POITIERS (Jean de)



POITIERS (Jean de)), frère puîné du précédent, né en 1368, était prévôt de l'église de St-Omer lorsqu'il fut élevé, le 7 septembre 1390, sur le siège épiscopal de Valence et de Die, auparavant occupé par Henri de Saluces, prélat dont l'existence est établie par des documents, bien que le Gallia Christiana la révoque en doute. Or, devenu ainsi évêque à 22 ans, il se préoccupa si peu de ses diocésains, que les habitants de Valence et des localités environnantes, abandonnés à leurs propres forces alors que le pays était ravagé par les bandes de Raymond de Turenne, firent avec les mandataires du roi de France un traité aux termes duquel ce prince les prenait sous sa sauvegarde (3 octobre 1396) ; ce traité fut approuvé par Charles VI lui-même, au mois de juillet suivant, mais, par contre, irrita tellement Jean de Poitiers, dont les droits de prince temporel recevaient ainsi une rude atteinte, qu'il chercha dès lors toutes sortes de querelles aux Valentinois, à propos de leurs franchises, et, par rancune contre le roi de France, resta dans l'obédience du pape Benoît XIII, après que les évêques français en furent sortis sur l'ordre de leur souverain. Mieux que cela, il amena des renforts à ce pontife menacé, et, s'étant enfermé avec lui dans Avignon, y subit sept mois de siège, pendant lesquels il assista à la translation des restes du pape Clément VII (18 septembre 1401).
Cela, joint à des intrigues contre la France, fut cause que le roi Charles VI fit saisir le temporel de notre prélat, qui répondit à cette mesure, en obtenant de Benoît XIII une bulle enjoignait à l'abbé de Valcroissant et aux doyens de Lyon et de Vienne, de fulminer contre les usurpateurs des biens des églises de Valence et de Die. Seulement les résultats de cette bulle furent tellement négatifs que, mieux inspiré, Jean de Poitiers feignit alors d'incliner du côté du roi de France et se fit même charger, tant par son cousin, le comte Louis II, que par son père et ses frères, de la négociation d'un traité en date du 19 juin 1404, par lequel ce comte s'engageait à laisser ses états à ce souverain, s'il mourait sans enfants mâles, {257}ce qui ne l'empêcha pas de s'opposer ensuite à ce traité. Par contre, il abandonna le pape Benoît XIII dès que le concile de Pise eut prononcé la déchéance de ce pontife ; et, le pape Alexandre V l'ayant alors nommé recteur du Comtat-Venaissin, avec charge d'en chasser les Aragonais qui l'occupaient, il leva des troupes et, marchant contre ces étrangers, les tint assiégés dans le château d'Avignon jusqu'à ce qu'ils capitulassent (30 septembre 1411).
Cinq ans plus tard (5 février 1416), l'empereur Sigismond, passant à Valence, créa Jean de Poitiers comte du sacré palais, avec pouvoir de créer des notaires et de légitimer les bâtards, ce qui, joint à toutes les autres charges et dignités dont il était revêtu, acheva d'en faire un très puissant personnage ; et c'est probablement là ce qui porta notre prélat à s'associer à l'attentat commis, au mois d'août suivant, par le seigneur de St-Vallier son frère, contre le comte de Valentinois Louis II (voir ce nom), pour s'assurer son héritage, peut-être même à en être l'instigateur, puis, à s'emparer, les armes à la main, des principales places du Valentinois quand ce comte fut passé de vie à trépas, laissant ses états au roi de France. Seulement, comme il était aussi habile qu'audacieux, il comprit bien vite, ensuite, qu'il lui était impossible de persévérer dans cette attitude et se rendit lui-même à Bourges pour négocier avec le Dauphin, dont il gagna à ce point la confiance, que ce prince le chargea, quelque temps après, d'une mission auprès du duc de Bourgogne, dont son frère, l'évêque de Langres, était le conseiller. Et c'est ainsi que sans se douter du crime que l'on préparait, il décida Jean-sans-Peur à se rendre à Montereau au mois d'août 1419 ; enfin, de retour à Bourges, il pesa si fortement sur le Dauphin, dont il tenta la détresse en faisant briller à ses yeux une somme de 30.000 écus, qu'il s'engageait à lui donner en échange de l'abandon de ses droits sur les comtés de Valentinois et de Diois, que ce prince finit par accepter ce marché, le 13 mai 1422. Les 30.000 écus furent même comptés et il ne tint pas à notre prélat que l'héritage du dernier comte de Valentinois ne passât entre les mains du seigneur de St-Vallier.
