TEYSSONNIER (Marie)



TEYSSONNIER (Marie{371}), dite Marie de Valence, pieuse femme de qui l'on a pu dire, avec quelque raison, qu'elle fut " une des âmes les plus élevées de son siècle ", naquit à Valence, non en 1576, comme le disent ses biographes, mais quatre ans plus tard, puisqu'elle n'était âgée que de 12 ans lorsqu'elle se maria, et que ce fut le 20 septembre 1592. Ses parents, qui " s'exerçaient dans la marchandise ", étaient originaires de Soyons (Ardèche) et avaient noms Aymar Teyssonnier et Antoine ou Antonine Blanchard ; mais sa mère, devenue veuve, était remariée à un sieur Antoine Guillon, quand Marie épousa, sur les instances de ce dernier à ce qu'on assure, le notaire Mathieu Pouchelon. Seulement, tandis que ce notaire est donné comme étant de la Baume-Cornillanne, son acte de mariage nous apprend qu'il était d'Allex ; et, comme ce mariage fut célébré en l'église Saint-Jean de Valence, de la manière la plus ordinaire, il faut convenir qu'il n'est guère vraisemblable que Marie Teyssonnier était encore calviniste, comme on le raconte, lorsqu'elle épousa Mathieu Pouchelon, également calviniste. Ce qu'il y a de certain, c'est que les mariés Pouchelon étaient établis à Valence dès le 17 février 1602, date à laquelle le mari déclara avoir reçu de sa belle-mère " un lit garny de coistre et cayssin de plume, deux couvertes avec ses linceuls et courtenage autour de toille, plus une douzaine de linceuls, quatre nappes et six serviettes, dix livres veysselle estaing, un chandellier loutton, une houlle de fer avec sa couverselle " et autres objets divers à lui promis par son contrat de mariage, " acte reçu le 12 septembre 1592, par Me Fabry, notaire. "
Menant au milieu du monde une vie de prières et de mortifications, dont elle ne se distrayait, par moments, que pour s'adonner aux bonnes œuvres, Marie Teyssonnier dut à cela d'exercer autour d'elle une influence tellement grande que, du vivant même de son mari, un couvent de Minimes fut fondé à Valence (1608), parce qu'elle en manifesta le désir. Devenue veuve, on la prit aussitôt pour une thaumaturge, dont la réputation se répandit promptement au loin. Le P. Cotton, qui était lui-même une des personnalités considérables du monde religieux à cette époque, fut son directeur spirituel ; d'autre part, la duchesse de Nevers, qui se proposait de fonder une communauté de religieuses à Charleville, dans les Ardennes, ne voulut rien faire sans avoir préalablement consulté la sainte de Valence, et, pour cela, vint la voir chez elle et fit même le possible pour l'emmener et la mettre à la tête de l'établissement qu'elle avait en vue : c'était en 1614. Huit ans après, le roi Louis XIII, la reine Anne d'Autriche et Richelieu, passant à Valence, voulurent voir celle dont on parlait tant ; la veuve d'Henry IV, Marie de Médicis, ne doutant pas que Marie Teyssonnier fût en communication directe avec Dieu, descendit à son tour jusqu'à Lyon, pour s'aboucher avec elle et la questionner sur le salut du roi son époux, si tragiquement enlevé à la France ; et l'on n'en finirait pas si l'on voulait nommer tous les personnages qui visitèrent l'humble veuve de Mathieu Pouchelon. Bornons-nous à ajouter, aux noms déjà donnés, ceux de St François de Sales, du cardinal de Bérulle et de M. Olier, le fondateur de Saint-Sulpice.
