MARTIN (Jean-Claude)



MARTIN (Jean-Claude)), dit MARTIN DE CLANSAYES, archéologue et historien, né à Grenoble le 4 mai 1766, mais appartenant à notre département par un long séjour et par sa mort, se disposait à entrer dans le sacerdoce, quand éclata la Révolution, et ne le fit probablement que plus tard ; il ne semble pas, en effet, avoir quitté sa ville natale pendant la Terreur, et y était, dans les commencements du Directoire, précepteur de celui qui devait être le célèbre hiéroglyphiste Champollion. Devenu ensuite professeur de langues anciennes dans un pensionnat, à l'Ile-Barbe, il profita du voisinage de Lyon pour se livrer surtout à sa passion pour l'archéologie et l'histoire locale. Car, indépendamment de ce que la plupart de ses ouvrages imprimés datent de cette époque, on sait par sa correspondance avec certains membres de la Société littéraire, qui remplaça pendant assez longtemps à Grenoble l'Académie delphinale, qu'il en écrivit alors d'autres, notamment une Histoire de Lyon, à laquelle il attachait d'autant plus d'importance que, celle du P. Ménestrier exceptée, il trouvait tous les ouvrages sur ce sujet " mal digérés, sans méthode ni critique et assez mal écrits ; " témoignage irrécusable d'une confiance en lui qui fut toujours le côté faible de son caractère. Pour pouvoir fréquenter tout à son aise les bibliothèques publiques, dont il signalait, à ses amis de Grenoble, les manuscrits intéressant le Dauphiné, et courir facilement les bouquinistes, chez qui il découvrait de temps en temps quelques livres rares, qu'il lui fallait céder ensuite à de plus fortunés que lui, faute de ressources, notre abbé finit par abandonner son pensionnat et s'établir à Lyon, sous prétexte que le climat de l'Ile-Barbe ne convenait pas à sa santé. Seulement, comme il devait d'autant moins trouver là des moyens d'existence, qu'après avoir refusé six louis de son Histoire de Lyon, fruit de plusieurs années de travail, il ne les trouva plus, il lui fallut bientôt en chercher ailleurs. Dès le 25 prairial an XII, il était à la recherche d'un emploi quelconque, à ce que nous apprend une lettre du préfet du Rhône recommandant à " la bienveillance des autorités et du gouvernement " M. Martin, dont les ouvrages " ont mérité les applaudissements de tous les amis des arts. " Mais, bien que ce haut fonctionnaire affirmât encore dans sa lettre " les talents distingués de cet artiste ", J.-Cl. Martin fut réduit à accepter la tâche ingrate de faire la classe à quatre jeunes Lyonnais, et ce n'est enfin qu'après avoir décliné l'offre dérisoire d'un emploi de maître d'études au lycée de Grenoble, qu'il devint en 1808, grâce à la protection de Crétet, professeur de 3e et de 4e, puis de 2e et de 3e au collège de Saint-Marcellin. Moyennant 1,200 livres par an, il devait là instruire et tenir en bride 25 écoliers fort peu disciplinés, à ce qu'apprennent ses lettres, desquelles il résulte également qu'il ne continua pas moins à s'occuper surtout de ce qui lui plaisait, c'est-àdire d'archéologie et d'histoire locale, et qu'il eut même alors, dans cet ordre d'idées, certaine mésaventure. En effet, le Moniteur du 9 juin 1809 contenant un article daté de Saint-Marcellin, le 27 mai, dans lequel sept inscriptions dauphinoises étaient don{125}nées comme ayant été découvertes par " M.-J.-C. Martin, de Grenoble ", Champollion-Figeac protesta, disant que ces inscriptions étaient connues avant M. Martin, qui ne trouva rien de mieux alors que de se défendre d'être l'auteur de l'article en question, ce qui équivaut à dire qu'il mentit deux fois.
