BENOIT (Gaspard)



BENOIT (Gaspard)), avocat et docteur en droit, qui naquit à Crest, le 8 juin 1579, et mourut vers 1645, était le fils aîné du marchand Antoine Benoît, qui fut consul de cette ville en 1576, et le frère d'un Jean-Louis Benoît, avocat consistorial au parlement de Grenoble, de qui l'on a un livre de raison assez curieux (Arch. hosp. de Grenoble, H, 58). A défaut d'enfants de son mariage avec Marie de Lastic, fille de Raymond, coseigneur de Saoû, qu'il épousa en 1606, il laissa tous ses biens, notamment un important domaine à Allex, à un fils de son frère, autre avocat en parlement, appelé Antoine Benoît, qui fit enregistrer, en 1697, ses armoiries : d'azur à la colombe d'argent, au chef cousu de gueules, chargé de 3 étoiles d'or. Celui-ci manquant à son tour de postérité, légua en mourant sa fortune aux hôpitaux de Grenoble (15 avril 1700) ; et ses armoiries, par ordre des administrateurs, furent placés dans la salle du Conseil des pauvres. Les archives de ces établissements ne renferment pas moins de 2,869 pièces, réparties en 21 cartons, sous la rubrique : Cabinet Benoît.
Mais ce n'est pas là ce qui nous fait consacrer un article à Gaspard Benoît ; car, si louables que soient les libéralités faites, avec ses biens, aux hôpitaux de Grenoble, elles ne nous intéressent qu'indirectement, et c'est à son héritier qu'en revient tout l'honneur. En un mot, ce que nous voyons dans Gaspard Benoît, c'est l'auteur d'un livre ayant pour titre : Déclaration du sieur Gaspar Benoît, bourgeois de la ville de Crest en Dauphiné, contenant les justes causes de sa Conversion à la foy catholique, apostolique et romaine, avec cette épigraphe : " Si aucun a faute de Sapience, qu'il la demande à Dieu, et elle luy sera donnée, mais qu'il la demande en foy, ne doutant nullement. " S. Jacques, chap. I. - (A Tovrnon, par Clavde Michel, imprimevr de l'Vniversité. m.dc.xix)). In-12 de 163 pages, plus l'approbation des docteurs en " la sacrée Faculté de théologie " (de Valence), le permis d'imprimer donné ensuite de cette approbation, par " Benoît Varnier, {90}docteur ez droicts, vicaire général de Monseigneur le Révérendissime André Deleberon, evesque et comte de Valence et Dye ", le 28 octobre 1619, et un erratum. On ne connait de cet ouvrage que deux exemplaires, l'un chez Mme de Lamorte-Félines, l'autre au grand séminaire de Romans. Il se distingue de la plupart des livres de controverse de cette époque par une grande modération.
Ce petit volume renferme surtout un récit des circonstances dans lesquelles l'auteur passa du protestantisme au catholicisme ; c'est une sorte d'autobiographie, en même temps qu'un curieux tableau des mœurs de cette époque. Car, après avoir fait connaître la date de son baptême et dit qu'il eut pour parrain " Messire Gaspard Rolland, abbé de St-Rufz-lez-Valence ", il y raconte que son père étant décédé au mois de septembre 1586, " Catherine Martin, sa mère, laquelle dez le temps que les catholiques de Crest estoyent publiquement forcez à coups de baston d'adhérer à la Religion (protestante), fut portée par la fragilité de son sexe, à en faire profession. " Il en résulta qu'il fut instruit " en ladite religion... en laquelle il profita tellement, qu'ayant attaint l'aage nécessaire, il eut longues années l'honneur mondain et calviniste, d'estre au rang des Pères Consistoriaux, député aux Colloques et Synodes et employé aux plus urgentes affaires de ladite religion. " Mais le Père Isnard étant venu prêcher à Crest pour la Pentecôte, il alla l'écouter, puis lui demanda de lui traduire en français certains passages de saint Ambroise et de saint Cyrille, qu'il avait cités en chaire. Ayant ensuite prié " M. l'advocat Berlhe, son nepveu, l'un des Pères consistoriaux, de lui traduire, à son tour, ces mêmes passages, celui-ci le fit de la même façon que le jésuite, " et cette conformité jointe aux " passages très clairs et très exprez qu'il avoit leus dans la saincte Escriture, mesmes en l'impression de Genève ", le toucha tellement, que son neveu Berlhe jugea bon de faire appel au concours de " M. Guyon, fameux ministre de la Religion ", pour le retenir dans le giron protestant.
