PAPE (Jacques)



PAPE (Jacques)), seigneur de St-Auban, fils puîné du précédent et de Blanche de Poitiers, né vers 1550, a laissé des Mémoires dans lesquels il raconte qu'il fut élevé en qualité de page, non dans la maison de l'amiral de Coligny, comme le disent tous les historiens, mais chez le comte de Crussol, et, qu'ayant " prins l'arquebuse " en 1563, il se trouvait auprès de son père quand celui-ci " reçut les quatre harquebusades " qui le tuèrent à Montpellier ; puis qu'il fit à la suite de son compatriote Blacons (voir ce nom,) la campagne de Saintonge et Guyenne (1568-1569), dans laquelle plusieurs régiments dauphinois furent anéantis ; enfin, que se trouvant à Paris, quand Maurevel, trois jours avant la Saint-Barthélemy (21 août 1572), tenta d'assassiner Coligny, il poursuivit l'assassin jusqu'à Corbeil sans pouvoir l'atteindre, et qu'ayant été arrêté à son retour à Pa{216}ris, il ne resta pas moins de sept semaines en prison, craignant à tout instant pour sa vie, et n'échappa à la mort qu'en feignant d'abjurer le calvinisme.
Rendu à la liberté, Jacques Pape se hâta de retourner en Dauphiné, où il ne manqua pas de se joindre à Montbrun, quand celui-ci releva l'étendard de la révolte. On le vit donc faire, en 1573, sur le Buis, une tentative qui échoua et dans laquelle il fut blessé ; mais, les catholiques irrités s'étant alors emparés de son château de Sahune, dans lequel il avait amassé tous ses objets précieux, et que reprit aussitôt Montbrun, il prit, quelque temps après, sa revanche en les chassant, après huit jours de siège, de la Roche-sur-Buis. Il comptait du reste, dès ce temps-là, parmi les chefs du parti huguenot en Dauphiné, ainsi que le prouve l'apposition de sa signature au bas des lettres qui furent adressées à de Gordes et au parlement de Grenoble, le 10 août 1575, pour les menacer de représailles si Montbrun, blessé et fait prisonnier, n'était pas traité en prisonnier de guerre.
Vingt-cinq mois plus tard (12 septembre 1577), ayant été commis par le roi de Navarre, chef suprême du parti huguenot en France, pour commander dans le Comtat-Venaissin, comme l'avait fait son père, Jacques Pape prit aussitôt le chemin de Ménerbe, place forte que les catholiques assiégeaient et qui était sur le point de capituler ; et, s'y étant introduit secrètement avec quelques soldats, il organisa si bien la défense, après s'être assuré de la personne du gouverneur, suspect de trahison, et avoir fait massacrer les habitants catholiques, si l'on en croit certains historiens, que la place tint jusqu'au 9 décembre de l'année suivante. Encore notre capitaine, qui était sorti de Ménerbe à la faveur d'une trève, après avoir, dit-on, dévalisé ses prisonniers, ne consentit-il à la capitulation, qui était accompagnée d'un traité de paix pour tout le Comtat, que moyennant une grosse somme d'argent, tant pour lui que pour ses soldats, et sur laquelle la princesse de Salerne, sa belle-mère, ne reçut pas moins de 20,000 livres, " en considération de ce qu'elle avoit fait pour déterminer son gendre à la paix ", ce qui fut une cause de violentes querelles entre notre capitaine et ses lieutenants.
