ESCALIN DES AIMARS (Antoine)



ESCALIN DES AIMARS (Antoine)), baron de la Garde, dit le capitaine le Pollin ou le Poulin, un des plus grands hommes de guerre du xvie siècle, naquit à la Garde-Adhémar, vers 1498 ou 1500. Pithon-Curt dit qu'il était fils de Louis Escalin, ce qui est d'autant plus probable qu'il y avait dans ce temps-là une famille de ce nom à la Garde-Adhémar, et M. Lacroix pense que le nom de des Aimars, qui est celui d'une autre famille du même lieu, pourrait bien être celui de sa mère, ce qui n'a rien d'invraisemblable ; mais on pense généralement, quand même, qu'il était un bâtard de Louis Adhémar, baron de Grignan et de la Garde, ne pouvant expliquer autrement la donation que ce dernier fit, à Antoine Escalin, de la seigneurie de la Garde-Adhémar, le 26 décembre 1545. Quoi qu'il en soit, Escalin, étant encore " jeune enfant, gentil et tout esveillé d'esprit avecques bonne façon ", lorsqu'il suivit, malgré son père, un caporal qui passait à la Garde, allant guerroyer au-delà des monts, et " lui servit de goujat environ deux ans ", à ce que raconte Brantôme. De goujat il devint soldat, puis caporal à son tour, et se trouvait enfin lieutenant en 1537, date à laquelle il alla, avec sa compagnie, au secours de Château-Dauphin assiégé par les Impériaux. Or, ce fut là le point de départ de sa grande fortune ; car, du Bellay-Langey, lieutenant du roi de {300}France en Piémont, l'ayant alors vu de près l'apprécia, et, l'ayant apprécié, voulut le faire apprécier par le roi à qui il le dépêcha en 1540, pour l'instruire de l'assassinat de Rincon et de Frègose, ses ambassadeurs à Rome et à Constantinople, à leur passage sur les bords du Pô. Comme il s'agissait de manœuvrer habilement et résolument dans ces deux villes, dans la dernière surtout, François Ier chargea l'envoyé de du Bellay d'une ambassade auprès du sultan (11 juillet 1541), et notre homme, étant arrivé sur les bords du Bosphore, " alla, vira, trotta, traicta et monopola si bien ", qu'en dépit de toutes les trames du marquis del Vasto, envoyé de l'empereur et l'instigateur de l'assassinat des ambassadeurs du roi de France, Soliman lui accorda des secours en hommes et en vaisseaux avec lesquels il vint mettre le siège devant Nice. Par la faute de Barberousse, général de l'armée turque, cette ville ne put être prise ; mais le Pollin, qui s'était affirmé, reçut, au mois de mars 1543, commission de lieutenant général des mers du Levant, sous le comte d'Enghien, et fut fait en même temps colonel de 3,000 hommes de pied et noble. L'an suivant (avril 1544), on le nommait général des galères, et, comme il n'y avait pas de galères, il en fit construire, ayant préalablement obtenu l'autorisation de prendre pour leur service " tous les criminels capables de mort. " Il paraît même qu'il fut en cela " grand despensier ", attendu " qu'il lui cousta plus de 20,000 écus, pour le superbe appareil de ses galères et aprets d'ornements " ; mais enfin, ayant créé une flotte, il s'en servit pour battre les ennemis de la France et il ne pouvait rien faire de mieux. Malheureusement, il ne fit pas que cela ; car les Vaudois de Cabrières et de Mérindol s'étant révoltés, sur ces entrefaites (1545), au nom de la liberté de conscience, il prit part à la répression, qui fut atroce, et il reste de cela une tache sur sa mémoire, comme il en reste une sur la mémoire de tous les persécuteurs. Ajoutons que les succès qu'il remporta ensuite, à la tête de ses galères, sur les Anglais, à qui il prit l'île de Wight, ne l'empêchèrent pas d'être traduit, en 1547, devant le parlement de Paris, à cause de la part qu'il avait prise aux massacres de Cabrières et de Mérindol, et d'être enfin condamné pour cela à la destitution de sa charge et à la prison perpétuelle.
