DÉODEL, DODEL ou DAUDEL (Etienne)



DÉODEL, DODEL ou DAUDEL (Etienne)), prélat qu'on appelle quelquefois, par erreur, Etienne Déodat, naquit à la Garde-Adhémar vers 1534. Neveu, par sa mère, du célèbre baron de la Garde, Antoine Escalin des Aimars, un des grands hommes de guerre du xvie siècle, il dut probablement à cette parenté d'être chanoine-sacristain, autrement dit troisième dignitaire du chapitre cathédral de Marseille, à vingt-trois ans (1557), et d'être nommé, douze ans après, par le roi, à l'évêché de Grasse, alors qu'il venait seulement d'être reçu docteur en droit civil et canonique en l'université d'Avignon (3 mai 1569). Ses bulles sont du 13 février 1570, mais ce n'est cependant que le 30 novembre 1573 qu'il fut sacré dans la chapelle du palais des Papes, suivant Pérussis, retard qu'expliquent les guerres civiles qui désolaient alors la Provence et le Comtat-Venaissin, lesquelles furent probablement aussi cause qu'il ne résida guère dans son diocèse. Car, indépendamment de ce que le P. Marcellin Fornier dit à la date de 1583-86, que " les evesques de Digne, de Grasse et de Vence, comme bannis de leurs eveschez, vagabondoient sans demeure asseurée ", nous savons qu'au mois d'avril 1570, Déodel était établi dans son village natal, en qualité de procureur de son oncle, le baron de la Garde, et encore le 8 février 1579, date à laquelle un capitaine Eyrol prévenait les consuls de la Garde-Adhémar et " M. de Grasse " qu'on avait chargé ung de la relligion, qui est à Saint-Paul, de surprendre leur lyeu, avec intelligence de quelques ungs dud. lyeu. "
Ayant été pourvu ensuite de l'abbaye de Cruas, ce prélat y faisait sa résidence quand ce monastère fut assiégé par un parti de huguenots, que les religieux, qui se conduisirent en cette circonstance comme de vieux soldats, repoussèrent vaillamment ; et c'est également là qu'il mourut de la peste au mois d'août 1568, dans des circonstances dont le chanoine de Bannes, son arrière-petit-neveu, a laissé le plus émouvant récit : " Les moynes ayant sceu, dit-il, que ledit seigneur evesque estoit malade, se retirèrent, ne luy restant qu'un moyne nommé Pierre Déodel, sacristain, son petitneveu, qui ne le voulut jamais abandonner, et un chirurgien ; les deux estant fort jeunes, car ledit sacristain n'avoit alors que seize ans et le chirurgien dix-huit. Ils firent tout leur possible pour le garantir de la mort mais leurs services luy furent inutiles. Estant donc décédé, ledit seigneur evesque, ces deux jeunes garçons le crièrent aux moynes, qui leur dirent de porter le corps hors du chasteau, par la porte de derrière qu'est du costé de la montagne, qu'ils trouveroient une fosse faite pour inhumer ledit corps mort, avec des pelles pour le couvrir de terre. Ces jeunes gens emmaillotèrent le corps avec des linceuls et en après le vestirent d'une robe d'escarlate violette, faisant des bandes des rideaux du lit dudit défunt, desquelles ils le ceignirent tout du long. En après, ne le pouvant porter, d'aultant qu'il estoit grand et gros, ils le traînèrent par les pieds par la chambre et les degrés. Mon oncle m'a dit que tous les coups que la teste donnoit par les degrés l'affligeoint si fort, avec le jeune chirurgien, qu'ils estoient résolus de l'ensevelir dans la maison s'ils eussent peu. Tant y a, qu'avec de grandissimes peines, ils traînèrent ce corps jusques à ladite porte laquelle estoit haute pour le moins d'une toise sur le terrain du dehors. Ils demandèrent quelques poutres pour le faire rouler ; mais ces messieurs les moynes leur crièrent de loin de le jeter en bas ; ce qu'oyant ledit sacristain s'en alla quérir quelques linceuls et des cou{245}vertes. Estant dedans la chambre ou estoit mort son oncle, il ouyt quelques moynes à la basse-cour, qui disoient de se saisir des meubles dudit seigneur evesque, ce qui l'obligea de se saisir de son calice et d'une coupe d'argent qu'il rencontra sur une table ; et descendant avec les couvertes et linceuls, ils attachèrent le corps et croyant de le descendre bellement de ladite porte, le corps qui estoit pesant les emporta, qu'ils faillirent de se tuer. Néanmoins, Dieu leur donna de la force pour le transporter jusqu'à la fosse où ils l'inhumèrent avec larmes et regrets... Mondit oncle fit tirer les ossements dudit seigneur evesque du lieu où il l'avoit inhumé, en 1610, et les fit porter dans l'abbaye, qu'est au dehors du village, et fit bastir l'autel de Saint-Pierre, sous lequel il fit mettre et ensevelir lesdits ossements. "
#Notes de M. Albanès. - Gams, Series episc., 55. - M. Fornier, Hist. Alp. mar., éd. Guillaume, ii, 596. - Arch. Drôme, E, 7046, 7093. - Poncer, Mém. Vivarais, iii, 433. - Mém. mss. du chanoine de Bannes.




Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901

Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne

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