RAYMOND-MERLIN (Jean)



RAYMOND-MERLIN (Jean)), pasteur protestant à qui l'on donne, nous ne savons pourquoi, le surnom de Monroy, et de qui l'on a dit qu'il était le fils d'un docteur brandebourgeois, ami de Luther, établi en Suisse, à la suite d'une querelle avec le fougueux Ossiander, était en réalité de Romans et d'une famille bourgeoise, ayant pour auteur un certain Jean Raymond dit Merlin, barbier de cette ville, qui se qualifiait " cirurgien de rupture et de taille ", en 1367 ; lequel s'étant ensuite associé avec le nommé Jean Lelièvre, marchand de thériaque, pour " aller par païs, pour leur pain gaigner de leurs sciences et mestiers ", tua son associé au cours d'une querelle et ne revint à Romans qu'après avoir obtenu du roi Charles VI des lettres de grâce, au mois de mai 1381.
Né à Romans vers 1510, d'un autre Jean Raymond-Merlin, docteur en droit, le futur pasteur fit ses études à l'université de Valence, et, comme il fut des premiers dans notre contrée à professer la Réforme, il dut à cela d'être contraint de se réfugier en Suisse vers 1537.
Après avoir habité quelque temps la ville de Berne, où il se maria en 1548, il alla à Lausanne, où il obtint une chaire d'hébreu et se lia si étroitement avec Pierre Viret et Jacob Valier, autres professeurs à l'académie de cette ville, que ces derniers ayant été dépossédés de leurs chaires en 1558, par le gouvernement de Berne, il se fit un point d'honneur d'abandonner la sienne. Avec eux, il alla donc à Genève, où il obtint droit de bourgeoisie en 1559 et remplit plus de deux années durant les fonctions de pasteur, d'abord à Ferney, puis, dans la ville même.
Appelé à Paris par Coligny, au commencement de 1561, Raymond-Merlin fut chargé par le consistoire de cette ville d'une mission à la Rochelle, et c'est au retour que, passant au Mans, il y prêcha, avec un énorme succès, les doctrines calvinistes, puis s'empara, par surprise, de la ville, le 3 avril ; après quoi ses coreligionnaires se livrèrent à des excès contre les catholiques et leur culte, jusqu'au 12 juillet suivant, date à laquelle ils furent chassés par ces derniers.
On trouve ensuite notre pasteur au colloque de Poissy, où il ne joua qu'un rôle effacé ; puis, il alla prêcher en Béarn, sur l'invitation de la reine Jeanne d'Albret. De retour à Genève, le 14 août 1564, il y reprit ses fonctions pastorales. Seulement, le conseil de cette ville s'étant avisé, peu de temps après, d'enjoindre aux pasteurs de s'acquitter avec plus de zèle du devoir de consoler les malades et tout particulièrement les pestiférés, Raymond-Merlin s'insurgea contre cette prétention de l'autorité laïque de tracer leurs devoirs aux ministres du culte, et poussa même la hardiesse jusqu'à blâmer les magistrats du haut de la chaire, le 18 octobre 1564, ce qui lui valut d'être révoqué de ses fonctions quinze jours après.
{297}Revenu alors à Romans, avec sa famille, ensuite d'une autorisation du roi, il semblait devoir y terminer sa vie en simple bourgeois, quand la Saint-Barthélemy l'obligea, derechef, à s'expatrier. Il se retira en Savoie, où son fils aîné " l'alla quérir en une litière, attendu qu'il estoit malade d'une enflure de jambe ", et, arrivé de cette façon-là à Genève, il y fut si médiocrement reçu que, quatre ans plus tard, il adressait au Conseil de cette ville une requête tendant à savoir " s'il estoit forclos de pouvoir parvenir au ministère aux autres églises ".
On le mit alors en demeure de faire amende honorable pour la faute qu'il avait commise en blâmant les magistrats, et comme il ne s'y résignait pas, demandant " qu'on le supporte en son infirmité et qu'il ne soit point au rang des excommuniés ", on lui donna " terme de huit jours avant la Cène de Noël, pour recognoistre sa faute ", ce que voyant, le pauvre Raymond-Merlin confessa " qu'il pensoit avoir falli, puis qu'on le lui disoit et jugeoit ainsi. " On se contenta de cet aveu pour l'admettre à la cène et ne plus s'opposer à ce qu'on l'employât comme pasteur, pourvu que ce fût ailleurs qu'à Genève.
Il était du reste trop tard pour que notre pauvre Romanais pût postuler utilement n'importe quel emploi au dehors, car il mourut au mois de décembre 1578.
Marié : 1º à Romans, vers 1532 ; 2º à Berne, avec Jeanne Robert, en 1548, Jean Raymond-Merlin n'eut de son premier mariage qu'un fils, qui fut pasteur comme lui et de qui nous allons parler ; mais, le second lui donna trois fils et deux filles qui, s'étant établis à Romans après la mort de leur père, passèrent tous successivement au catholicisme, et qui, fait assez singulier, furent les seuls à intervenir dans un partage des biens paternels qui eut lieu, le 27 janvier 1586, devant le juge royal.
BIBLIOGRAPHIE. - I. Commentaires d'Œcolampade, sur Job et Daniel. Genève, 1561, in-8º. C'est une traduction en français, dont il y a, dit-on, une première édition de 1552.
II. Les dix commandemens de la loy de Dieu, translatez d'hébreu en françois. S.l. (Genève), Revery, 1562 ; in-8º de 291 + 59 pp., dédié à P. Viret.
III. Catéchisme extrait de celuy de Genève, pour examiner ceux qu'on veut recevoir à la Cène, avec la translation en langue Béarnoise. Limoges, Guill. de la Noaille, s.d., in-8º.
BIO-BIBLIOGRAPHIE. - Notes biographiques et généalogiques sur le ministre Raymond-Merlin et sur sa famille, par le docteur U. Chevalier. Valence, 1876, in-8º.
#Biogr. Dauph., ii, 141. - Pièces inéd. relat. au règne de Charles VI, ii, 153. - Rev. des soc. sav., vii, 365. - Haag, France prot., vii, 385. - Hauréau, Hist. littér. du Mans, vii, 32. - Rev. des soc. sav., vii, 365.




Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901

Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne

RAYMOND (Jean-Michel).htm <-- Retour à l'index --> RAYMOND-MERLIN (Pierre).htm