DEDELAY D'AGIER (Pierre-Claude-Noel)



DEDELAY D'AGIER (Pierre-Claude-Noel)), naquit à Romans, le 15 décembre 1750, de François-Noël Dedelay, avocat au parlement de Paris, puis secrétaire du roi en la Grande {238}Chancellerie, qui s'établit à Romans à la suite de son mariage avec Marie-Jeanne Agier, de Moras. Entré à dixhuit ans dans la compagnie écossaise des gendarmes de la garde du roi, il se fit remarquer en 1777 par la publication d'un Cours d'hippotomie, sorte d'abrégé d'hippiatrique, qui lui valut d'être nommé correspondant des académies de Saint-Pétersbourg et de Stockholm, et devint ensuite sous-lieutenant de cavalerie dans le régiment mestre-de-camp-général ; ce qu'il était encore, le 7 février 1780, date à laquelle il épousa Marguerite-Françoise Devaloy, fille d'un riche bourgeois de Romans. Retiré du service militaire peu de temps après, il se fixa alors dans sa ville natale, s'occupant activement d'agriculture et préconisant les prairies artificielles, dont il introduisit la culture dans la contrée. Avec cela, il fut un ardent propagateur des idées dont la Révolution devait être le triomphe, et cette attitude l'ayant fait élire maire de Romans, le 15 novembre 1787, il l'accentua encore dans l'assemblée quasi révolutionnaire qui se tint à Grenoble au mois de juin suivant. Seulement, il excita, par cela même, de telles colères, qu'on l'enleva, en vertu d'une lettre de cachet, dans la nuit du 10 au 11 juillet 1788, et l'emmena au fort Brescou, près d'Agde, où il fut incarcéré, ce qui ne fit, naturellement, qu'accroître sa popularité. Dès le lendemain, en effet, la municipalité romanaise protestait contre l'arrestation " d'un citoyen constamment vertueux " et, quelques jours après la fameuse Assemblée de Vizille, prenait une délibération dans laquelle il est dit que le roi sera supplié " de renvoyer à ses fonctions le sieur Dedelay d'Agier, maire de Romans, et que les Trois Ordres ne cesseront jamais d'invoquer la protection des lois, du roi et de la nation, en faveur des citoyens dont on attaquera la liberté par des lettres de cachet. " Mais ce n'est cependant qu'après deux mois, au moins, de détention, que notre Romanais fut rendu à la liberté ; car il ne reprit pas ses fonctions de maire avant le 21 septembre 1788 et, bien qu'il figure, en qualité de représentant de la noblesse, sur la liste des membres de la première assemblée de Romans (10-28 septembre 1788), on ne voit pas qu'il ait pris une part quelconque aux travaux de cette Assemblée au sein de laquelle il ne se rendit, croyons-nous, que la veille de sa clôture, pour la remercier des marques de bonté qu'elle lui avait données en demandant pour lui, au roi, " le cordon de son Ordre ", c'est-àdire la croix de chevalier de Saint-Michel.