Or, déçu de ce côté-là, Jean de Poitiers eut ensuite le déboire de voir le duc de Savoie s'emparer un moment des deux comtés, sous prétexte que les conditions imposées au roi-dauphin par le testament de Louis II n'avaient pas été remplies, puis intervenir, en qualité de vicaire impérial, dans de vieilles querelles qu'il avait avec les habitants de sa ville épiscopale à propos de leurs franchises et faire saisir le temporel des deux évêchés, ce qui eut par contre, pour résultat de mettre fin à ces querelles. Car, les Valentinois étant alors intervenus auprès du duc pour faire lever cette saisie, l'évêque reconnaissant convint, le 25 août 1425, que les habitants de Valence avaient le droit d'élire des magistrats municipaux pour l'administration de leur ville, de réédifier la maison consulaire, qui avait été détruite, et d'y tenir des assemblées, d'avoir un sceau particulier pour la commune et de ne payer aucun des impôts prélevés au profit de l'évêque sous les noms de péage et de leyde ; enfin, que ce dernier était tenu de s'engager par serment à respecter et maintenir toutes ces franchises, ce qui fut confirmé par le pape Martin V, mais n'empêcha pas les officiers épiscopaux de se conduire encore de telle sorte que, dix ans plus tard, il était question de recourir au concile de Bâle pour mettre un terme à leurs empiétements ; d'où un nouvel accord, le 23 septembre 1436. Toutefois, l'harmonie qui régnait entre le prélat et les Valentinois en fut si peu troublée, qu'on voit plus tard ces derniers faire don de grosses sommes à leur évêque, à titre purement gracieux : 500 florins en 1442, c'est-à-dire quelques mois après que Jean de Poitiers eut enjoint {258}aux juifs établis ou passant à Valence de porter une marque distinctive sur leurs habits, comme ils le faisaient à Avignon ; 800 en 1445. Et il en fut ainsi jusqu'en 1447, date à laquelle Jean de Poitiers se démit de ses évêchés de Valence et de Die, au profit de son neveu, pour devenir archevêque de Vienne, siège dont il prit personnellement possession le 15 août 1448, et qu'il n'occupa que peu de temps ; car, ayant signé le 31 octobre de l'année suivante, sous la pression du dauphin Louis (XI), qui lui donna quelques terres en échange, un acte par lequel il partageait avec ce prince la seigneurie temporelle de sa ville archiépiscopale et, par cela même, mettait fin à l'indépendance féodale des archevêques de Vienne, il se retira vraisemblablement ensuite à Valence. En tout cas, il y mourut, le 8 novembre 1451, et fut inhumé devant le maître autel de la cathédrale, où il s'était fait faire un tombeau quelque temps auparavant, ainsi qu'il résulte de la fondation d'une messe à dire chaque lundi, faite en 1450, par Guillaume de Poitiers, seigneur de Barry et de Soyans, frère naturel du prélat. Son court séjour à Vienne explique le mot de Charvet : " Nul acte de l'église de Vienne ne marque le jour de sa mort " ; mais ce qui s'explique moins, c'est que le P. Anselme nie que Jean de Poitiers ait été archevêque de Vienne.
#Biogr. Dauph., ii, 265. - P. Anselme, ii, 200. - Du Chesne, 86. - De Beaucourt, Hist. de Charles VII, ii, 655. - Ollivier, Essais, 75 et 501. - Arch. Isère, B, 2984 ; de Valence, AA, 1 et 7 ; BB, 1 ; CC, 56 ; FF, 4 et 7. - Charvet, Hist. de Vienne, 509. - Revue du Dauph., iii, 186.




Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901

Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne

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