BÉRENGER (Alphonse-Marie-Marcellin-Thomas)



BÉRENGER (Alphonse-Marie-Marcellin-Thomas)), dit Bérenger de la Drôme, fils du précédent et l'un de nos grands criminalistes, naquit à Valence le 31 mai 1785 et, dévenu conseiller auditeur à la cour impériale de Gre{93}noble en 1808, était depuis quatre ans avocat général à la même cour, lorsqu'il fut élu député de l'arrondissement de Valence au mois de mai 1815. A ce titre, il demanda, le 23 juin, que le Gouvernement provisoire fùt collectivement responsable et, le 26, qu'aucune arrestation, ni mise en état de surveillance ne pût avoir lieu sans motifs clairement énoncés, et que les personnes atteintes par de semblables actes pussent toujours faire valoir leurs réclamations devant une Commission leur offrant toutes garanties d'impartialité et d'indépendance ; enfin, le 30 juin, il se prononça d'une manière si énergique en faveur de la dynastie napoléonienne, que c'est en partie à cause de cela que Napoléon Il fut proclamé empereur, le 2 juillet.
Six jours après, M. Bérenger s'associait à la protestation Lanjuinais, puis se démettait de sa charge d'avocat général, après quoi il ouvrit à Paris un cours de droit public et de droit des gens, tout en continuant des études qui aboutirent à la publication de son livre : De la Justice criminelle en France (1818), ouvrage dans lequel il dénonce les abus et les vices des lois inspirées par le désir de fortifier le pouvoir beaucoup plus que par le sentiment de l'équité et de la justice, et cela non par esprit d'opposition contre le gouvernement d'alors, comme on pourrait le croire, mais parce qu'il fut toujours un partisan convaincu de cette vraie et sage liberté qui n'est autre chose que la justice. Il est bon de dire, en effet, que ce défenseur des intérêts de la dynastie napoléonienne au lendemain de Waterloo n'avait pas craint de se déclarer le partisan des institutions libérales et de sages réformes, dans l'entrevue que la cour d'appel de Grenoble eut avec Napoléon Ier, alors que celuici revenait de l'île d'Elbe tellement acclamé qu'il ne semblait plus y avoir qu'à s'incliner devant un redoutable maître.
Ce livre de M. Bérenger eut, par suite, un très grand succès et, par cela même qu'il plaça aussitôt son auteur au premier rang de nos publicistes, il jeta le plus vif éclat sur son cours. Malheureusement celui-ci ne tarda pas à être interrompu par un douloureux événement de famille. Rappelé à Valence par la mort de sa mêre, qu'il perdit en 1819, le savant criminaliste resta dans cette ville jusqu'au 15 février 1828, date à laquelle un vote presque unanime des électeurs de l'arrondissement l'envoya une seconde fois à la Chambre des députés, où il fut réélu jusqu'en 1839 et où il fit successivement partie de l'opposition constitutionnelle et de la majorité conservatrice, sans jamais se départir des principes qu'il affirmait le 9 juillet 1831, au lendemain d'une troisième élection : " Démêler et faire le bien à travers tant de passions, tant d'exigences, tant d'ambitions déçues, incessamment prêtes à vous accuser si vous ne leur cédez aveuglément, est souvent au-dessus des forces humaines, disait-il ; mais il est, du moins, une promesse que je puis vous faire parce que je connais assez mes forces pour être assuré de la tenir toujours, c'est que, lorsque ma raison sera convaincue, ni la crainte de m'aliéner la bienveillance du pouvoir, ni celle d'exposer une popularité à laquelle j'attacherai toujours le plus grand prix, mais que l'homme public doit savoir compromettre, ne me détourneront, sur quelque sujet et dans quelque occasion que ce soit, d'un vote que ma conscience me dira être dans l'intérêt de la patrie. " Tout en se rattachant par sa conduite politique au parti de Casimir Perier, dont il fut un des soutiens et sur la tombe de qui il prononça un mémorable discours, M. Bérenger se tint d'ailleurs, autant que possible, à l'écart des débats purement politiques, se réservant pour des discussions d'un ordre plus élevé, dans lesquelles il intervint toujours avec d'autant plus d'autorité, que ses vastes connaissances et des études spéciales lui permettaient d'y faire toute lumière et d'y apporter le plus souvent des aperçus nouveaux. Aussi est-ce lui qui rapporta, en 1829, un projet de loi relatif à {94}l'administration de la justice ; en 1830, la proposition de M. de Tracy, tendant à l'abolition de la peine de mort ; en 1831, la loi sur la constitution de la Chambre des pairs ; en 1833, la loi sur la responsabilité ministérielle ; et, toujours fidèle à ses principes, il n'intervint dans la discussion des lois de septembre 1831 que pour demander des garanties contre l'arbitraire.