Trois ans plus tard, notre abbé, descendu au rang de professeur de 6e, était au petit séminaire de Valence, où il resta bien de neuf à dix ans, et n'oublia pas moins qu'ailleurs ses devoirs professionnels, pour s'adonner à ses goûts ; c'est même pendant ce tempslà qu'il ajouta le plus à la liste déjà fort longue de ses médiocres écrits. Chargé, en 1821, de desservir la petite paroisse de Clansayes, il fut comme curé, pour ses paroissiens, ce qu'il avait été comme professeur, pour ses élèves. Au lieu de s'occuper d'eux, il se mit à parcourir la contrée, toujours à la recherche d'inscriptions, de chartes et d'autres documents, dont il prenait copie, de restes antiques et de pétrifications, qu'il collectionnait, n'interrompant ses visites aux villes et aux villages environnants que pour composer de nouveaux écrits, dans lesquels il traite non seulement de l'histoire et des antiquités du pays, mais encore de sa topographie et de la composition géologique du sol. Telle était sa manie d'écrire, qu'il alla jusqu'à faire des vers, bien qu'il n'eût guère de dispositions pour cela, à en juger par ce que nous connaissons d'un très pitoyable poème intitulé : Baruch à Babylone, qu'il se proposa un moment de publier par livraisons, mais pour lequel il ne trouva pas plus de souscripteurs que pour la plupart de ses autres ouvrages qui, disons-le vite, sont tous, plus ou moins, de ceux à qui l'on peut appliquer ce qu'il disait lui-même des histoires de la ville de Lyon, c'est-à-dire des ouvrages " mal digérés, sans critique ni méthode. " Or, cette manie d'écrire était malheureusement doublée chez lui, ainsi que nous l'avons déjà remarqué, d'une très haute opinion de lui-même. L'impossibilité de trouver des souscripteurs ne l'empêchait pas de se croire un personnage important dans le monde de la science et, c'est vraisemblablement pour l'affirmer qu'il agrémentait d'ordinaire tout document qui lui passait par les mains de quelques lignes rappelant qu'à telle date J.-Cl. Martin, " archiviographe du Midi ", ou " antiquaire de France ", en a pris ou non copie.
Cela dit, il serait superflu d'ajouter que les rapports de l'abbé Martin avec ses supérieurs ecclésiastiques manquèrent de cordialité, et rien d'ailleurs ne saurait mieux donner une idée de ce que furent ces rapports, que le passage suivant d'une lettre de l'abbé Mazelier (voir ce nom), son archiprêtre, en date du 30 août 1839 : " M. Martin, curé de Clansayes, ne fait guère le catéchisme que pendant le Carême, ou au moins pendant l'hiver. Il ne le fait jamais le dimanche. Ce pauvre homme, qui n'a guère d'énergie que dans ses susceptibilités, fait gémir sur la faiblesse de l'instruction qu'il donne. L'évêché lui a donné autrefois des avertissements ; il serait nécessaire d'y revenir. Je les aurais faits moi-même, mais je n'espère pas de rien avancer. " Et, malgré tout, l'abbé Martin ne resta pas moins curé de Clansayes jusqu'à sa mort, arrivée le 11 avril 1847. Mais il y a d'autant plus lieu de croire qu'à l'heure suprême, cet homme qu'avait toujours hanté le désir d'être au premier rang, vit les choses d'un autre œil, qu'un sentiment d'humilité chrétienne lui fit demander alors d'être inhumé sous le seuil du cimetière de son village. Et c'est là qu'il repose en effet.
ICONOGRAPHIE. - I. Portr. in-8º au physionotrace, par Bailly, en 1805. Buste de profil à G., avec la légende : Jean-Claude Martin, né à Grenoble le 4 mai 1766, et, audessous un sixain de Jean Turde Nîmes. - II. Autre, portr., dess, et gravé par Roy..., à Paris, {126}l'an 1810. Buste de profil, dans un méd. rond de 0,058, sans légende. Le portr. se trouve en tête de l'Hist. de Charles Dupuy. - III. Autre portrait. Buste de 3/4 à G..., dans un encadrement de 0,120 de hauteur.
BIBLIOGRAPHIE. - I. Notice des antiquités de la ci-devant province du Dauphiné et de ses hommes illustres. S.l.n.d., in-8º de 16 pp.