Un mois après, Dedelay d'Agier complimentait, au nom des Romanais, le parlement de Grenoble revenant de l'exil ; six semaines plus tard, il siégeait dans les Etats du Dauphiné assemblés à Romans, qui l'élurent suppléant de député aux Etats généraux, le 11 janvier 1789, et la mort de l'abbé de Dolomieu, au mois de décembre suivant, lui ouvrit enfin les portes de l'Assemblée constituante, au sein de laquelle il joua un rôle véritablement important. Après s'être prononcé, le 11 février 1790, pour la suppression des ordres religieux, il ne craignit pas, par exemple, de demander pour tous leurs membres indistinctement une pension, soutenant que " les ordres mendiants sont utiles et que la nation leur doit une récompense en raison de leurs services. " Il prit ensuite la défense des officiers municipaux dont on voulait augmenter la responsabilité dans les moments de trouble ; puis demanda l'abolition de la dîme et son remplacement par un traitement fixe pour les ministres du culte, parce qu'il ne fallait pas, disait-il, " exposer aux incertitudes d'une récolte, la classe véritablement admirable des curés de campagne, qui offre continuellement des vertus peu connues et trop peu appréciées ", et témoigna en outre, de l'élévation de ses vues et de ses connaissances pratiques, dans la discussion des questions économiques ou administratives. C'est ainsi qu'il déposait, dès les commencements du {239}mois de mars 1790, sur le bureau de l'Assemblée, tout un ensemble d'observations sur la réorganisation des tribunaux, et on peut dire qu'il est le premier qui ait approximativement fait connaître le revenu net et imposable de la propriété foncière en France (séances des 5, 6, 7 et 11 octobre 1790) ; ajoutons qu'il intervint toujours avec autorité, dans cent autres discussions, par exemple, lorsqu'il fallut fixer le traitement des membres du clergé et pour s'opposer à la liberté du commerce du sel, pour faire attribuer aux municipalités une partie du produit de la vente des biens nationaux et pour accélérer cette vente, ayant été nommé, dès le 7 avril, commissaire pour l'aliénation desdits biens. Enfin, comme il ne perdit jamais de vue les intérêts de Romans, c'est à lui que cette ville dut d'être pendant quelque temps le siège d'un tribunal et d'une administration de district, ce qu'il " n'obtint pas sans peine, si l'on en croit une lettre du 24 janvier 1790, dans laquelle il raconte, d'un ton badin, les démarches qu'il lui a fallu faire pour cela, auprès de Mgr de Babylone, qu'il ne connaissait pas plus que Mgr de Péquin. "
L'Assemblée constituante s'étant dissoute (septembre 1791), Dedelay d'Agier revint à Romans, où il reprit ses occupations agricoles, mais où il ne retrouva pas sa popularité d'autrefois. Quelque grands que fussent les services qu'il avait rendus et les gages qu'il avait donnés à la Révolution, on le traita en suspect. Alors que, le 21 décembre 1789, on portait en triomphe son portrait à l'hôtel de ville et donnait son nom à une place publique, le 5 février 1793, il dut réclamer, sur l'attestation de huit citoyens, un certificat de résidence, dans lequel on trouve le signalement que voici : " taille cinq pieds quatre pouces, cheveux et sourcils noirs, yeux gris, nez petit en l'air, bouche petite, menton moyen, front large et un peu couvert, visage ovale. "
Voyant cela, Dedelay-d'Agier reprit du service, en qualité de lieutenant, dans l'armée du Midi, au mois de juillet suivant ; puis, étant revenu à Romans, entra à ce point dans le courant révolutionnaire, que soixante et onze sociétés populaires assemblées à Valence, le 8 septembre de la même année 1793, ayant décidé d'envoyer une adresse à la Convention, il fut un des rédacteurs de cette adresse, dans laquelle se trouve ce passage : " Ordonnez que Barnave et Dumolard, ces deux conspirateurs, soient traduits au tribunal révolutionnaire, et vous aurez arraché deux dents de plus au monstre du fédéralisme. " Mais il regagna si peu, quand même, les faveurs de la foule, que les Jacobins de Paris l'ayant accusé d'avoir fourni de faux états, à la suite d'une inspection des forteresses du Nord, faite de concert avec le comte de Narbonne, il lui fallut se défendre devant la Société démocratio-républicaine de Romans et qu'il n'échappa même qu'avec peine aux conséquences de cette accusation, bien qu'elle fût sans fondement ; ce qui, joint à d'autres tracasseries, lui fit abandonner Romans pour le Bourg-de-Péage, où il avait de grandes propriétés, dans lesquelles il entreprit alors des travaux importants pour faire travailler les malheureux inoccupés.
