PAPE (Gaspard)



PAPE (Gaspard)), seigneur de St-Auban, homme de guerre généralement connu sous ce dernier nom, que Petitot et d'autres auteurs ont confondu avec son fils Jacques, et que de Thou distingue avec raison de Noé-Albert, seigneur de Saint-Auban, en Vivarais, qui saccagea la ville de Viviers en 1567, tandis que Rochas soutient le contraire, était l'arrièrepetit-fils du célèbre jurisconsulte Guy Pape, qui acquit, en 1479, la terre de Saint-Auban, dans les Baronnies, de Lancelot, bâtard de Poitiers. Fils de Philibert Pape et de Claudine de Bésignan, il épousa Blanche de Poitiers, petite-fille de Lancelot, le 4 mai 1545, et, d'abord lieutenant de la compagnie de son compatriote, le fameux baron de la Garde, Antoine Escalin (voir ce nom), accompagna celui-ci dans son ambassade à Constantinople ; puis, ayant fait également partie de celle du seigneur Aramon, obtint au retour une commission de capitaine de 300 hommes de pied (6 juin 1552). Deux ans après, il fit sous Montluc, cette malheureuse campagne d'Italie, pendant laquelle les Français battus par les Impériaux, non loin de Sienne, durent se réfugier dans cette ville, où ils furent ensuite assiégés. Or, à en croire l'auteur des Commentaires, la conduite de notre capitaine, pendant ce siège ne fut pas exempte de reproches ; car, indépendamment de ce qu'il ne tenait pas sa compagnie au complet, aimant " mieux un teston qu'un homme de bien ", il en laissait volontiers le commandement à un sien neveu, jeune homme inexpérimenté, et il en résulta que les assiégeants ayant escaladé le fort de Camolia, dont ce dernier avait la garde, une nuit qu'il " estoit dans son lict bien à son aise ", ce n'est que grâce à une prompte intervention de Montluc qu'ils n'en restèrent pas maîtres. De là une telle colère de celui-ci que, Saint-Auban étant accouru au bruit du combat, il lui mit l'épée sur la gorge en criant : " Paillard, meschant, tu es cause de nous faire perdre la ville, ce que tu ne verras jamais, car je te tueray tout à ceste heure, ou tu sauteras dedans. " Et, de fait, Saint-Auban, jaloux de racheter sa négligence par sa bravoure, se précipita, suivi de quelques autres, à l'endroit par où les ennemis étaient entrés et rejeta ceux-ci dehors. Mais Montluc ne lui en garda pas moins toujours rancune, ainsi que le prouve l'adjuration par laquelle il termine le récit de ce fait : " Capitaines, mes compagnons, mirez-vous et prenez exemple sur Saint-Auban, afin que vous aimiez mieux les vaillants hommes que l'argent. "
Revenu dans ses terres, qui étaient sur les confins de la Provence, Saint-Auban n'en reçut pas moins, du comte de Tende, gouverneur de cette province, une commission de mestre de camp, le 5 juillet 1558, et, le 15 septembre suivant, celle de commandant de Barcelonnette ; après quoi, les prédications calvinistes ayant pris un caractère menaçant dans notre contrée, il se joignit à Montbrun et quelques autres gentilshommes pour favoriser celles de François de Saint-Paul, dans l'église des Cordeliers de Montélimar (avril 1560), ce qui lui valut de compter parmi les principaux chefs militaires du parti huguenot provençal et dauphinois, dès qu'il eut pris corps. Ainsi fut-il chargé, le 16 février 1562, de lever 1,000 hommes de pied, à la tête desquels il alla faire, conjointement avec le comte de Crussol, chef suprême du parti en Provence et en Dauphiné, le siège de la petite ville de Barjols, qui fut prise {215}le sept mars et dont le saccagement donna le signal de quantité d'autres actes de sauvagerie.
Quelques mois plus tard, Saint-Auban, allait au secours de Condé, enfermé dans Orléans, où il venait de lever tout à fait l'étendard de la révolte, passant pour cela par le Lyonnais, où il s'empara de Villefranche, et par le Bourbonnais, où il échoua devant Moulins ; et telle fut l'impression qu'il fit sur le prince rebelle, que celui-ci, comprenant que les actes de barbarie de des Adrets compromettraient la cause protestante, le renvoya en Dauphiné, le 16 décembre, avec commission d'y commander à la place du farouche baron. Seulement, arrivé à Tarare, notre gentilhomme y fut fait prisonnier, et, la commission qui lui avait été donnée pour commander en Dauphiné à la place de des Adrets ayant été trouvée dans ses papiers, on s'empressa de l'envoyer à ce dernier qui, de dépit, allait très probablement déserter le parti huguenot, quand ses lieutenants, qui le surveillaient, l'arrêtèrent à Romans, le 10 janvier 1563, c'est-à-dire pendant que Saint-Auban était encore en prison. Relâché au bout de quelques mois, Saint-Auban promit de ne plus porter les armes contre le roi et de laisser son fils en otage, et le comte de Crussol ayant d'ailleurs remplacé des Adrets en Dauphiné, toutes choses s'arrangèrent à son avantage : on l'envoya, en effet, commander dans le Comtat-Venaissin et la principauté d'Orange, ce qui lui permit de servir encore son parti, sans manquer à sa parole. Et de fait, s'étant alors établi à Orange dont il fit une place de guerre, Saint-Auban poussa de là tant de pointes dans le Comtat, qu'en peu de temps, il y fut maître de soixante-dix ou quatrevingts villes ou villages, dans lesquels il interdit la célébration de la messe. Cependant, comme il était d'une modération relative, il n'hésita pas à faire publier l'édit de pacificacation que le prince Guillaume de Nassau lui adressa au mois d'août 1563, et fit même le possible pour calmer les passions surexcitées ; mais n'y étant pas arrivé, il abandonna sans peine le gouvernement de la principauté à Pierre de Warick, envoyé du prince, vers la fin de février 1564, ce qui ne veut pas dire qu'il déposa les armes et renonça à tout commandement. On le voit, en effet, s'opposer, l'année suivante, au rétablissement du culte catholique dans la ville de Nyons ; puis, s'emparer du Buis, après s'être plaint à de Gordes du mauvais vouloir du vibailli de cette ville à l'égard des huguenots. Enfin, ayant accompagné le comte de Crussol et Montbrun au siège de Montpellier, au mois de novembre 1567, il y fut tué dans une sortie des assiégés, laissant un testament en date du 2 octobre précédent.
#Biogr. Dauph., ii, 210. - De Thou, ii, 536. - De Coston, Hist. Montélimar, ii, 228, 243. - Comment. de Blaise de Montluc. - Hist. de Languedoc, liv. xxxix. - Chorier, Hist. gén., ii, 612. - Etc.




Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901

Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne

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