SERMENT (Louise-Anastasie)



SERMENT (Louise-Anastasie)), fille savante et bel esprit, à qui ses goûts littéraires valurent des relations avec quantité d'écrivains célèbres de son temps, et qui doit à ces relations d'avoir son article dans l'Histoire de la France littéraire de l'abbé Lambert, dans Moreri et dans d'autres recueils, n'était pas de Grenoble, comme le disent tous les biographes, mais de Valence ou des environs de cette ville. En effet, Honoré de Serment, son père, qui acquit la noblesse avec une charge de conseiller du roi, lieutenant en la connétablie de France, était fils de Pierre Tastevin-Serment, notaire à Charpey (Drôme) ; et, si Girarde Girault, qu'il épousa le 14 septembre 1639, était de Paris et la fille d'un notaire de cette ville, nous savons, par un mémoire de cette dernière, que les nouveaux époux vinrent habiter Charpey, aussitôt après leur mariage ; puis, que des querelles domestiques les ayant contraints de changer de résidence, au bout de dix-huit mois, ils s'établirent alors à Valence, où le mari mourut et fut inhumé dans l'église Saint-Jean. Ceci, nous le savons par le testament d'une de ses filles, Marie-Anne Serment, qui mourut le 16 avril 1676, demandant à être enterrée dans le tombeau de son père. Cette fille eut sept frères ou sœurs : 1º Jean-Annet, capitaine au régiment de Tournaisis, qui épousa, le 2 janvier 1687, Jeanne de Galbert de Ronchol des Fonts, dont la famille était des environs de Valence ; 2º Claude, capitaine au régiment de Piémont, qui entra ensuite dans les ordres ; 3º Baptiste ; 4º Marie-Diane, religieuse ursuline, à Romans, sous le nom de sœur Marie de l'Incarnation ; 5º Angélique, qui est probablement celle qui vint à Paris avec sa sœur Louise-Anastasie et sa mère, et fut enterrée dans l'église Saint-André-des-Arts ; 6º Laurence-Madeleine, qui testa le 10 février 1685, instituant héritier Jean-Annet, son frère ; 7º enfin, Louise-Anastasie, celle qui a donné lieu à cet article et qui, quoique habitant Paris, oublia si peu Valence, qu'elle établit une substitution au profit des pauvres de cette ville dans son testament, en date du 13 avril 1691 : advenant que Louis-Honoré et Jean-Annet Serment, ses neveux, manquassent de postérité, elle voulait qu'une partie de son héritage, exclusivement composé de rentes sur les aides et gabelles et le clergé de France, fût consacrée à la fondation d'une école, où l'on apprendrait à lire, à écrire et les principes de la religion catholique aux enfants pauvres de la vilie de Valence et faubourgs, et que le reste constituât un fonds dont le revenu servirait, une année, à faire apprendre un métier à six pauvres garçons, et, l'an suivant, à doter cinq pauvres {339}filles de Valence encore. (Arch. de la Drôme, E. 1694). On ne saurait être plus Valentinoise.
Cela dit, rappelons que Louise-Anastasie Serment étant allée habiter Paris avec sa mère, devenue veuve, et une de ses sœurs, elle y fit partie de l'entourage de Mlle de Scudéry et fut l'amie et l'inspiratrice de Quinault, voire même quelque chose de plus, si l'on prend à la lettre certain quatrain de l'avocat général Etienne Pavillon ; puis, qu'elle fut une des admiratrices de Corneille, ce qui ne l'empêcha pas de le traiter de Normand, - en vers, il est vrai, - un jour que l'auteur du Cid s'avisa d'être tendre avec elle ; enfin, que c'est elle qui donna le goût des vers à l'abbé Genest, dont elle fut même un peu le Mentor, ayant son appartement sur le même palier que le sien. Quant à sa valeur, comme femme de lettres, elle était médiocre ; si l'on en juge d'après ce que Guyonnet de Vertron a recueilli d'elle dans sa Nouvelle Pandore (i, 78, 124, 132 et 308), son meilleur morceau est un sonnet sur la grossesse de Mme la Dauphine, publié sous le pseudonyme de Sybille gallicane. D'autre part, il paraît, assure-ton, que " la langue de Virgile lui étoit aussi familière que la langue françoise ", et c'est probablement là ce qui la fit recevoir dans l'académie des Ricovrati de Padoue, où on lui donna le surnom de la Philosophe.
Philosophe, Louise-Anastasie Serment l'était-elle dans le sens que Rochas donne à ce mot, en s'appuyant, pour cela, sur une pièce de vers dans laquelle notre académicienne dit aspirer au jour où elle ira
[...dans une nuit obscure,
Se livrer pour toujours aux douceurs du sommeil ?]
Assurément non ; car, si le sentiment exprimé dans ces vers a quelque chose de contraire à l'esprit religieux, combien en est-il autrement de celui qui a dicté ces deux autres vers, qu'on trouve dans la même pièce :
[Du maître des humains l'éternelle bonté
Des malheureux mortels est le plus sûr asile.]
Et, du reste, ne sommes-nous pas fixés sur les véritables sentiments de Mlle Serment, par celles de ses dispositions testamentaires que nous avons fait connaître et par l'obligation qu'elle imposa encore à son héritier de fonder, dans une église ou monastère, une messe quotidienne à perpétuité, pour le repos de son âme ?
Terminons en disant que Louise-Anastasie Serment habitait à Paris, rue des Fossés-Saint-Victor, une maison appartenant au collège des Ecossais, et que c'est là qu'elle mourut, à la suite d'intolérables souffrances, d'un cancer au sein, le 17 décembre 1692, en finissant ces vers :
[... nectare clausa suo,
Dignum tantorum pretium tulit illa laborum,]
si l'on en croit D. Noël d'Argonne, qui raconte le fait dans les Mélanges d'histoire et de littérature, publiés sous le pseudonyme de Vigneul-Marville (i, 177) ; enfin, qu'elle dut être enterrée suivant son désir, dans l'église Saint-André-des-Arts, " à côté de sa mère et de sa sœur ", et que l'inventaire qui fut fait de son mobilier, après son décès, mentionne, avec quelques tableaux de dévotion, le portrait de la défunte, ceux de son père et de Quinault, et 250 volumes " reliés en peau, en parchemin, etc..., qui traitent de divers sujets, et que les parties n'ont désiré être plus amplement particularisées. " (Arch. Drôme, E. 1693.)
ICONOGRAPHIE. - I. Louise-Anastazie de Serment. Portr. grav. En buste, de trois quarts à D., avec ce quatrain au bas :
[Telle une fille illustre à nos yeux s'est montrée,
Son esprit fut charmant, sa raison éclairée,
Et son cœur tout remply de force et de vertu,
Sous de longues douleurs ne fut point abattu.]
In-4º. J. Le Febure pinx. H. Habert sculpebat. - II. Copie en contre-partie, in-8º, suite de Desrochers.
#Biogr. Dauph., ii, 401. - Bull. d'archéol., vi, 324 ; ix, 207. - Ed. Maignien, Dict. des anon., 2435.
{340}SERRE (du). Voir : FERRE (de).




Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901

Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne

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