VOULET (Paul-Gustave-Lucien)



VOULET (Paul-Gustave-Lucien)), officier dont le nom est attaché à l'un des drames les plus retentissants qui se soient passés, de nos jours, en Afrique, celui de Zinder, était tout à fait Drômois, bien que né à Paris, le 10 août 1866 ; car c'est à Crest, où son père exerça, pendant quelques années, l'art médical, qu'il passa la plus grande partie de sa jeunesse, et sa famille était de Saillans, bourg dont son grand-père paternel, autre médecin, fut plusieurs fois maire, sous le second Empire et la troisième République.
Engagé à 18 ans et quelques mois dans le 4e régiment d'infanterie de marine, il devint bien vite sous-officier, et, détaché ensuite en Cochinchine, ne revint en France que pour entrer à l'Ecole militaire de Saint-Maixent, d'où il sortit avec le nº 9 sur 451, en 1890, ayant obtenu, en fin d'année, le grand prix décerné par la Société de géographie, de Paris.
Dix-huit mois après, il allait au Soudan, pour y combattre Samory, " le Napoléon noir ", comme on l'appelait, sous les ordres du lieutenant Salvat, et, dès le 3 février 1892, il était cité à l'ordre du jour pour son " sang-froid, joint à un entrain admirable, au moment de l'assaut de Kérouané ", - qualités dont il fit également preuve au combat de Gana, le 10 mars suivant, à ce que nous apprend un autre ordre du jour, portant que le sous-lieutenant Voulet, " avec sa bravoure et son entrain ha{411}bituels, enleva alors des positions fortement occupées ", ce qui lui valut d'être décoré de la Légion d'honneur, le 6 décembre 1893.
Placé ensuite sous les ordres du capitaine Destenave, qui fut chargé d'une première mission au Mossi, dans les premiers mois de l'année 1895, Voulet se conduisit encore de telle sorte que le Ministre des colonies ne crut pouvoir moins faire que de l'en féliciter officiellement par lettre, et que le général Boislève, commandant en chef des troupes de l'Afrique Occidentale, vante, dans son ordre du 3 mai 1896, " l'intelligence, l'énergie et le sang-froid avec lesquels Voulet a dirigé la mission " ; puis, raconte qu'" à l'affaire de Téréli, resté seul Européen debout, dès le début de l'action, il n'en a pas moins continué et poussé à fond l'attaque d'un village défendu avec opiniâtreté par de nombreux et bons tireurs, et l'a enlevé et détruit complètement sous le feu le plus violent, en infligeant à l'ennemi des pertes considérables. " On le voit ensuite blessé dans un combat près de Sangha (19 juin 1896), qui eut en revanche, pour résultat, la soumission d'une peuplade ennemie, les Habé ; et, finalement, envoyé au secours d'un chef indigène, qu'on avait dépossédé parce qu'il était ami de la France, il ne se contenta pas de le rétablir dans son Etat, mais en dix mois (juillet 1896-avril 1897), et sans coûter plus de 20,000 fr. à la mèrepatrie, soumit à notre protectorat le Gourounsi et le Mossi, autrement dit un territoire de près de 150,000 kilomètres carrés, avec une population de plus de 4,000,000 d'âmes.
Ayant naturellement obtenu un congé à la suite de cette étonnante campagne, le lieutenant Voulet vint le passer en France, où il reçut les épaulettes de capitaine, le 26 novembre 1897, et où la Société de géographie de Lille lui fit faire, dans le même temps, une conférence sur la boucle du Niger, tandis que la Société de géographie commerciale de Paris lui décerna, le 15 février suivant, la médaille d'or Caillé, à cause des nombreux documents géographiques, topographiques et ethnographiques par lui recueillis, tout en bataillant, sur la contrée explorée. Mieux que cela, à la veille de quitter Paris pour retourner sur le continent noir, il fut reçu par le président de la République, qui lui prodigua les félicitations et les encouragements, et, pour tout dire enfin, jamais campagne ne fut entreprise sous de meilleurs auspices que celle de Voulet, lorsqu'il retourna au Soudan, en 1898, avec le capitaine Chanoine, qui avait déjà fait avec lui la campagne du Mossi. Sa mission était alors de remonter du Soudan vers le lac Tchad, pour s'y joindre à la mission Foureau-Lamy, partie d'Algérie ; seulement, arrivé au delà du Niger, ses procédés vis-à-vis des indigènes excitèrent de nombreuses plaintes, et l'un de ses lieutenants, qu'il avait renvoyé pour " incapacité et indiscipline ", l'accusa formellement d'atrocités de toutes sortes, si bien qu'instruit de tout cela, le Ministre des colonies ordonna d'envoyer immédiatement sur les lieux un officier supérieur chargé de vérifier la valeur de telles accusations et, dans le cas où elles seraient fondées, de faire arrêter les coupables, après avoir pris la direction de la mission. Cet ordre est du 16 avril 1899. Dix jours après, le lieutenant-colonel Klobb partait de Kayes à la recherche de la mission Voulet, et il était sur le point de l'atteindre, après une marche de près de trois mois, quand Voulet lui fit savoir qu'on tirerait sur lui s'il avançait davantage ; et comme il ne tint pas compte de cette menace, il fut en effet tué le 14 juillet 1899, non loin de Dankori, par une décharge de coups de fusil qui blessa grièvement un lieutenant qui l'accompagnait.
Passé ainsi à l'état de révolté, de complicité avec Chanoine, notre ca{412}pitaine drômois, la tête perdue, ne craignit point ensuite de se donner comme tel au petit corps qu'il commandait, dans un discours qu'il lui adressa le surlendemain ; voyant cela, les autres chefs de la mission résolurent alors de ne plus lui obéir. Il s'ensuivit un conflit dans lequel Chanoine et Voulet périrent, fusillés par leurs troupes, à Maizirgui, le premier, le jour même, et Voulet, le lendemain 17 juillet, à 5 h. du matin, suivant l'acte de décès dressé, deux jours après, par le lieutenant Pallier, dont le journal a fait quelque lumière sur cette tragique et mystérieuse affaire.
BIO-BIBLIOGRAPHIE. - Explorateurs et soldats. Voulet, par le capitaine Paimblant du Treuil. Paris, 1899 ; gr. in-8º de 39 pp., avec portrait. Ce portrait a été reproduit par le Lyon Républicain illustré du 10 septembre 1899, et par d'autres journaux.
#Journ. off. - Le Nouvelliste de Lyon, des 22 juin et 21 oct. 1899. - La Croix de la Drôme, du 31 juillet au 9 octobre 1898. - Etc., etc.




Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901

Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne

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