Page 199 - Tous les bulletins de l'association des" Amis du Vieux Marsanne"
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Le lait des chèvres servait à la fabrication de tommes fraîches. Il n'existait pas toutes les variétés de
            fromages blancs, yaourts et autres desserts actuels à base de lait.
            Les fermières livraient les différentes épiceries une fois par semaine. Une ancienne commerçante m'a
            confié  qu'elle  en  écoulait  une  centaine  tous  les  vendredis.  Il  était  amusant  de  voir  les  Marsannaises
            arriver, qui avec un bol, qui avec une assiette ou tout autre ustensile pouvant recueillir leur achat.
            Ensuite, vint la période des pots de yaourt Danone en verre et les bouteilles de lait consignées que nous
            ramenions. Et maintenant, nous jetons tout.

            Dans les fermes, il se fabriquait des tommes de chèvre sèches. Les commerçants avaient un assortiment
            de fromages restreint :
            - le gruyère qu'ils recevaient en grande roue complète et qu’ils conservaient à la cave sur de la paille
            fraîche.
            - le fromage bleu en meule de 2 kg
            - les tommes de chèvre sèches

            L'été, il y avait des "cloches en toile métallique pour éviter les mouches".
            Parfois, le client était exigeant pour le gruyère, "l'un ne voulait pas de croûte, l'autre désirait le morceau
            de devant, il fallait le morceau du milieu au troisième, et puis, s'il était un peu sec, on ne le voulait pas.
            Heureusement, on avait la râpe et on faisait le fromage râpé".

            Ce fromage râpé était souvent source d'oubli sur la liste de la ménagère. En effet, il m'a été rapporté par
            plusieurs anciennes épicières que, pour 50 g de râpé pour la soupe, on tapait à la fenêtre du magasin le
            dimanche soir, ou on venait le cherche à midi et demie, au moment de faire cuire les pâtes ou le riz !

            Nos épicières n'avaient pas d'horaires. Elles ouvraient de 8 heures du matin (7 pour celle qui faisait le
            dépôt de lait) à 20 heures le soir, voire 22 heures l'été, et ceci sans interruption. Il n'y avait qu'une seule
            demi-journée de congé, le dimanche après-midi, "mais les gens venaient taper pour qu'on leur ouvre. On
            n'a  jamais  pris  de  congés.  Nous  n'avions  pas  l'habitude.  Si  on  voulait  garder  ses  clients,  il  fallait
            toujours être à leur service."

            On  ne  trouvait  ni  viande,  ni  charcuterie  dans  les  épiceries  avant  1945.  Le  jambon  sous  cellophane
            n'aurait satisfait personne, sans compter que de nombreuses fermes tuaient toujours le cochon.

            Autre particularité des épiceries de la première moitié de ce siècle, beaucoup d'aliments étaient vendus
            au détail - pâtes à potage, sel, huile, vinaigre, anchois, lentilles, pois cassés, sucre, pétrole, farine.
            Cela faisait le délice des charançons, mais pas ceux de l'épicière lorsque ces visiteurs arrivaient. D'où
            l'intérêt des produits préemballés, mais la clientèle les boudait au début et a dû s'adapter à ce mode de
            présentation. "Avec les marques, on ne paie que l'emballage publicitaire".

            On achetait un hecto, une livre, un verre d'huile, cinq anchois..."on ne dépensait pas si on n'avait pas
            d'argent. Les marchandises se vendaient par petites quantités".
            Pour l'huile, c'était au verre, ensuite au litre. Tous avaient des tonneaux d'huile avec le robinet qui était à
            la hauteur des enfants ! Il arrivait que ceux-ci l'ouvrent et qu'un litre d'huile se répande sur le sol. L'huile
            vendue au détail posait des problèmes l'hiver. Aussi, il arrivait qu'on installe des briques chaudes autour
            du bidon et du robinet. En 1940, hiver où il fit très froid, tirer un litre d'huile n'était pas chose aisée !
            RAMADE étant le spécialiste de l'huile livrait principalement de l'huile d'olive (l'huile Ramade existe
            toujours). Les olives étaient aussi vendues au détail, livrées dans des corbeilles en vannerie qui étaient
            consignées au commerçant.

            Toutes les épiceries vendaient de la morue. Certains la dessalaient, d'autres pas. Cela se pratiquait dans
            de grandes bassines "ce qui donnait à la grande pièce l'odeur de la mer". (Barjavel, "La charrette bleue")
            Cette opération se passait le jeudi après que chaque cliente eut choisi son morceau. "Alors, c'était la
            dispute, les uns ne voulaient pas la queue, les autres ne désiraient pas l'aile, il leur aurait fallu que des
            morceaux du milieu".
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