Retiré ensuite dans ses terres, Saint-Auban ne laissa pas d'y être toujours une menace pour les catholiques de son voisinage, ainsi qu'on peut l'induire du démantèlement de son château de Sahune, qui fut ordonné le 25 août 1581 ; mais on ne sait pas combien de temps il y resta. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'il contribua dans une assez large mesure à la prise de Montélimar, le 25 août 1585, et qu'ayant ensuite rejoint l'un des fils de l'amiral de Coligny, Châtillon, en Rouergue, celui-ci le fit gouverneur de Milhau, ville où il se fit tellement détester des habitants, qu'ils complotèrent de l'assassiner pendant qu'il serait au prêche et que, ne l'ayant pu, attendu qu'il s'absenta fortuitement le jour dit, ils lui fermèrent leurs portes et pillèrent ses équipages. Cette hostilité l'obligea à se retirer auprès de Châtillon, qu'il accompagna l'année suivante (1587), lorsqu'il alla jusqu'en Lorraine, à la rencontre d'un secours de troupes allemandes ; puis, il battit en retraite jusqu'en Vivarais, d'où il y a tout lieu de croire qu'il regagna ses terres, car on le trouve mêlé, bientôt après, à une affaire des plus graves. Un des gendres de Montbrun, Jean de Rauques de St-Pardon, ayant été tué et Louise du Puy, sa veuve, prétendant que le seigneur de Saint-Auban était un des auteurs de cette mort, le conseil de justice protestant, alors établi à Die, ordonna de l'arrêter. Seulement, comme il arrivait souvent alors, en pareil cas, notre capitaine dut obtenir ensuite des lettres de grâce ; Lesdiguières, en effet, qui avait d'abord pris fait et {217}cause pour son accusatrice, l'employait en 1592, et, l'année suivante, il fut un des négociateurs de la trève avec le duc de Savoie. Mourut-il en 1594, comme on l'a dit, en s'appuyant sur ce que son testament est en date du 15 janv. de cette année-là ? On l'ignore. En tout cas, il se portait encore assez bien, le lendemain 16, pour écrire aux consuls de St-Auban, qui l'avaient prié de permettre qu'on fît chez eux les exercices du culte catholique, comme cela se faisait dans d'autres villages ayant des seigneurs protestants : " Ce n'est à moy à accorder ny à consentir que ayes prebtre ny messe, que le roy naye faict un edict général. Vous me dites qu'elle a esté remise en quelques lieux, sur quoy je vous respons que jayme mieulx que les aultres fassent faulte que moy. "
Marié, en 1573, à Lucrèce de Péretz, dont la mère épousa en secondes noces Ferdinand de San-Severino, prince de Salerne, Jacques Pape laissa un fils et trois filles. Pour ce qui est de ses Mémoires, on n'en connaissait que deux fragments contenant, l'un, de curieux détails sur la St-Barthélemy, l'autre, un récit de ce que fit l'auteur en 1586 et 1587, l'un et l'autre publiés par du Bouchet, puis réimprimés dans les collections Petitot, Michaud et Poujoulat, et dans le Panthéon littéraire, quand M. Edmond Maignien les a publiés intégralement dans la Revue Dauphinoise, d'après une copie appartenant à la bibliothèque de Grenoble. Leur véritable titre est : Discours de mes actions ; et c'est à tort qu'on a donné, comme en étant un troisième fragment, des Mémoires de ce qui s'est passé en Dauphiné depuis le mois d'avril jusqu'au vingtième de décembre 1587, qu'on trouve dans les Mémoires de la Ligue et qui ont été réimprimés dans les Actes et correspondance de Lesdiguières ; car, ainsi que le remarquent les éditeurs de ce dernier recueil, ce n'est là qu'une note secrète destinée à mettre le roi de Navarre au courant de ce qui se passait en Dauphiné, peut-être écrite par Saint-Auban, mais en tout cas n'ayant rien d'un récit historique.
#Biogr. Dauph., ii, 211. - France prot., viii, 102. - Chorier, Hist. gén., ii, 652. - Hist. de Languedoc, liv., xli. - Hist. guerres du Comtat, ii, 209-246. - De Coston, Hist. de Montélimar, ii, 431. - Arch. Dr., E, 4406, 5208. - Petitot. Coll., xliii, 455. - Douglas et Roman, Corr. Lesd., i, 4, 6, 192 ; iii, 185. - Etc.




Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901

Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne

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