Pour ce qui est de l'importance que Marie Teyssonnier avait aux yeux des Valentinois, on peut la mesurer au fait suivant ignoré, du reste, des biographes. L'établissement d'un présidial, cour royale de justice du second degré, à Valence, en 1636, ayant, tout à la fois, comblé de joie les Valentinois et excité les colères de l'évêque, seigneur temporel de la ville, il s'ensuivit un interminable procès au cours duquel les magistrats municipaux, ceux du présidial et le chapitre cathédral lui-même, s'étant unis contre le prélat, exposèrent à Richelieu, dans un mémoire en date de 1639, que ce prélat qui depuis 25 ans ruinait ses {372}villes épiscopales en procès, était " brouillé avec les gouverneurs de Valence et de Die, avec le duc de Créqui, le connestable de Lesdiguières, le premier président Frère " ; ils l'accusaient en outre " d'avoir interdit le confesseur de la révérende sœur Marie Teyssonnier, qu'il appelait mère du Présidial, lui ayant défendu de la confesser, à peine d'excommunication ", ce qui prouve encore que la sainte femme ne se désintéressait pas complètement de ce qui pouvait être utile à ses compatriotes.
Remarquons, avec cela, que bien qu'on l'appelât couramment sœur, Marie Teyssonnier ne fit jamais de profession religieuse, et qu'à part deux années passées en qualité de pensionnaire chez les Visitandines, dont le couvent à Valence fut en grande partie son œuvre, elle habita toujours chez elle, d'abord rue Saint-Félix et ensuite rue Vernoux, dans une maison achetée vers 1624, du chanoine Félix Rostaing, où elle eut jusqu'à sa mort un oratoire particulier. C'est, d'ailleurs, dans cette maison qu'elle mourut, le 1er avril 1648, ayant dicté, onze mois auparavant (13 mai 1647), un testament par lequel elle faisait élection de sépulture en la chapelle des PP. Minimes, confirmait les donations par elle précédemment faites à ces religieux, et instituait héritière universelle " Marie Teyssonnier, sa petite niepce et filleule, fille naturelle et légitime de sieur Eymard Teyssonnier, son nepveu, et de demoiselle Marie Degenas. "
Ses restes, inhumés au lieu désigné, attirèrent une si grande foule dans la chapelle des Minimes, que l'évêque, sans douter de la haute piété de Marie, crut devoir mettre les fidèles en garde contre un culte prématuré ; et que celui des religieux de cette maison, qui avait été le confesseur de Marie Teyssonnier, ayant publié la vie de cette sainte femme, deux ans après sa mort, sur l'ordre de la reine, le même prélat déféra ce livre à l'Assemblée générale du clergé de France, qui se borna à trouver que l'évêque de Valence avait bien fait d'empêcher un culte prématuré. Peu à peu, cet enthousiasme se calma, du reste, et les ossements de Marie Teyssonnier reposèrent paisiblement dans l'église des Minimes jusqu'en 1793, date à laquelle quelques pieuses personnes se les partagèrent, pour empêcher qu'on les profanât. Maintenant, la plus grande partie de ces restes vénérés est chez les religieuses Trinitaires et une autre chez les Visitandines, dont la chapelle est précisément celle des PP. Minimes avant la Révolution.
BIO-BIBLIOGRAPHIE. - I. Histoire de la vie et mœurs de Marie Tessonnière, native de Valence en Dauphiné, composée et divisée en quatre Livres, par le R. P. Louis de la Rivière, minime théologien, de l'ordre exprès de la Reyne Régente, et imprimée par le commandement de Sa Majesté. A Lyon, chez Claude Prost, 1650, in-4º, avec portr. - II. Vie de Marie de Valence, par l'abbé Trouillat. Valence et Lyon, 1873 ; in-12 de xxx + 287 pp., avec portr., dont il y a une 2e édition (Tours, Cattier, 1877), in-12 de 311 pp., et une 3e, " revue et augmentée " (Paris et Poitiers, Oudin, 1896), in-8º de lix + 356 pp. - III. Articles de M. l'abbé Souchier, dans le Courrier de la Drôme de mai et juin 1853. - IV. Le souvenir historique de la rue Vernoux, à Valence. Valence, 1895, in-16 de 18 pp.
#Biogr. Dauph., ii, 428. - Arch. Drôme., B, 4, 5, 6 ; E, 1765, et fonds des Minimes. - Arch. Valence, GG, i. - Faillon, Vie de M. Olier, i, 177. - Nadal, Hist. hag., 393. - Etc.




Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901

Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne

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