SUCY DE CLISSON (Simon-Antoine-François-Marie de)



SUCY DE CLISSON (Simon-Antoine-François-Marie de)), ordonnateur en chef des armées d'Italie et d'Egypte, né à Valence, le 19 juin 1764, d'Antoine-François, dit le chevalier de Sucy, commissaire des guerres au département de cette ville, et d'Anne-Marie Simon de Levet de Malaval, appartenait à une famille de Picardie, connue dès le xve siècle, et dont la noblesse fut reconnue en 1666. Entré à quinze ans dans le régiment provincial d'artillerie de Grenoble, en qualité de sous-lieutenant, il démissionna le 21 avril 1788, pour devenir élève commissaire des guerres, et succéda, le 1er juillet suivant, à son père, dans des fonctions qui étaient celles de nos intendants militaires actuels. Cette situation, jointe à un esprit des plus cultivés et fort libéral, en fit un des hommes les plus importants de sa ville natale, pendant les premières années de la Révolution, bien qu'il se tînt prudemment à l'écart des violents. Ainsi fut-il un des députés que ses compatriotes envoyèrent à Grenoble, le 18 juillet 1789, avec pouvoir d'y " consentir, au nom de la cité, à tous actes d'union et de sûreté qui seraient jugés nécessaires, " et, sept jours après, l'élisait-on membre du comité de correspondance politique.
Neuf mois plus tard (19 avril 1790), le roi chargeait Sucy d'organiser, de concert avec deux personnes de son choix, les nouvelles municipalités et les administrations départementale et de district, et c'est conséquemment lui qui, s'étant adjoint pour cela MM. de Josselin et Rigaud de l'Isle, convo{360}qua l'assemblée tenue à Chabeuil, du 19 au 29 mai 1790, pour la désignation du chef-lieu et des premiers administrateurs du département de la Drôme. Puis, en dépit de la marche des événements, il lui suffit de prêter le serment civique, le 1er mai 1792, pour pouvoir traverser en paix, auprès de sa mère, les plus mauvais jours ; exerçant même autour de lui une telle influence, qu'en pleine Terreur (28 mai 1793), il fit voter, malgré Payan, par les administrateurs du département et la municipalité de Valence réunis, une adresse à la Convention, l'invitant à mettre promptement fin aux querelles des partis, en élaborant une constitution dans laquelle " les principes philosophiques " se rencontreraient avec " la praticabilité, sans laquelle les lois sont de vaines théories. " Son activité étant d'ailleurs telle, que, tout en ne négligeant nullement ses fonctions, il s'occupait alors de tout ce qui intéressait les Valentinois : d'une fonderie de canons, qu'il dirigea d'abord lui-même ; d'une bibliothèque formée des livres des émigrés et des couvents, etc. Mais ce n'est qu'en 1794 (27 octobre), et non deux ans plus tôt, comme l'avance Rochas, que ses compatriotes envoyèrent " le citoyen Sucy, dont les lumières et le zèle sont bien connus ", et Montalivet, à Paris, pour y faire toutes démarches en vue de conserver l'école d'artillerie, qu'il était question de rendre aux Grenoblois.
Revenu à Valence après sept mois de démarches inutiles, Sucy, qui avait été élevé à la première classe de son grade en 1793, fut nommé commissaire ordonnateur à l'armée d'Italie, le 13 juin 1795, sur la recommandation du général Bonaparte, avec qui il s'était lié d'amitié, lorsque celui-ci, alors simple lieutenant d'artillerie, habitait Valence ; quatre mois plus tard (8 octobre), il était fait ordonnateur en chef de cette armée, forte de 58,000 hommes, ce qu'il fut jusqu'au mois de mai 1798, date à laquelle Bonaparte, qui avait pu apprécier les services de son ami à l'armée d'Italie, l'emmena avec lui en Egypte, au même titre d'ordonnateur en chef. Or, on peut juger de ce que fit Sucy, dans cette expédition, par ce passage d'un rapport de Bonaparte, en date du 6 thermidor an VI, c'està-dire du lendemain de la bataille des Pyramides : " L'ordonnateur en chef Sucy s'était embarqué sur notre flottille du Nil, pour être à portée de nous faire passer des vivres du Delta. Voyant que je redoublais de marche, et désirant être à mes côtés le jour de la bataille, il se jeta dans une canonnière, et malgré les périls qu'il avait à courir, il se sépara de la flottille. Sa chaloupe échoua. Il fut assailli par une grande quantité d'ennemis ; il montra le plus grand courage. Blessé très dangereusement au bras, il parvint, par son exemple, à ranimer l'équipage et à tirer la chaloupe du mauvais pas où elle s'était engagée. " Or, blessé, notre Valentinois, qui était un archéologue passionné, ayant rapporté de Rome, vingt et un ans auparavant, quantité d'objets antiques précieux, utilisa ses loisirs forcés en faisant faire des fouilles dans le pays des Pharaons, fouilles qui amenèrent d'heureuses découvertes, et lui valurent le titre de membre de l'Institut d'Egypte. Seulement il en résulta pour lui des fatigues qui, en altérant profondément sa santé, l'obligèrent à quitter l'Egypte. Embarqué, avec 78 autres officiers ou soldats blessés et le fruit de ses recherches archéologiques, sur une polacre génoise, commandée par le capitaine Marengo, il partit donc pour la France, le 21 décembre 1798 ; mais, le navire ayant dû faire relâche à Augusta, petit port de Sicile, après quinze jours d'une traversée orageuse, les autorités du pays, alors en guerre avec la République française, ne laissèrent débarquer Sucy et ses compagnons de route que pour les retenir prisonniers pendant dix-huit jours, au bout {361}desquels la populace ameutée tua ces malheureux à coups de pierre. Seuls Marengo, l'équipage et 21 Français restés à bord, échappèrent à ce massacre en prenant le large, dès qu'ils purent se rendre compte des mouvements de la foule.
Ainsi périt l'ordonnateur en chef Sucy, dont la mort fit naturellement du bruit et dont la collection d'antiquités égyptiennes fut à jamais perdue.
La ville de Valence a donné son nom à une de ses rues.
On a de lui : Précis des motifs qui doivent déterminer la Commission des travaux publics et le Gouvernement à ordonner la construction d'une route de Gap à Valence, par le col de Cabre. Paris, Augustin Donnier et Ramelet, s.d. ; petit in-8º daté du 14 frimaire, 3e année rép. et signé : S. Sucy - Montalivet.
ICONOGRAPHIE. - Portr. in-8º Buste de profil à D., dans le Voyage d'Egypte. - II. Grav. sur cuivre, in-4º. En pied, de 3/4 à G. 0,090/0,133. La Fitte del. Couché fils, aqua forti. Combat sur le Nil, dans les Fastes de la nat. franç., de Ternisien d'Haudricourt.
BIO-BIBLIOGRAPHIE. - Sucy, ordonnateur en chef de l'expédition d'Egypte, par Eug. François, dans le Bull. d'archéol. de la Drôme, X, 107 et 222.
#Biogr. Dauph., ii, 424. - Arch. mun. Valence, BB, 50. - Rochas, Mém. bourg., i, 9, 12, 28 ; ii, 73. - Moniteur, xxv, 436, 441, 445, 612, 617. - Etc.




Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901

Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne

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