Page 342 - Tous les bulletins de l'association des" Amis du Vieux Marsanne"
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LES CANONS DE FRESNEAU


               Les  visiteurs  qui  arrivent  devant  la  chapelle  de  Fresneau  sont  souvent  surpris  de  voir,  de
               chaque  côté du porche,  deux gros canons qui font plus penser à la  guerre qu'à la paix qui
               règne en ce lieu.

               Et  pourtant,  ils  devraient  faire  réfléchir  ceux  qui  s'inquiètent  de  leur  présence  aux
               responsabilités et à l'origine de nombreuses guerres.

               Celle qui a conduit ces deux pièces d'artillerie à se dresser ainsi sur l'esplanade était la guerre
               de  Crimée  qui  se  terminait  en  1855,  au  moment  même  où  la  vierge  de  Fresneau  était
               couronnée.

               Cette coïncidence des dates du 8 septembre pour une victoire franco-anglaise sur les troupes
               russes avait frappé M. de Montluisant dont l'énergie avait obtenu de la commune de Marsanne
               l'emplacement pour la construction dont il se fit l'architecte.

               De  plus,  on  raconte  que  l'évêque  de  Viviers,  alors  chargé  ce  jour-là  de  l'homélie,  ne  put
               s'empêcher d'inviter les fidèles présents à prier pour nos valeureux soldats qui se battaient au
               Proche-Orient et, emporté par sa foi, il les vit victorieux rentrant en France.

               Or, on apprit quelques jours plus tard que ce jour-là, le corps expéditionnaire français sous la
               direction du général Pélissier avait enlevé le fort de Malakoff, ouvrant ainsi la voie à la prise
               de  Sébastopol  ;  ce  général  devait,  grâce  à  cet  exploit,  être  nommé  maréchal  et  duc  de
               Malakoff.

               M. de Montluisant, peu  de temps après, lui, montait à Paris  et demanda à  être  reçu par le
               ministre de la Guerre de Napoléon III, à qui il exposa le hasard de la date du 8 septembre,
               victoire  à  Sébastopol,  fête  religieuse  à  Fresneau  ;  il  lui  demanda  donc  un  souvenir  des
               trophées que les troupes françaises n'avaient pas manqué de rapporter. Il y avait bien quatre
               canons de bronze russes parmi ce butin, mais ils venaient d'être attribués à N-D du Puy-en-
               Velay et à N-D de la Garde à Marseille, chacune de ces deux basiliques devant les fondre
               pour les transformer en cloches. Il ne restait que deux canons de fonte qui furent attribués à
               Fresneau où on les érigea le 10 janvier 1860. Voilà comment ces 4 894 kg de fonte, ornés de
               l'aigle impérial russe à deux têtes, figurent en bonne place dans les surprises des pèlerins.

                                                                                                                                               Roger Bonnet
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