M. Bérenger parla encore au nom de la Chambre des députés, dans le procès des ministres de Charles X et, devenu conseiller à la Cour de cassation, le 14 mai 1831, puis chargé par le roi de travailler, conjointement avec ses ministres, à la revision du Code pénal, enfin compris dans la section de législation de l'Académie des sciences morales et politiques, lors de la réorganisation de cette académie en 1833, il était, en un mot, une des personnalités les plus considérables de la Chambre des députés, lorsqu'il fut nommé membre de la Chambre des pairs, le 7 novembre 1839. Or, son importance dans cette dernière assemblée ne fut pas moins grande que dans l'autre ; car, tout en se tenant de plus en plus à l'écart des querelles des partis, il y prit une large part à la discussion de différents projets de loi, tels un projet tendant à modifier certains articles du Code pénal et un autre relatif à l'organisation de l'enseignement secondaire. De plus, il y fit nombre de rapports, un notamment sur la réforme pénitentiaire, dans lequel il préconise ce régime cellulaire, qui a, " suivant une spirituelle remarque, tant fait crier les gens exposés à aller en prison. " L'une des grandes préoccupations de l'éminent criminaliste ayant toujours été de moraliser les condamnés, ainsi que l'attestent, non seulement un remarquable mémoire écrit en 1836 pour l'Académie des sciences morales et politiques, mais encore la fondation, en 1830, de la Société de patronage des jeunes libérés de la Seine et d'autres œuvres du même genre.
La révolution de février 1848 mit fin à la carrière législative de M. Bérenger, mais le magistrat n'en fut que plus en vue chez lui. Président de la Haute-Cour de Versailles, chargée de juger les accusés de l'attentat du 15 mai 1848, puis de la Haute-Cour de Bourges, devant laquelle comparurent les insurgés de juin 1849, il fit preuve, en l'une et l'autre circontance, d'une dignité et d'une impartialité auxquelles les accusés eux-mêmes ne purent s'empêcher de rendre hommage, et sa retraite, en 1860, causa autant de regrets que sa nomination à l'une des trois charges de président à la Cour suprême, en 1849, avait été bien accueillie. Il était alors grandofficier de la Légion d'honneur, depuis le 5 août 1857. Quant à sa mort, arrivée à Paris, le 9 mars 1866, elle causa une douloureuse émotion dans le département de la Drôme et surtout dans la commune du Bourg-lès-Valence, où il avait sa maison de campagne et dont le conseil municipal décida, le 3 mai suivant, à l'unanimité, " que le portrait de M. Bérenger, ancien pair de France, président honoraire à la Cour de cassation, grandofficier de la Légion d'honneur et membre du Conseil municipal de la commune, serait placé dans la principale salle de la Mairie. "
ICONOGRAPHIE. - I. Dans l'Illustration, portr. grav. sur bois. Buste de 3/4 à D., avec cette légende : M. de Bérenger, président de la Haute-Cour de Justice à Bourges, d'après un dessin fait à l'audience, par l'accusé Degré, dit le Pompier. - II. Autre, in-fol., grav. sur acier. Buste de 3/4 à D.A. Charpentier, fecit. Imp. Lemercier.