II. Histoire abrégée de la vie de François de Bonne, duc de Lesdiguières, pair et dernier connétable de France. On a joint à cette histoire celle du chevalier Bayard ; une notice sur Vaucanson, Mably, Condillac, etc. Grenoble, David, an X (1802), in-8º de 180 pp., avec les portr. de Lesdiguières et de Bayart.
III. Histoire militaire et politique de François de Beaumont, baron des Adrets, avec notes. Grenoble, Peyronnard, 1803, in-8º de 63 pp. + 199 pp. pour les notes.
IV. Précis de la vie de Madame de Châteaudouble, avec notes. On y a joint une notice sur le chimiste Dupré et la vie du président Expilly. Grenoble, J.-H. Peyronnard, 1803, in-8º de 15 pp. pour la vie de Mme de Châteaudouble ; plus 24 pp. pour celle d'Expilly, qui a un titre particulier et 24 autres pages pour les notes ; enfin, 2 pp. non chiffrées pour la notice sur Dupré.
V. Coup d'œil rapide sur le Dauphiné et les exploits de ses héros, jusqu'aux temps du chevalier Bayard et du connétable de Lesdiguières. Lyon, Villeprend, 1804, in-8º de 32 pp.
VI. Histoire chronologique de Iovinzieux de nos jours Saint-Donat, bourg du département de la Drôme, ancienne résidence des évêques de Grenoble, et notice de Peyrins. Valence, Marc Aurel, 1812, in-8º de 39 pp.
VII. Histoire de Charles Dupuy, surnommé le brave, seigneur de Montbrun. Nouvelle édition, revue, corrigée, considérablement augmentée, avec notes. Paris, Michaud, mdcccxvi, in-8º de 172 pp. Nous ne connaissons pas la première édition et doutons qu'il y en ait une autre que celle que nous signalons.
VIII. Antiquités et inscriptions des villes de Die, d'Orange, de Vaison, d'Apt et de Carpentras. Nouvelle édit. Orange, Jos. Bouchony, mdcccxviii, in-8º de 122 pp.
IX. Fragments inédits de l'histoire du Dauphiné. Orange, Escoffier, 1838, in-8º de 69 pp.
X. Baruch, ou les Hébreux en Babylone. Fragments bibliques imités et paraphrasés en vers. Orange, Jules Escoffier, 1842, in-8º de 56 pp., avec frontispice. A la page 49, le sujet change ; c'est La Pythonisse d'Endor, fragment biblique imité en vers français du premier livre des Rois, chap. xxviii.
J.-Cl. Martin est encore l'auteur de quelques articles publiés dans la Revue de Vienne, d'une notice sur Baume-de-Transit faisant partie de l'Album du Dauphiné, et, croyons-nous, de certains articles non signés de la Revue de Lyon ; mais tout cela est peu de chose auprès du grand nombre d'ouvrages manuscrits qu'il a laissés ; la bibliothèque de Grenoble en possède, à elle seule, trente-huit ; M.A. de Bouffier et quelques autres bibliophiles dauphinois en ont également plusieurs, et nous savons enfin, par différentes notes de notre curé de Clansayes, que les plus volumineux, pour ne pas dire les plus importants, sont probablement perdus, notamment un Dictionnaire abrégé du Dauphiné en deux volumes, de 699 et de 445 pages et " de deux pans moins un quart de longueur (sic) sur un de largeur ". Quant aux collections de cet ecclésiastique, les mêmes notes nous apprennent qu'il les donna de son vivant à la bibliothèque de Valence ; et, pour ce qui est de ses nombreuses lettres, qui sont incontestablement plus intéressantes que ses ouvrages, elles sont disséminées un peu partout.
#Biogr. Dauph., ii, 126. - Champollion-Figeac, Chron. Dauph., ii, 37, 41, 53, 161, etc. - Monit. univ. - Notes de M. Perrossier. - Catal. des manuscrits des bibl. publ., vii. - Etc.




Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901

Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne

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