Elu membre du Conseil des Anciens, pour le département de la Drôme, le 24 avril 1797, Dedelay d'Agier prit également une large part aux travaux de cette assemblée, dont il devint le président le 21 avril 1799. Entré au corps législatif après le 18 brumaire, il fut appelé à sa présidence le 7 mars 1800 et, enfin, proclamé membre du Sénat conservateur le 19 décembre de la même année ; après quoi il obtint le grade de commandeur dans la Légion d'honneur, lors de la création de cet ordre, et le titre de comte de l'Empire, ce qui ne l'empêcha pas d'envoyer avec empressement son adhésion aux délibérations du Sénat, dès qu'il fut instruit des événements de 1814, conduite qui lui valut d'être {240}nommé pair de France, le 4 juin. Seulement, comme il se rendit ensuite auprès de l'Empereur, qui l'en récompensa en le faisant entrer dans la Chambre des Cent-Jours, cette nouvelle volte-face lui fit perdre son siège de pair au retour de Louis XVIII, et ce n'est que le 11 novembre 1819 qu'il le recouvra pour le conserver jusqu'à sa mort, arrivée au Bourg-de-Péage, le 4 août 1827.
A en croire certaines notes de police, le comte Dedelay d'Agier, bien que jouissant d'une grande fortune, était plus qu'économe, et l'on raconte même que l'Empereur, qui aimait que ses dignitaires fissent figure, lui envoya un jour un équipage dont il dut payer la facture. Il n'était pas moins singulier dans ses allures, suivant ceux qui l'ont connu ; car on raconte qu'il parcourait ses propriétés, monté sur un âne, coiffé d'un large chapeau de quaker, vêtu d'un long habit à la française et chaussé de bottes à l'écuyère. Mais ce qu'il faut surtout se rappeler, c'est qu'il fut la providence des malheureux de son pays pendant sa vie et qu'en mourant, il laissa à la ville du Bourg-de-Péage, les fonds nécessaires pour un hôpital et une école gratuite, pour une distribution quotidienne de 500 soupes pendant l'hiver et, de plus, 4,000 livres de revenu en rentes ou en grains, pour alimenter une caisse de secours pour les ouvriers pauvres de Romans et du Bourg-de-Péage.
ICONOGRAPHIE. - I. Portr. grav. sur cuivre, in-8º ; buste de profil à G. dans un médaillon rond de 0,083, au-dessous duquel on lit : Clde Pre de Delay d'Agier, maire de Romans, né en décembre 1750, député du Dauphiné à l'Assemblée nationale de 1789. Détenu au château de Brescou le 14 juillet 1788 et fait la même année chevalier de l'Ordre du Roi sur la demande de sa province. Gros del. Beljaube, sculpt., Déjabin, édit. - La ville de Romans a fait placer un médaillon de Dedelay d'Agier sur le piédestal d'un monument à la République.
BIBLIOGRAPHIE. - I. Prospectus d'un cours d'hippotomie ou anatomie du cheval, et de pathologie ; avec un abrégé d'hippiatrique. Nancy, Vve Leclerc, 1777, in-8º.
II. Lettres de M. de Serant à M. Dedelayd'Agier, avocat au siège présidial d'Angers (sic) et réponses de M. Dedelay, 1788. " Ouvrage digne de la réputation des deux correspondants ", est-il dit dans l'introduction du Moniteur, par qui nous connaissons cette publication.
III. Délibération de la ville de Romans du 11 juillet 1789. S.l.n.d., in-8º de 490 pp., et in-12 de 8 pp. C'est un discours de Dedelay approuvant la conduite des députés à l'Assemblée nationale.
IV. Délibération de la ville de Romans du 17 juillet 1789. S.l.n.d., in-8º de 8 pp. C'est, en grande partie, une allocution de Dedelay applaudissant à la délibération prise deux jours auparavant par la municipalité de Grenoble.
V. Rapport fait au nom du Comité pour l'aliénation des biens domaniaux et ecclésiastiques, sur la vente de ces biens. S.l.n.d., in-8º de 16 pp. Rapport qui se trouve encore avec le Décret rendu le 14 mai 1790, sur la vente des domaines nationaux... Paris, Impr. Nat., 1790, in-8º de 33 pp.
VI. Opinion sur l'impôt en général, prononcé à la séance du 16 septembre 1790. Imp. Nat., in-8º de 34 pp.
VII. Opinion sur le projet de décret du Comité de l'imposition sur la contribution foncière (5 octobre 1790). S.l.n.d., in-8º de 11 pp.
VIII. Seconde opinion sur la définition du revenu net imposable d'une propriété foncière (11 octobre 1790). Paris, Impr. Nat., in-8º de 8 pp.
