POITIERS (Aimar)



POITIERS (Aimar II de), fils et successeur du comte Guillaume Ier s'intitulait comte de Valentinois du vivant de son père, si la légende du sceau qu'il y a encore de lui au bas d'une charte de 1186 a bien été complétée ainsi : sigillvm. ADEMARI. comitis Valentini, alors qu'il est simplement appelé Ademarus Pictavensis dans cet acte. En tout cas, {243}ayant hérité de son père, vers la fin de 1188, il chercha d'abord à gagner les bonnes grâces des habitants de Crest, - ville dont il voulait faire le boulevard de son petit état, bien qu'il n'en possédât qu'une moitié, - en leur octroyant des franchises municipales (mars 1189) ; puis, il se fit céder par le comte de Toulouse certains droits sur le Diois, et enfin, par son mariage avec Philippe de Fay, fille de Guillaume Jourdain et de Mételine de Clérieu, il acquit de grands biens sur la rive droite du Rhône. On peut conclure de là qu'il fut un des principaux artisans de la puissance de sa maison ; mais il est surtout connu par le rôle qu'il joua pendant la croisade contre les Albigeois.
Parent et allié du comte de Toulouse, Aimar II se croisa comme lui, bien qu'étant hostile à la croisade, et se trouva même au fameux sac de Béziers (22 juillet 1209) ; mais Raymond VI s'étant ensuite brouillé avec Simon de Montfort, notre comte de Valentinois se hâta de suivre cet exemple et, revenu dans ses états, déclara bientôt la guerre à l'évêque de Die, qui était un partisan résolu de la croisade, ce qui finit par amener les croisés dans notre contrée. Seulement, arrivé devant la place dans laquelle notre comte s'était fortifié, et que nous croyons être Bayes (Ardèche), Simon de Montfort jugea prudent de passer outre, sans provocation ni attaque, et, s'étant rencontré à Romans avec le duc de Bourgogne et les archevêques de Lyon et de Vienne, obtint d'eux qu'ils convoquassent Aimar, à qui ils signifièrent leur intention de faire cause commune avec le chef de la croisade, s'il ne se départait pas de son hostilité contre les croisés, ce qu'il promit. C'était au mois de décembre 1213, et, de fait, les habitants du Valentinois furent à l'abri de la guerre jusqu'en 1217, date à laquelle leur comte s'étant prononcé derechef contre Simon de Montfort, celui-ci accourut une seconde fois, du fond du Languedoc, pour le châtier. Menant avec lui une véritable armée, il ne se contenta pas alors, en effet, de menacer, mais ravagea le pays et, s'étant emparé de quantité de châteaux, mit le siège devant Crest, boulevard du comte de Valentinois, dont il se rendit également maître, grâce au concours que lui prêta l'autre seigneur de Crest, Silvion, qui était un vassal de l'évêque de Die. Mais ce n'est pas une raison pour croire qu'Aimar II fut alors réduit à merci ; car, une des clauses du traité de paix qui s'ensuivit porte que le vainqueur donnera sa fille en mariage au fils du vaincu, celui-ci s'engageant, par contre, à ne plus chercher querelle à l'évêque de Valence.
Cependant, Simon de Montfort ayant été tué, le 25 juin 1218, devant Toulouse, le fils du comte de Valentinois n'épousa pas sa fille, mais Flotte de Royans, d'où il s'ensuivit que les querelles de ce comte avec les évêques de Valence et de Die se compliquèrent de querelles de famille. Vers 1226, en effet, Guillaume de Poitiers, fils unique de notre comte et mari de Flotte de Royans, étant décédé, confiant à sa veuve, assistée des seigneurs de Bressieu et de Montlaur, la tutelle de son fils appelé Aimar, comme son aïeul paternel, celui-ci justement irrité revendiqua l'administration des biens qu'il avait donnés à son fils et, comme on la lui refusa, prit les armes ; ce que voyant, les seigneurs de Bressieu et de Montlaur achetèrent la protection de l'évêque de Valence, ennemi du comte, en soumettant à son fief les châteaux de Montoison et d'Upie et promettant de lui payer l'énorme somme de 45,000 sous viennois, marché qui fut ratifié par Flotte peu de jours après et que suivit une guerre des plus opiniâtres et des plus violentes dont les conséquences furent des plus malheureuses pour le vieil Aimar II, qui, bien qu'ayant appelé à son aide le sire de Faucigny, dut s'avouer vaincu et suprême ironie, vit ensuite cet {244}allié prendre pour femme sa bru victorieuse. Bien plus, son petit-fils ayant épousé plus tard les rancunes de sa mère, il se vit un moment réduit à solliciter l'intervention du comte de Toulouse, pour mettre cet enfant à la raison, et c'est, en un mot, dans les conditions les plus tristes que se termina vers 1250, l'existence de ce comte de Valentinois.
#Codex Sti Ruffi, ch. 63. - Hist. Languedoc, vi, 433. - Meyer, Chanson de la croisade, 13. - D. Bouquet, xix, 90, 116. - Bull. d'archéol., xxvii, 328 et suiv. art. de M. J. Chevalier. - Etc.




Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901

Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne

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