Par suite, il entra en conférence avec le ministre Guyon, qui, après avoir argumenté avec lui toute la matinée du 22 août 1619, lui fit dire qu'il fallait " qu'il parte pour Dieulefist, lieu de sa demeure, parce qu'il avoit un enfant à baptiser et qu'il avoit promis à M. de Condorcet de prescher le lendemain samedi, dans sa maison ; ... puis que M. de Vinay, ministre de Crest, devoit arriver le soir de Grenoble, où il estoit allé pour essayer de se faire députer par les églises pour aller en Cour, ou avoir la chaire ministrale dudict Grenoble ", et qu'il se pourrait mieux instruire avec lui. Partant, notre homme se rendit avec son neveu, chez M. de Vinay, le 26 août, sur les 7 heures 1/2 du matin, et " luy ayant donné le bonjour dans le lict, attendu qu'il n'estoit encore levé ", lui proposa une conférence, ce que le pasteur de Crest accepta, à la condition qu'ils n'auraient pas d'autres témoins que Berlhe, parce que " ce n'estoit la coustume de ceux qui veulent estre instruits, d'avoir des tesmoins suspects comme sont les Papistes ". Cela n'empêcha pas de Vinay de renvoyer ensuite Benoît aux œuvres de du Moulin. D'où violente colère de celui-là qui, s'emportant alors contre de Vinay, l'accusa de fuir un débat public, parce qu'il était incapable de le soutenir et se " vouloit maintenir en sa chaire ministériale et, par ce moyen, le train et la famille, de peur d'estre démis de sa charge... et, par conséquent, privé de ses gaiges et réduict aux aumosnes, comme soldats inutiles à toute sorte de travail licite, qui sont congédiez par le bénéfice de la paix et privez des injustes et damnables charges qu'ils ont sur le pauvre peuple, sous prétexte d'une juste guerre. "
Seize jours après, toutes choses étant toujours en même état, le Con{91}sistoire fit demander à Benoît, s'il irait " au presche ou à la messe " le lendemain dimanche ; et comme ce dernier répondit qu'il ne ferait ni l'un ni l'autre, on le somma de se présenter devant " le ministre et son Consistoire " à l'issue du prêche, pour rendre compte de sa conduite. Mais il s'y refusa, voulant, disait-il, avoir une dispute en règle et devant témoins, avec M. de Vinay, et, pour que ce dernier n'en ignorât, il chargea quelques amis de le lui signifier. Seulement, lorsque ces envoyés de Benoît se présentèrent chez le pasteur de Crest, pour s'acquitter de leur mission, " bien qu'il fust 8 heures, on leur répondit que Monsieur n'estoit encore levé ; à 11 heures, que Monsieur disnoit,... à 4 heures, que Monsieur estoit allé aux champs et ne reviendroit que le lendemain. " Et c'est pour cela, ajoute l'ardent néophyte, que " voyant que le pasteur avoit quitté le baston pastoral et n'osoit plus me parler que de loing... je le quittay aussy... et me fis solennellement recevoir catholique, avec le sieur Jacques Arnoux et trois de ses enfants, le moings aagé de 25 ans ", le dimanche 15 dudit mois de septembre 1619.
#Etat civil de Crest. - Arch. hosp. de Grenoble. - Etc.




Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901

Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne

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