IX. Quatrième opinion sur l'organisation de l'impôt. Paris, Imp. Nat., 1791, in-8º de 45 pp.
X. Instruction sur les bases d'une législation sur les grains, adoptée par l'Assemblée générale des sociétés populaires du Midi, réunies à Marseille, présentée au nom de son Comité des treize, le 9 octobre 1793, l'an II de la République et le dernier des tyrans, par Pierre Dedelay, rapporteur et président. Marseille, Mossy, 1793, in-8º de 24 pp.
XI. Rapport sur les moyens d'améliorer l'agriculture dans le district de Romans, fait à la Société populaire de ce chef-lieu et de l'Unité-sur-Isère. S.l.n.d., (an III) ; in-8º de 64 pp., qui fut imprimé aux frais du département, croyons-nous.
XII. Instruction sur la manière de cultiver, de conserver et d'employer la pomme de terre.
XIII. Réponse de M. Dedelay, membre du Comité central de la guerre, à M. Servan, ministre de ce département, sur la dénonciation faite par M. Delafosse, artiste vétérinaire, employé dans les remontes générales de l'armée (6 juin an IV). S.l.n.d., in-8º de 20 pp.
XIV. Opinion sur la résolution du 6 floréal, sur les réductions et décharges de la contribution foncière (17 messidor an V). Paris, Imp. Nat., an V, in-8º de 10 pp.
XV. Opinion sur le droit d'enregistrement et son influence sur la législation civile et {241}bursale (27 messidor an V). Paris, Imp. Nat., an V, in-8º de 32 pp.
XVI. Opinion sur la résolution du 9 thermidor relative à la perception de la contribution personnelle, mobilière et somptuaire (14 thermidor an V). S.l., Imp. Nat., an V, in-8º.
XVII. Opinion sur la résolution relative aux fonds nécessaires pour les dépenses de l'an VI et le remboursement de deux tiers de la dette publique (8 vendémiaire an VI). S.l.n.d., in-8º de 35 pp.
XVIII. Opinion sur l'inspection des contributions directes (22 brumaire an VI) Imp. Nat., an VI, in-8º.
XIX. Opinion sur la taxe d'entretien des grandes routes (12 frimaire an VI). Paris, Imp. Nat., an VI, in-8º.
XX. Rapport sur la résolution du 29 frimaire an VI, concernant le droit d'entretien des routes, (3 nivôse an VI). Paris, an VI, in-8º.
XXI. Opinion sur les rentiers réduits, par l'effet de la mobilisation, à une inscription de 200 liv. et au-dessous (8 pluviôse an VI). Paris, Imp. Nat., in-8º de 16 pp.
XXII. Motion d'ordre sur l'ordre à établir dans la discussion des parties civile, administrative et fiscale du Code hypothécaire (2 prairial an VII). S.l.n.d., in-8º.
XXIII. Opinion sur la publicité et la spécialité de l'hypothèque. (25 prairial an VI). S.l.n.d., in-8º de 11 pp.
XXIV. Opinion sur la résolution relative au régime hypothécaire (22 brumaire an VII). In-8º de 4 pp.
XXV. Discours de clôture prononcé par Dedelay-d'Agier, président du Corps législatif, dans la séance du 29 ventôse an VIII. Imp. Nat., in-8º de 4 pp.
XXVI. Opinion sur le projet de loi relatif à la liberté de la presse (27 août 1814). S.l.n.d., in-8º de 19 pp.
XXVII. Notes du comte Dedelay-d'Agier, sur le discours du Ministre... à la Chambre des pairs, dans la séance du 30 août (1816). S.l. Crapelet, s.d., in-8º.
#Biogr. Dauph., i, 303. - Arch. de Moras, GG, 4, - Arch. de Romans, BB, 47. - Dr Chevalier, Généal. romanaises. - Procés-verbal de l'Assembl. des Trois-Ordres, 110. - Le Moniteur officiel. - Ad. Rochas, Mém. d'un bourg., i, 322. - De Courcelles, Hist. des pairs, vi, 206. - Fastes de la Légion d'honneur, ii, 278. - Etc., etc.




Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901

Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne

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