Rendu à la liberté et réintégré dans sa charge, par arrêt du 13 février 1551, M. de la Garde, comme on l'appelait alors, alla guerroyer en Italie, contre Charles-Quint ; après quoi, étant remonté sur ses galères, dont il n'avait pas moins de trente-six en 1553, il se mit à battre un peu partout dans la Méditerranée les Génois et les Espagnols, ce qui lui valut d'être nommé gouverneur de Marseille et lieutenant général au gouvernement de Provence, en 1557. Seulement, il n'exerça guère ces emplois, à cause de certains différends avec les Marseillais, et c'est pour cela qu'après avoir fait pendant quelque temps la chasse à Paulon de Mauvans, le des Adrets provençal, il se retira quelque peu découragé à la Garde, où il recevait le roi Charles IX, le 20 septembre 1564, et d'où il allait quand même, de temps à autre, au secours des catholiques de la région. Ainsi prit-il sa part de la défense de Beaucaire et des combats près de Tulette, du Pont-St-Esprit et de Mornas, en 1567 ; puis, contribua-t-il à la reprise de Montpellier sur les huguenots, et fut-il chargé, vers la fin de l'année 1568, d'occuper la ville et la principauté d'Orange, ce qu'il fit sans grandes difficultés. Mais tout cela était peu de chose pour lui ! Il lui fallait ses galères, et c'est conséquemment avec une véritable joie qu'il prit le commandement de la flotte royale, lorsqu'on eut décidé de faire le siège de la Rochelle contre les huguenots. Parti de Marseille avec huit navires, au commencement de 1570, il se porta avec cinq à l'embouchure de la Charente, pour empêcher le ravitaillement de la place, puis ferma l'entrée du port de celle-ci, en y faisant couler un navi{301}re, qui devait servir, cinquante-huit ans plus tard, pour la fameuse digue, sans laquelle Richelieu n'aurait probablement pas pris la Rochelle ; mais tous ses efforts combinés avec ceux du duc d'Anjou, qui assiégeait la place par terre, ayant échoué, ce dernier s'en prit naturellement au vieux marin de son échec. On prétend même qu'il le fit arrêter, ce qui n'empêcha pas Antoine Escalin de servir encore quelque temps en Saintonge sous Strozzi ; après quoi il revint à Marseille et, de là, à la Garde. Mieux informé et probablement pour réparer la faute qu'il avait commise étant duc d'Anjou, Henri III donna successivement à son général des galères le collier de son ordre, une charge de gentilhomme ordinaire de sa chambre, le titre de conseiller au Conseil privé et Brégançon, une des îles de la côte de la Méditerranée érigée en marquisat (1574), puis le nomma chevalier d'honneur de la reine-mère et général de l'armée navale sur les côtes de la Rochelle et de Brouage. Malheureusement c'était trop tard. Brisé par la maladie et courbé sous le poids de l'âge, Escalin des Aimars put bien encore contribuer, par ses conseils, à la pacification du Comtat, en 1576, et même aller à Paris au commencement de janvier 1578, pour certaines affaires ; mais ce dernier effort le brisa, et, revenu à la Garde, il y mourut d'hydropisie, le 30 mai suivant, tenant son épée à la main et protestant " que comme il avoit toujours vécu dans le service du roi, il auroit souhaité avec grande passion de mourir les armes à la main, servant Dieu et sa majesté. "
" Il est mort pauvre, encore qu'il eust faict de beaux butins en son temps ", dit Brantôme ; et, de fait, en dehors de la baronnie de la Garde, qu'il voulut restituer aux Grignan, mais que son fils revendiqua, il ne laissa à celui-ci que la terre et seigneurie de Pierrelatte et 2,000 écus.
Ce fils, qui avait nom Jean-Baptiste Escalin des Aimars et une sœur appelée Marguerite, était un enfant naturel légitimé en 1570, qu'il avait eu en 1539 d'une demoiselle d'honneur de la reine Catherine de Médicis, appelée Madeleine et anglaise de nation. Homme de guerre lui-même, il épousa Polyxène d'Eurre, qui le rendit père de Louis, dont le fils, également appelé Louis, mourut célibataire et âgé de 90 ans en 1713, laissant la Garde aux Adhémar de Grignan.
BIO-BIBLIOGRAPHIE. - I. Vie du capitaine Cassard et du capitaine Paulin, connu sous le nom de Baron de la Garde. Paris, Belin, 1789, in-12. - II. Escalin, pâtre, ambassadeur et général des Galères de France. Recueil de documents concernant sa vie, par le comte d'Allard. Valence, 1896, in-8º.
#Biogr. Dauph., ii, 18. - Pithon-Curt, Hist. de la nobl., iv, 73. - Lacroix, L'Arrond. de Mont., iv, 54. - Brantôme, Vie des gr. cap., i, 399. - Ruffi, Hist. de Marseille, ii, 354. - Arch. mun. de la Garde. - Mém. de Castelnau, ii, 5. - Etc., etc.




Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901

Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne

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