portion des biens de son beau-père, et, le comprenant, il chercha aussitôt un appui chez le comte de Toulouse, Raymond VII, dont son grand-père avait été l'un des plus fermes soutiens ; dans ce but, il lui prêta le concours de ses armes, ce qui lui valut d'être compris dans l'excommunication que le vicaire du cardinal-légat, Zoen de Tancari, évêque d'Avignon, lança le 15 juillet 1240, contre ce comte, pour avoir violé ses serments, attaqué l'ar{159}chevêque d'Arles et le comte de Provence, qui étaient des alliés de l'Eglise, et commis dans le Comtat, notamment à Avignon, à Barbentane et à Vaucluse, quantité de vols et d'autres excès.
Or, Isoard d'Aix, qui s'était fait de son côté un puissant allié dans la personne du prince d'Orange en lui donnant sa fille Malberione en mariage et, qui plus est, en dotant par anticipation celle-ci de terres et de châteaux faisant partie de l'héritage dont il revendiquait une part, n'attendait que le moment favorable pour entrer en campagne contre son neveu. A la nouvelle de l'excommunication de ce dernier et profitant aussi, semble-t-il, de son absence, il descendit donc en toute hâte dans la baronnie de Montauban et s'y empara d'un certain nombre de châteaux ; mais Dragonet, qui n'était pas homme à se laisser dépouiller aussi facilement, accourut aussitôt et, surprenant Isoard dans le château de Condorcet, fut sur le point de s'emparer de lui. D'où une guerre qui prit d'ailleurs bientôt fin et dont il recueillit tous les bénéfices ; car, le baron de Mévouillon, que l'on avait pris pour arbitre, rendit, le 3 mai 1242, une sentence adjugeant au jeune baron de Montauban les biens contestés et le mettant en outre hors de recherches pour les dommages par lui causés à Condorcet et ailleurs, en combattant son oncle Isoard. Cette sentence fit de Dragonet un seigneur d'autant plus puissant qu'il venait d'épouser, avec dispenses du pape, pour cause de parenté, Almuse de Mévouillon, fille du baron Raymond III et de Saure de Fay ; et l'on peut d'ailleurs juger de son importance dans la région par ce fait que, le comte de Toulouse s'étant engagé, le 22 novembre 1244, à donner sa nièce, Cécile de Baux, en mariage au comte de Savoie, Amédée IV, avec 6.000 livres viennoises de dot, Dragonet de Montauban figure, avec le comte de Valentinois et le prince d'Orange, parmi ceux qui se portèrent caution pour ce comte. Un autre témoignage de sa puissance est l'acte dont il se rendit coupable en 1248 et qui peint bien les mœurs du temps. Une jeune fille ayant été trouvée morte dans un fossé, près de Valréas, localité dont il était seigneur, et l'opinion publique accusant les Juifs de cette mort, sans enquête, ni jugement, ni procédure d'aucune sorte, il fit arrêter tous les Juifs du pays et, non content de les pressurer comme cela se faisait si souvent alors, il en fit torturer quelquesuns de la plus horrible manière : aliquorum virorum extractis testiculis, et mulierum mammellis evulsis, disent les registres du pape Innocent IV qui, dès qu'il fut instruit de ces atrocités, enjoignit à l'archevêque de Vienne de faire relâcher sur-le-champ tous ces malheureux.
Quatre ans après (juin 1252), Dragonet de Montauban ajoutait à sa baronnie d'autres biens, son beaufrère Raymond IV de Mévouillon lui ayant alors abandonné tous ses droits sur le château des Pilles et ceux de Montaulieu. Rochebrune, Ollon, St-Marcellin-lès-Vaison, la Roche-St-Secret et Blacons, pour la part advenant à sa sœur Almuse dans l'héritage de leurs parents. Mais cette acquisition est, croyons-nous, la dernière qu'il ait faite ; car, exception faite d'une confirmation des droits de l'abbaye de St-Victor de Marseille, sur le prieuré de St-Pierre d'Achaïs en 1251, et d'une reconnaissance de dette au profit du comte de Provence, Alphonse (1264), à qui il avait fait hommage pour la terre de Piégon, treize ans plus tôt, en échange de l'abandon à lui fait des droits de ce comte sur la terre de St-Pantaléon, les autres actes qui le concernent ne sont guère que des prestations d'hommages par des seigneurs, ses vassaux, saVoir : en 1274, par le maître de l'ordre du Temple en Provence, pour biens à Vinsobres ; en 1276, par Hugues et Rolland de Montbrun, pour la seigneurie de Montguers ; en 1277, par Raymond-Guillaume, pour partie de la terre de {160}Blacons ; enfin, en 1278, par Guillaume Falcon, pour la terre d'Odefred et partie de celle de Venterol.
Hiérarchiquement, Dragonet de Montauban était l'égal du Dauphin, lorsqu'il mourut en cette même année 1278 regretté de ses vassaux, suivant la tradition, et ne laissant de son mariage avec Almuse de Mévouillon que deux filles, dont l'aînée, appelée Randone, aura plus loin son article, et dont l'autre, appelée Dragonette et femme de Bertrand de Baux, seigneur de Pertuis, puis de Giraud Adhémar, seigneur de Rochemaure, mourut aux environs du 27 janvier 1291, date à laquelle elle testa en faveur de son mari, faisant des legs aux religieuses d'Aleyrac et de Bouchet, à l'église Ste-Croix de Montélimar, au prieuré d'Aygu et aux œuvres des ponts d'Aygu et du Fust, dans cette dernière ville.
A propos de legs, ajoutons que Dragonet de Montauban en fit un de 300 marcs d'argent à l'université de Vingula ( ?), qui ne nous est connue que par la quittance que Raymond du Mans, syndic de cette université, donna desdits 300 marcs au mois de juin 1296.
#Lacroix, L'Arr. de Nyons, ii, 41. - Bull. d'archéol, xxii, 446, art. de M.J. Chevalier. - Inv. des Dauph., 1260, 1305, 1332, etc. - Hist. du Languedoc, vi, 59. - Elie Berger, Les Reg. d'Innocent IV, p. 48. - Barthélemy, Inv. de Baux, 81, 105. - Arch. de l'Isère, B, 3638. - Cart. de St Victor, cl, 1128. - Etc., etc.




Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901

Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne

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