BIO-BIBLIOGRAPHIE. - I. Le président Bérenger (de la Drôme), par M. Fernand de Saint-Andéol. Caen, 1862, in-8º. - II. Le président Bérenger (de la Drôme). Discours prononcé à l'ouverture des conférences des avocats stagiaires, par A. Benoît. Grenoble, Allier, 1866, in-8º de 44 pp. - III. M. le président Bérenger (de la Drôme). (Extrait de l'Impartial Dauphinois du 14 mars 1866.) In-8º de 8 pp. à la fin duquel on lit : Grenoble, Maisonville et fils. - IV. Notice historique sur M. Bérenger (de la Drôme). Paris, Mme Lacombe, s.d. (1868), in-8º, signé à la fin : Félix Drouin. - V. Bérenger de la Drôme, par M.S.-G. dans le Bull. d'archéol., {95}i, 123. - VI. Institut de France. Notice sur la vie et les travaux de M. Bérenger, par M. Ch. Giraud. Paris, Firmin Didot, 1878, in-4º de 38 pp. C'est un tirage à part des Mém. de l'Acad. des sc. mor. et pol.
BIBLIOGRAPHIE. - I. Novelles de Justinien, trad. du latin. Metz, 1810-1811, 2 vol. in-4º ou 10 vol. in-12.
II. De la Religion dans ses rapports avec l'éloquence. Discours prononcé à l'ouverture des audiences de la Cour de Grenoble au mois de novembre 1813. Grenoble, Veuve Peyronard, 1814, in-8º de xi + 49 pp.
III. De la Justice criminelle en France d'après les lois permanentes, les lois d'exception et les doctrines des tribunaux. Paris, Lhuillier, 1818, in-8º.
IV. Rapport sur les Statistiques civiles du Ministère de la justice. (Dans le tome i des Mém. de l'Acad. des sciences mor. et polit., p. 473 et suiv., et dans la Revue du Dauphiné, ii. 265 et suiv.)
V. Des Moyens propres à généraliser en France le système pénitentiaire, en l'appliquant à tous les lieux de répression du royaume, à tous les individus qui, à quelque titre que ce soit, sont sous la main de la Justice, et en plaçant les libérés sous la protection organisée de la bienfaisance publique. Paris, 1836, in-8º. (Publié d'abord dans le tome i des Mém. de l'Acad. des sciences mor. et pol. et réimprimé plusieurs fois.)
VI. Discours de M. Bérenger, président de l'Académie (des sc. mor. et pol.), prononcé aux funérailles de M. Comte, le 15 avril 1837. S.l.n.d. in-4º.
VII. Cour de cassation. Question des duels. Arrêt rendu à l'audience du 15 décembre 1837, précédé du rapport de M. le conseiller Bérenger. S.l.n.d., in-8º de 56 pp.
VIII. Œuvres de Barnave mises en ordre et précédées d'une notice historique sur Barnave, par M. Bérenger de la Drôme. Paris. 1843, 4 vol. in-8º avec portrait et fac-simile.
IX. Chambre des Pairs, séance du 24 avril 1847. Rapport au nom d'une Commission spéciale chargée de l'examen du projet de loi sur le régime des prisons. S.l.n.d., in-8º de 170 pp. plus 2 ff. pour tabl. stat.
X. De la Répression pénale, de ses forces et de ses effets. Paris, 1853, in-8º
XI. Résumé de la discussion générale du projet d'article destiné à remplacer l'art. 25 de la Charte constitutionnelle. S.l.n.d., (10 oct. 1831,) in-8º.
XII. Rapport fait au nom de la Commission chargée d'examiner la demande tendant à obtenir l'autorisation établie par l'art. 44 de la Charte constitutionnelle. S.l.n.d., (23 déc. 1831), in-8º.
XIII. Rapport fait au nom de la Commission chargée de l'examen du projet de loi sur la responsabilité des ministres et des agents du Gouvernement et sur la juridiction de la Cour des Pairs. S.l.n.d., (20 avril 1833), in-8º.
XIV. Discours dans la discussion du projet d'adresse, en réponse au discours du Trône. S.l.n.d., (2 janv. 1834), in-8º.
XV. Discours sur le droit d'amnistie. S.l.n.d., (janv. 1835).
En outre de cela, M. Bérenger a rédigé les comptes-rendus annuels de la Société de patronage des jeunes libérés de la Seine, de 1833 à 1853.
#Biogr. Dauph., i, 107-108. - Vapereau, Dict. des Contemp. - Journal de la Drôme, nº du 9 juillet 1831. - Biogr. impartiale des 221. - Quérard, France litt. et Litt. franç. contemp. - Etc.




Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901

Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne

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