ROGIER (Claude)
ROGIER (Claude)), professeur de droit en l'université de Valence et l'un des hommes qui furent le plus mêlés aux affaires de cette ville pendant les guerres civiles du xvie siècle, devait être Valentinois, car il ne serait pas arrivé sans cela à jouer promptement un rôle aussi considérable dans la cité, y ayant même, plus d'une fois, revêtu la charge de consul. Devenu professeur vers 1554, il fut en effet chargé, l'an d'après (13 oct. 1555), de complimenter le cardinal de Lorraine au nom de la ville ; et, la première chaire de droit en l'université étant devenue vacante au mois d'octobre 1556, par le fait de la mort de Jean de Dorne, le conseil de ville l'y appela aussitôt, sans contestations d'aucune sorte, ce qui donna lieu, quelque temps après, à une querelle de préséance entre l'illustre Cujas et lui. Homme de la cité, chargé, pendant vingt ans au moins, de toutes les missions délicates et difficiles ; orateur disert, dont la parole eut toujours d'autant plus de poids, dans les discussions du conseil de ville, que son dévoûment à la chose publique ne pouvait être contesté, on le voit ensuite dépêché à l'évêque, qui était alors le fameux Jean de Montluc, pour connaître ses intentions à l'endroit de certains professeurs étrangers, que l'on se proposait de faire venir (1er mars 1558), et, quelques jours après (7 mai), pour le prier de faire punir quiconque aura " tenu des propos sinistres contre la foy et religion crestienne, et contre le corps de ville " ; puis, l'entretenir de ce que " puys quelque temps en ça, on a dressé une scole particulière, autre que celle de la ville, où l'on a entendu que s'y commect quelques abus à la doctrine des jeunes enfants. " Car, il faut dire que, différent en cela d'autres professeurs de l'université de Valence, Claude Rogier fut toujours un catholique fervent. Deux ans plus tard (1er avril 1560), les partisans de la Réforme s'étant mis à tenir, à Valence, des assemblées ou conventicules, qui amenèrent l'intervention du lieutenant de roi en Dauphiné et du Parlement, notre professeur fut envoyé vers ceux-ci, pour disculper la ville de toute participation à ces assemblées. Et, quand, au cours d'une sédition, le lieutenant de roi La Motte-Gondrin eût été assassiné dans la même ville, le 27 avril 1562, c'est Rogier encore qui fut chargé de " promptement informer sur la vérité du faict dudict homicide " ; mission qui n'était pas sans dangers pour lui, attendu qu'on la lui donna le surlendemain même de l'assassinat, c'est-à-dire alors que les séditieux étaient encore les maîtres : ce qui ne l'empêcha pas de la remplir. Enfin, la question de l'union de l'uni{320}versité de Grenoble à celle de Valence ayant été sérieusement posée en 1564, c'est le même Rogier qui conduisit, plus que tout autre, cette affaire d'une très grande importance pour les Valentinois ; car c'est lui qui complimenta le roi Charles IX lorsqu'il arriva à Valence, le 22 août, pour un séjour d'une douzaine de jours, dont on devait profiter pour hâter cette union, sa fille, Suzanne Rogier, étant une des deux demoiselles qui débitèrent alors au souverain les " carmes " ou vers faits pour la circonstance ; puis lui qui conduisit les négociations, et lui encore qui, ses efforts ayant été couronnés de succès, se rendit à Grenoble pour y faire enregistrer, nonobstant l'opposition des Grenoblois, l'édit du 8 avril 1565.
A cette date, du reste, Claude Rogier était d'autant plus l'homme des Valentinois, qu'il venait de se signaler par son dévoûment pendant la peste qui décima ses concitoyens, au mois de septembre 1564 ; et telle était son importance aux yeux de tous, que l'évêque Montluc ayant à se plaindre des procédés de certains membres du conseil de ville, s'adressa à lui pour faire savoir à tous qu'ils ne devraient plus compter sur son aide, attendu qu'il se proposait, au contraire, leur " bailler bride si roide, qu'ils n'auraient plus puissance d'introduire telles gens à l'administration de la République, " menace qui n'empêchait pas le prélat de terminer sa lettre par cette phrase toute significative : " Cela soit dit autant pour la communauté que pour vous qui estes consul, monsieur Rogier, que j'ayme et honore pour vostre vertu et prudhommie, et pour le debvoir que vous avez fait à secourir la ville en son grand besoin. "
Quant à rappeler toutes les démarches que ce professeur fit dans l'intérêt de ses concitoyens, tantôt sollicitant pour eux une diminution de charges ; tantôt allant " faire la révérence " en leur nom, à quelque grand personnage dont il importait de gagner les bonnes grâces, nous ne le pouvons pas ici. Aussi, nous bornerons-nous à dire encore que Rogier s'occupa davantage d'enseignement après l'union de l'université de Grenoble à celle de Valence ; la meilleure preuve qu'on en ait ce sont les 148 docteurs en droit qu'il fit recevoir en neuf ans, le plus souvent avec le concours de Cujas, quelquefois avec celui d'autres professeurs, et c'est, d'ailleurs, sur ses instances, que ce dernier consentit à rester encore pendant quelque temps à Valence, au mois de mars 1574.
Mais tout en s'occupant toujours beaucoup de l'enseignement du droit, il se préoccupa toujours des intérêts de la ville ; car, la description de Valence que l'on a de lui, et qui fut envoyée à Paris, le 20 novembre 1572, avec une " poultraicture et paincture " de cette ville par " maistre Pierre Prevost, maistre painctre de Grenoble ", après avoir été couchée dans le registre des délibérations consulaires, fut, évidemment, faite en vue d'obtenir quelque nouvel avantage pour les Valentinois. Et malgré cela, Rogier devint suspect à quelques-uns, - quand s'accentuèrent les différends du tiers état avec les ordres privilégiés au sujet des impôts, - à tel point que l'on discuta s'il était bien à même de représenter les intérêts de la ville dans les états généraux de 1577 ; et c'est probablement pour cela que, bien qu'ayant été quand même investi de cette mission, il crut devoir refuser le mandat qui lui était offert, en alléguant son grand âge et les cours qui allaient commencer.
Après cela, il n'est plus question de Claude Rogier, ce qui permet de supposer qu'il se retira auprès de sa fille, mariée en Vivarais, et que c'est là qu'il mourut.
#Biogr. Dauph., ii, 355. - Arch. mun. de Valence, BB, 6, 7, 10 ; CC 33. - Nadal, Hist. de l'univ. de Val., 68, 83, 91. - Revue du Dauph., v, 134.
Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901
Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne
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